Les démagogues de la presse sénégalaise… Par Pape Sadio Thiam, communicant et spécialiste des politiques publiques

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Le pire ennemi de la démocratie n’est pas la dictature, mais la démagogie ; or comme on le sait, la voie royale de la démagogie c’est la presse. Les vrais démagogues ne sont pas aujourd’hui confinés dans l’étroitesse du champ politique : ils ont investi le champ médiatique pour, à la fois, usurper le statut de contremaître de la démocratie et ne pas avoir à être la cible du discours politique adverse.

Parce qu’on est nanti de la présomption de neutralité et d’extériorité, on travaille justement à ne pas l’être du tout, tout en apparaissant comme l’incarnant à merveille.

Une des anomalies de la démocratie sénégalaise est justement cette profonde perversion du métier de journaliste qui fait du journaliste non un simple acteur du contre-pouvoir, mais le dépositaire d’une alternative au pouvoir ou le pilier central de la conquête du pouvoir lui-même. C’est devenu tellement banal que tous ceux sont pressés ou qui n’ont pas d’autre métier s’engouffrent aujourd’hui dans cette brèche ouverte par l’évolution démocratique.

L’homme d’État allemand Otto Von Bismarck a donc raison de penser qu’un journaliste, « c’est quelqu’un qui a manqué sa vocation ». En effet, en plus d’être tentés par l’omniscience et par le dogmatisme, le journaliste d’aujourd’hui n’hésite plus à utiliser la surenchère ou le lynchage médiatique pour être associé d’une manière ou d’une autre à la façon dont la société est gérée.

La plus subtile façon de faire passer son opinion et son combat politiques sans courir le risque d’affronter la rudesse de l’adversité politique c’est de porter le manteau de journaliste.

Chateaubriand, pour des raisons historiques bien connues, excédé par certains abus de la presse de son époque, s’était révolté par une généralisation abusive et trop sévère en affirmant que « la presse est le réceptacle de tous les ferments nauséabonds. Elle fomente les révolutions, elle reste le foyer toujours ardent où s’allument les incendies ».

La formule est certes acerbe et sans doute injuste, mais elle exprime le désarroi que certains citoyens vivent face aux abus de la presse. Ces abus ont pour conséquence possible la crise politique qui résulte inéluctablement d’une illisibilité totale du champ politique. Á cause du brouillage opéré savamment par des hommes de média dont la connaissance de l’opinion publique est parfois aussi nette que celle que le sociologue a des faits sociaux et des mécanismes qui les régissent, le champ politique investi par la presse politicienne est en constante ébullition.