Le président russe Vladimir Poutine a ordonné ce lundi le retrait de la majeure partie du contingent militaire déployé en Syrie depuis le 30 septembre et dont les milliers de raids aériens ont permis à l’armée syrienne de reprendre l’avantage sur le terrain.
Cette annonce surprise, au moment où a débuté à Genève un nouveau cycle de négociations entre des représentants du président Bachar al-Assad et de la très hétéroclite opposition syrienne, est intervenue après un entretien téléphonique entre Vladimir Poutine et le chef de l’État syrien.
« La tâche qui avait été demandée à notre ministère de la Défense et aux forces armées a été globalement accomplie et j’ordonne donc au ministère de la Défense d’entamer à partir de demain (NDLR: mardi) le retrait de la majeure partie de nos contingents militaires de la République arabe syrienne« , a dit à la télévision Vladimir Poutine au ministre de la Défense Sergueï Choïgou.
« Néanmoins, pour permettre la surveillance de la trêve des combats, la partie russe conserve sur le territoire syrien un site de maintenance de vols« , selon le communiqué du Kremlin. La présidence russe ne précise pas quels types d’aéronefs assurent cette surveillance mais depuis l’entré en vigueur de la trêve le 28 février, les militaires russes ont eu recours à des drones.
Fief de Bachar al-Assad
Le Kremlin ne précise pas non plus où est situé ce site de maintenance mais il s’agit selon toute vraisemblance de la base aérienne de Hmeïmim, dans la province de Lattaquié, le fief de Bachar al-Assad, dans le nord-ouest de la Syrie.
Depuis septembre, Moscou y avait déployé plus d’une cinquantaine d’avions de combat, ainsi que des troupes.
La Russie et la Syrie avaient signé, avant le début le 30 septembre de l’intervention militaire russe, un accord permettant à la Russie de disposer d’une base militaire aérienne en Syrie.
Le Kremlin souligne que la décision du président russe fait l’objet d’un accord avec son homologue syrien : « Les dirigeants ont souligné que l’intervention des forces aériennes russes avait permis de radicalement changer la situation dans la lutte contre le terrorisme, de désorganiser les infrastructures des combattants (ennemis) et de leur porter un coup important« .
« Héroïsme »
Pour sa part, « Bachar al-Assad a relevé le professionnalisme, le courage et l’héroïsme des soldats et officiers des forces armées russes ayant pris part au combat et a exprimé sa profonde reconnaissance à la Russie pour son aide immense dans la lutte contre le terrorisme« , toujours selon le Kremlin.
En cinq mois d’intervention, les bombardiers, avions d’attaque au sol et hélicoptères de l’armée russe ont effectué des milliers de raids aériens et visé des milliers de « cibles terroristes« . L’armée russe a également fait étalage de toute sa puissance tirant depuis des navires de guerre déployés dans la mer Caspienne ou de sous-marins dans la mer Méditerranée.
La force de frappe russe a permis à l’armée syrienne d’engranger des victoires alors qu’elle se trouvait en mauvaise posture l’été dernier. Les Occidentaux ont toutefois accusé la Russie de privilégier, notamment durant les premiers mois, des frappes sur les rebelles plutôt que sur l’organisation jihadiste État islamique.
L’opposition syrienne attend de voir le retrait
L’opposition syrienne a accueilli avec prudence lundi l’annonce du retrait du gros des forces russes de Syrie, en déclarant attendre de le vérifier sur le terrain et redouter une « ruse » du Kremlin.
« Nous devons vérifier la nature de cette décision et sa signification« , a déclaré à la presse à Genève Salem al-Meslet, porte-parole de la délégation du Haut comité des négociations (HCN), rassemblant les groupes clés de l’opposition.
« S’il y a une décision de retirer les forces (russes), il s’agit d’une décision positive, et nous le verrons sur le terrain« , a-t-il dit.
Mais « cette décision signifie-t-elle un retrait des forces ou une simple réduction du nombre des avions, cela reste à vérifier« , a poursuivi le porte-parole.
« Nous espérons voir sur le terrain que les Russes ne sont plus en Syrie« , a-t-il souligné.
Mais il a estimé que l’annonce du Kremlin pouvait-être « une ruse« .
« Nous verrons demain si cette décision a été prise dans l’intérêt du peuple syrien, ou juste dans l’intérêt d’Assad« , a-t-il dit.
« Il serait plus important que (le président russe) Poutine décide d’être vraiment avec le peuple syrien, et non avec le dictateur« , a-t-il encore déclaré.
Prudence de Washington
La Maison Blanche a réagi avec prudence à l’annonce par le président russe du retrait de la majeure partie du contingent militaire déployé en Syrie, jugeant prématuré de spéculer sur l’impact possible sur les négociations en cours.
« Il faudra voir exactement quelles sont les intentions de la Russie« , a déclaré Josh Earnest, porte-parole du président américain Barack Obama.
« Il est difficile pour moi de mesurer quelles implications cela aura sur les négociations en cours, comment cela modifiera la dynamique« , a-t-il ajouté.
Le porte-parole de l’exécutif américain a rappelé que les Etats-Unis avaient toujours insisté sur le fait que l’intervention militaire russe en Syrie rendait les efforts pour une transition politique « encore plus difficiles« .
Orchestrateur
Parallèlement, à Genève, les négociations intersyriennes visant à mettre un terme au conflit en Syrie ont commencé sous l’égide de l’ONU.
L’orchestrateur de ces discussions, Staffan de Mistura, envoyé spécial de l’ONU pour la Syrie, a affirmé que « la mère de toutes les questions » était de trouver un accord sur une transition politique.
L’opposition syrienne, représentée par le Haut comité des négociations (HCN) qui regroupe une myriade de groupes différents, veut la mise en place dans les 6 mois d’un « organe de transition » doté de tous les pouvoirs. Pour Damas, il est hors de question de parler du sort du président Assad et la transition doit être un simple remaniement ministériel avec un « gouvernement d’union » élargi à des opposants.