Niger : La Cédéao pose un ultimatum aux putschistes et n’exclut pas « un recours à la force »

La Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest a pris des sanctions contre le Niger, où un coup d’État militaire a renversé le président Bazoum. L’ambassade de France a été visée par des manifestants, faisant réagir le président Macron.

Les pays d’Afrique de l’Ouest ont ordonné dimanche un blocus écomomique du Niger, décidant la suspension « immédiate » de « toutes les transactions commerciales et financières » avec ce pays où s’est produit mercredi soir un coup d’État, et fixé un ultimatum d’une semaine à la junte pour restaurer l’ordre constitutionnel, affirmant ne pas exclure un « recours à la force ».

Au même moment à Niamey, des milliers de manifestants soutenant les militaires putschistes ont convergé dans la matinée devant l’ambassade de France, dans laquelle certains ont voulu entrer, allumant des feux à ses abords, avant d’être dispersées par des grenades lacrymogènes.

Certains ont arraché une plaque affichant « Ambassade de France au Niger », avant de la piétiner et de la remplacer par des drapeaux russes et nigérien. « Vive Poutine », « vive la Russie », « à bas la France », ont crié des manifestants.

Ce rassemblement a été dénoncé par Paris, et le président français Emmanuel Macron a prévenu qu’il « ne tolèrera aucune attaque contre la France et ses intérêts » au Niger, tout en menaçant, en cas de violences, de « répliquer de manière immédiate et intraitable ».

500 à 600 ressortissants français se trouvent actuellement au Niger, selon le Quai d’Orsay.

Un délai d’une semaine

La pression s’accroît chaque jour un peu plus sur le nouvel homme fort proclamé du pays, le général putschiste Abdourahamane Tiani, chef de la garde présidentielle du Niger, à l’origine de la chute de Mohamed Bazoum, séquestré depuis quatre jours.

Des sanctions et ultimatums ont déjà été décidés par d’autres pays. La France a annoncé samedi suspendre son aide au développement au Niger, qui s’est élevée à 120 millions d’euros en 2022.

Après le coup d’État au Niger, la France a annoncé suspendre ses actions d’aides au développement et d’appui budgétaire, jusqu’au retour au pouvoir du président élu Mohamed Bazoum

Le bloc ouest-africain (la Cédéao) l’Union Africaine, et les pays occidentaux, dont la France et les États-Unis, ne reconnaissent pas les « autorités » issues du putsch et demandent un retour à l’ordre constitutionnel.

Ainsi, un sommet extraordinaire de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (dont le Niger est membre avec 14 autres pays) s’est tenu dimanche à Abuja, sous l’égide du président du Nigeria, Bola Tinubu, à la tête de l’institution régionale depuis le début du mois.

La Cédéao a exigé « la libération immédiate » du président Bazoum et le « retour complet à l’ordre constitutionnel », selon les résolutions lues à la fin du sommet.

Si ces demandes ne « sont pas satisfaites dans un délai d’une semaine », la Cédéao « prendra toutes les mesures nécessaires » et « ces mesures peuvent inclure l’usage de la force », selon ces résolutions.

Gel des avoirs des putschistes

L’organisation régionale a également décidé de « suspendre toutes les transactions commerciales et financières » entre ses États membres et le Niger.

Le pays sahélien de 20 millions d’habitants est l’un des plus pauvres du monde, en dépit de ses ressources en uranium.

D’autres sanctions financières ont été décidées, notamment « un gel des avoirs pour les responsables militaires impliqués dans la tentative de coup ».

« Il n’est plus temps pour nous d’envoyer des signaux d’alarme », a déclaré M. Tinubu, « le temps est à l’action ».

L’initiative tchadienne

Les pays de la Cédéao étaient représentés par leur dirigeant ou leur représentant, à l’exception du Mali, de la Guinée et du Burkina Faso – suspendus depuis qu’ils sont eux aussi dirigés par des militaires putschistes.

Le dirigeant du Tchad, Mahamat Idriss Déby Itno, dont le pays n’est pas membre de la Cédéao, mais qui est voisin du Niger, a participé à ce sommet. Il est ensuite parti à Niamey, une « initiative tchadienne » pour « voir ce qu’il peut apporter au règlement de la crise », selon N’Djamena.

L’ex-président du Niger Mahamadou Issoufou a également annoncé dimanche qu’il s’employait à « trouver une sortie de crise négociée » pour faire « libérer » son successeur Mohamed Bazoum, et « le restaurer dans ses fonctions ».

Samedi soir, la junte issue du putsch avait dénoncé le sommet de la Cédéao, y voyant la menace d’une « intervention militaire imminente à Niamey en collaboration avec les pays africains non-membres de l’organisation et certains pays occidentaux ».

Fin 2022, la Cédéao, réunie en sommet, avait décidé de créer une force régionale vouée à intervenir non seulement contre le djihadisme qui mine les pays du Sahel, mais aussi en cas de coup d’État, comme la région en a connu plusieurs depuis deux ans.

Le dernier allié de la France dans la région

La junte, qui rassemble tous les corps de l’armée, de la gendarmerie et de la police, a suspendu les institutions, fermé les frontières terrestres et aériennes, et instauré un couvre-feu en vigueur de minuit à 5 heures du matin.

Ancien « Monsieur Afrique » de la mairie de Bordeaux sous l’ère Juppé, Alain Dupouy, qui préside aujourd’hui le think tank Objectif Afrique Avenir, livre son analyse sur les évènements en cours au Niger

Situé en plein cœur du Sahel, le Niger est le dernier allié avec lequel la France, ancienne puissance coloniale, entretient un partenariat dit de « combat » contre les djihadistes, dans cette région minée par l’instabilité, la précarité et les attaques de groupes djihadistes. Paris compte actuellement quelque 1 500 militaires au Niger, qui opéraient jusqu’ici conjointement avec l’armée locale.

Après le Mali et le Burkina Faso, le Niger, miné par les attaques de groupes liés à l’État islamique et à al-Qaida, est le troisième pays de la région à subir un coup d’État depuis 2020.