Antichronique sur le Burkina Faso Réponse à Babacar Justin Ndiaye

Quelques cris d’orfraie. Quelques pétitions de principe. Indignés de bonne foi, enragés de mauvais aloi, sous les oripeaux de dogmes impuissants face à la furie de l’histoire. Tel est le théâtre qui a été offert par quelques « analystes » et « chroniqueurs » à la suite de la médiation conduite par le Président Macky Sall en sa qualité de Président de la CEDEAO. De toutes ces positions, la plus caricaturale, pour ne pas dire la plus scandaleuse, est celle du chroniqueur politologue autoproclamé.

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L’absurdité de son propos mérite un examen sérieux car les folies meurtrières se nourrissent souvent de piètres analyses et de pensée en miettes.
Oui, je suis frappé par la désinvolture avec laquelle le chroniqueur qui se délecte de sa propre prose aborde les sujets sérieux à coups de formules recherchées, lourdes, bourrées de graisse et, finalement, inélégantes.
Je résume sa position : le Président de la CDEAO, Macky Sall, devait demander, par le biais de notre Ambassadeur au Burkina Faso, d’être accueilli par un préfet ou un haut fonctionnaire; il a commis un crime en acceptant une accolade avec le Général putschiste Diendéré et la revue des troupes en sa compagnie! Le President de la CEDEAO devait travailler, durant son séjour à Ouagadougou, avec les hauts fonctionnaires, refusant ainsi tout contact avec les auteurs du putsch.
L’un dans l’autre, le President Sall et ses conseillers auraient fait preuve d’un « savoir faire zéro ». Je voudrais d’abord opposer à cette compulsion dogmatique trois objections.
La première est que l’histoire des conflits a souvent été ponctué par des poignées de main entre ennemis jurés et adversaires recuits. Mandela a bien serré la main à Peter Botha. Bien avant, français et algériens ont partagé la table de négociation.
Deuxièmement, la chute du Président Compaoré a été conclue par la montée en puissance du lieutenant colonel Isaac Zida, pur produit du RSP. Pourquoi le chroniqueur-procureur n’avait pas dénoncé alors l’accolade entre Zida et les Chefs d’Etat venus négocier les modalités de la transition et demandé à ces derniers de ne travailler qu’avec les hauts fonctionnaires ou les militants de la société civile dont le rôle a été déterminant dans les événements de janvier? A moins que le putsch ait des figures différentes en fonction des humeurs de Monsieur-la-formule.
Troisièmement, l’armée loyale du Burkina Faso a bien négocié avec le RSP pour sa reddition et la remise du pouvoir aux autorités de la transition. Le chroniqueur, convaincu que le réel se trouve dans la formule recherchée, aurait sans doute souhaité que la critique des armes prime sur les armes de la négociation. En vérité, le sang répandu des Burkinabés est l’effet indispensable de la logique de la confrontation au nom de « principes » peu soucieux de la réalité du terrain.
La vérité est que le président Sall a réussi une double performance. Toutes les personnes de bonne volonté et de bonne foi ont salué la promptitude avec laquelle il a réagi en allant à Ouagadougou avec son homologue béninois. Il a fait preuve de responsabilité en assumant un principe aussi classique que réaliste: on négocie avec ceux qui détiennent effectivement le pouvoir. Et c’est le RSP qui détenait le pouvoir et non un quelconque préfet ou haut fonctionnaire.
Toute autre attitude aurait aggravé la situation sur le terrain car la confrontation entre, d’une part, le RSP, et d’autre part, les manifestants soutenus par l’armée loyale, aurait fatalement débouché sur une boucherie. Pendant ce temps, le politologue autoproclamé serait en train de se livrer à sa passion: chercher des formules scintillantes assorties d’anecdotes du genre, comme il en raffole, de la femme de chambre d’un des rois de la France dont le rôle serait capital dans tel ou tel événement.
Je suis étonné qu’il ose parler de « savoir faire », lui dont le « savoir » est anecdotique, livresque et confus, lui dont le « faire » est ténébreux, énigmatique et sujet à mille interrogations. En effet, de ce que l’on en sait, le politologue étincelant, spécialiste de formules farfelues, a plutôt bourlingué dans des rédactions! Il n’a jamais rien dirigé. Il n’a jamais été partie prenante d’une négociation. Il n’a jamais géré une situation de crise. Donc il n’a jamais été amené à prendre une décision. Monsieur dissimule ainsi son manque manifeste de savoir-faire, pour ne pas dire son ignorance du réel, dans ses envolées anecdotiques et dans des formules faciles et ronflantes.
Je suis loin d’être sévère en disant que Monsieur est, en vérité, dans le faux, le simulacre et la frime avec une écriture obèse et une insoutenable vacuité de sens. Et, oublieux du principe d’humilité, il pense être seul porteur de conseils pertinents au point de rabâcher le long de ses textes fumeux « si j’étais conseiller du President de la République » sans oublier de traiter les conseillers réels du Chef de l’Etat de tous les noms d’oiseau.
Il est facile de raconter des histoires. Il est autrement beaucoup plus difficile de faire l’histoire sur des pistes étroites, sur les chemins escarpés de la décision, dans un monde de transparences souvent trompeuses. Faire l’histoire relève de l’éthique du courage et le courage consiste à oser affronter la réalité, avec le seuil de lucidité qu’il faut et la capacité à endurer les plus radicales des réprobations lorsque le moment du choix d’un terme d’une alternative devient crucial.
Dans le cas d’espèce, le Président de la CEDEAO a réussi une performance digne d’un leadership lucide, courageux et conscient des enjeux, défis et risques que recelait la situation.
Non seulement il a condamné le coup d’Etat perpétré par le Général Diendéré, mais il a sans ambages réclamé le rétablissement de la légalité institutionnelle. En jouant la carte de la prudence, il a évité au peuple burkinabé le face à face meurtrier avec le RSP. Le pire des compromis est préférable à la boucherie dont le peuple burkinabé seul aurait porté réellement le deuil loin de la tranquillité des exaltés qui ne gèrent que leur clavier et leur stock de formules toutes faites.
Des voix autorisés disent de plus en plus, et un peu partout, que n’eussent été l’intelligence de la situation et le savoir-faire dont le Président de la CEDEAO a fait preuve, Ouagadougou pouvait basculer et devenir un immense charnier. L’initiative du Président de la CEDEAO, Monsieur Macky Sall, est un appel au dialogue entre frères et sœurs burkinabés, un appel à l’unité nationale, un appel à la solidarité des peuples de la sous-région et de l’Afrique.
Tant pis pour les chroniqueurs insensibles aux syllogismes du réel et de l’action. Enfin…
El Hadj H. KASSE