Sénégal : deux morts dans des tensions pré-électorales, l’opposant Sonko défie le pouvoir

Des heurts ont fait deux morts, vendredi à Dakar, entre des jeunes et des policiers, dans un contexte de tensions préélectorales. Ousman Sonko, principal opposant au pouvoir, somme le président Macky Sall de libérer les membres de l’opposition arrêtés la veille.

Des heurts entre jeunes et policiers ont fait deux morts, vendredi 17 juin à Dakar et dans le sud du Sénégal, où l’escalade verbale des dernières semaines entre pouvoir et opposition a tourné à la confrontation redoutée un mois et demi avant les élections législatives.

Trois figures de l’opposition ont été arrêtées, a indiqué le porte-parole du parti Pastef, Ousseynou Ly. Le leader de l’opposition, Ousman Sonko, et le maire de Dakar, Barthélémy Dias, autre ardent pourfendeur du président Macky Sall, ont été empêchés de sortir de chez eux par les forces de sécurité, a-t-il dit.

Samedi, Ousmane Sonko, le principal opposant est resté campé sur une ligne de confrontation avec le pouvoir. Il a sommé le président sénégalais de libérer les membres de l’opposition arrêtés, faute de quoi leurs supporteurs viendront « chercher ces otages politiques, coûte ce que cela devra coûter », a-t-il dit sur Facebook.

Au même moment, les Sénégalais se divisaient sur les responsabilités dans les évènements de la veille et sur les moyens de stopper l’engrenage dans un pays souvent considéré comme un îlot de stabilité en Afrique de l’Ouest, même s’il n’a pas été étranger pour autant aux violences politiques par le passé. Différentes voix se sont élevées pour reprocher au pouvoir son intransigeance.

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Vendredi, différents quartiers de la capitale ont été le théâtre d’affrontements entre jeunes lançant des pierres et policiers les tenant à distance à coups de gaz lacrymogènes ou les dispersant à l’aide de grenades assourdissantes dans la fumée des pneus incendiés. En Casamance (sud), l’opposition a accusé les forces de sécurité de tirer à balles réelles.

À Dakar, un jeune homme (ou une jeune femme), selon les sources, a péri quand un projectile a mis le feu dans un local où il (ou elle) se trouvait, a indiqué un responsable de la Croix-Rouge sous couvert d’anonymat. La presse et l’opposition ont fait état d’une deuxième décès à Bignona, en Casamance.

De nombreux Sénégalais redoutaient cette montée des tensions depuis que les autorités avaient interdit mercredi à l’opposition de manifester ce vendredi après-midi. L’opposition entendait protester contre l’invalidation d’une liste nationale de candidats pour les législatives du 31 juillet. Elle avait prévenu qu’elle passerait outre l’interdiction.

Manifestants refoulés

Des pelotons de policiers en tenue antiémeute, soutenus par des véhicules blindés, ont empêché quiconque d’approcher la place de la Nation où devait se dérouler le rassemblement, à l’écart du centre politique et économique de la capitale.

Les policiers ont refoulé vers les rues adjacentes de petits groupes mobiles qui les harcelaient à coups de pierres.

Des troubles ont été rapportés dans d’autres quartiers de la capitale, ainsi qu’à Ziguinchor, en Casamance.

Dès la matinée, les policiers ont fait le siège autour de chez Ousman Sonko, dans le quartier dakarois cossu de Mermoz, résolus à l’empêcher de mettre à exécution son intention proclamée de défier l’interdiction de manifester.

À la mi-journée, ils l’ont empêché de se rendre à la grande prière hebdomadaire.

« Même notre liberté de culte est bafouée aujourd’hui », a dit posément Ousman Sonko, vêtu du boubou traditionnel pour la prière, après s’être heurté à un barrage de policiers.

Appel au dialogue

Le pouvoir cède à la « panique », a assuré l’opposant, troisième de la présidentielle de 2019, candidat déclaré à celle de 2024, et populaire chez les jeunes.

Trois personnalités de l’opposition, Déthié Fall, Ahmet Aidara et Mame Diarra Fame, ont été arrêtées, a dit le porte-parole du parti d’Ousman Sonko.

L’AFP n’a pas pu obtenir confirmation de ces arrestations ainsi que des deux décès de la part des autorités.

L’opposition dénonce l’invalidation de la liste nationale de la coalition Yewwi Askan Wi, menée par le parti d’Ousman Sonko, comme un stratagème du président Macky Sall pour écarter ses adversaires. L’invalidation écarte des législatives Ousman Sonko et certaines figures d’opposition.

Le pouvoir et l’opposition n’ont donné aucun signe de vouloir transiger et les analystes décrivent généralement une impasse politique.

De nombreuses voix se sont élevées pour appeler au dialogue face au risque de violences semblables aux émeutes qui, en mars 2021, avaient fait une douzaine de morts dans le pays.

Avec AFP