Omar Sy triomphe à Cannes avec «Tirailleurs»

Présenté en ouverture de la section Un Certain Regard, «Tirailleurs» de Mathieu Vadepied donne l’un des plus beaux de sa carrière à Omar Sy, celui d’un père qui s’engage sur le front de la guerre 14-18 pour assister son fils, enrôlé de force dans l’armée française.

«Nous n’avons pas la même mémoire mais nous partageons la même histoire». Ce sont par ses mots emprunts de sagesse que l’acteur et producteur Omar Sy a lancé la projection du film mercredi soir. Film d’ouverture de la section Un Certain Regard du festival de Cannes, formidablement accueilli par le public au point que la star française avait les yeux embués de larmes salle Debussy, «Tirailleurs» est le premier film destiné à une large audience à raconter l’histoire des tirailleurs sénégalais qui ont combattu en France durant la guerre 1914-1918, pour la plupart enrôlés de force et ne connaissant même pas un mot de français sur les champs de bataille. «C’était très émouvant car c’était la première projection publique du film», nous a confié le réalisateur de «Tirailleurs», Mathieu Vadepied dont il s’agit du second film et qui a beaucoup travaillé sur la série En Thérapie.

«Cela fait à peu près 30 ans que j’ai eu cette idée. Je ne sais pas si c’était moi qu’il n’était pas tout à fait prêt ou si c’était la société. Il y a une difficulté en France à aborder ce sujet, comme une sorte de déni. On n’est pas capable d’en parler. Il y a trop de douleur, il y a trop de de culpabilité. Il y a de la honte, aussi. C’est comme pour toute histoire douloureuse, ça met du temps à ressortir». Bien sûr, la présence d’Omar Sy au casting a permis d’ouvrir de nombreuses portes. «Nous nous sommes rencontrés il y a dix ans, sur le tournage d' »Intouchables »», nous a expliqué le cinéaste, «je ne l’ai pas engagé parce qu’il est populaire mais parce que cela avait du sens pour lui et pour moi, c’est aussi pour cela qu’on lui a proposé d’être co-producteur du film», a-t-il ajouté. «Grâce à Omar, nous pouvons toucher un large public et c’est le but du projet que de raconter cette histoire au plus de gens possibles».La suite après cette publicité

Omar Sy bouleversant

Père de famille qui s’engage sur le front pour veiller sur son fils enrôlé de force, Omar Sy est bouleversant dans «Tirailleurs», trouvant peut-être là le rôle le plus intime de sa carrière. «Nous avons longtemps chercher comment raconter l’histoire des tirailleurs sénégalais sans être misérabiliste ou manichéen. Nous ne voulions pas mettre en scène la guerre de façon grandiloquente mais raconter une histoire intime, des destins individuels qui s’inscrivant dans la grande Histoire. Nous ne voulions pas non plus que le film soit un tract politique».

Avec intelligence, le film brise la convention de la langue unique parlée par tous les protagonistes pour justement en faire l’un des enjeux du film – Bakary Diallo, le père, ne parle que Peul alors que Thierno, son fils, maîtrise quelques mots de français. «C’est un des éléments fondateurs du projet, pour donner une forme d’authenticité au récit. C’est un accès de compréhension très simple mais très concret sur la réalité de ce qu’a pu être ce moment où des soldats étaient enrôlés de différents pays qui comprennent chacun un nombre incroyable de langues et d’ethnies différentes. Et du coup, qui, se retrouvant ensemble sur le front, ne se comprennent pas. Alors on leur apprenait, on essayait de leur apprendre le français tirailleur qui était une espèce de simplification qui avait été opérée pour que le minimum des ordres soit compris par les soldats, mais qui est devenu symboliquement une espèce de français dégradé et un peu dégradant pour les Africains d’Afrique subsaharienne qui parlaient le français.» Le film débute d’ailleurs en pays Peul, quand Thierno est enrôlé de force dans l’armée française. «On les arrachait à leur famille et à leur mode de vie. Certains n’ont jamais revu leur village, leurs proches. Après la guerre, il n’y a pas eu reconnassaince, pas eu non plus de sépulture. Cette souffrance a été vécue au même titre que les souffrances des familles en France. Il faut la regarder en face».