Elle appartient à une famille d’enseignants. Issue d’une grande famille du Sénégal Oriental, puis pour des raisons de services, ses parents ont déménagé et ont traversé le Sénégal pour poser leurs valises dans la belle région de Casamance. Mme Fofana sa famille et son dernier établissement : le Collège de Cambérenne. 21 mai 1956-(octobre 1977)-21 ami 2016
Vous me direz de quoi il parle et cause, bien entendu de Mme FOFANA née Fatoumata Bineta CISSOKHO qui prend sa retraite ce jour 21/05/2016 le jour même de son anniversaire.
21 mai 1956 sa naissance à Kaolack aux côtés de sa grand-mère dont les parents venaient de Kédougou/Missira et qui faisait du petit commerce au marché Kasnack.
La petite Fatou a vu du monde puisque les (sourgueux) les travailleurs saisonniers qui venaient des profondeurs du Sénégal ou du Mali faisaient escale chez sa grand-mère ce qui lui a donné le sens de l’accueil, de l’hospitalité et de la générosité.
En Octobre 1977 notre Fatoumata Bineta devient enseignante comme son père, et ce fût une fierté, un sacerdoce pendant 39 ans ; dans des conditions difficiles, mais l’amour et la passion du métier, l’idée de former, transmettre était plus fort que tout. Former l’avenir du pays n’était pas donnée à tous, en ces temps là les concours d’accès étaient difficiles, âpres, mais on y arrivait et elle salue feu son père qui l’a coatché pendant tout son parcours pour gravir les échelons.
Après ce séjour à Kaolack, cette fille d’instituteur continue son chemin d’abord au collège de Kaolack, puis Ziguinchor, Abdoulaye Sadji et enfin au Lycée de Rufisque. Un parcours habituel à l’époque quand on sait qu’il n’y avait pas une pléthore d’établissements secondaires dans les régions.
Admise comme institutrice, Fatoumata Bineta CISSOKHO/FOFANA va commencer ses enseignements aux HLM 4 à Dakar, puis elle déménagera aux Parcelles Assainies ou elle enseignera pendant 26 ans.
De cette expérience on remarquera l’esprit d’ouverture et de solidarité qu’elle a introduit dans cette école ou pratiquement le staff se disait frère et sœur.
C’est en 2009 qu’elle entre comme surveillante dans le collège de Cambérenne, un village religieux ou résident les layennes avec qui elle a entretenu d’excellentes relations.
Surveillante et conseillère ; les élèves la considéraient comme leurs mamans et venaient se confier à elle, les collègues professeurs avaient droit à des séances gratuites mais efficaces de pédagogie alternatives pout mieux encadrer les élèves. Elle a contribué à affiner et détendre les relations entre professeurs et collégiens
Au collège un jeune élèves avait une relation conflictuelle avec son jeune professeur. Ce dernier le renvoie de sa classe et Mme Fatouma Bineta CISSOKHO demande à l’élève que fais-tu dehors, ce dernier lui dit le prof m’a renvoyé. Elle assoit l’élève dans sa classe puis va voir discrètement le professeur à qui elle dit qu’il n’a pas le droit de renvoyer ainsi un élève parce que c’est risqué et s’il quittait l’établissement et quelque chose de mal lui arrive c’est le prof d’abord qui serait responsable puis l’établissement. Elle propose une médiation entre les deux et le conflit est enterré et l’élève a été sermonné comme dans la tradition Mme CISSOKHO conciliait la règle civile mais aussi la tradition : un adulte doit être respecté mais l’adulte doit aussi être exemplaire. Donner un conseil à un jeune prof, sur la façon de manager ,de faire est important, c’est ça la force de l’expérience.
C’est cette capacité à recoller les morceaux, à sceller des relations, à conduire des êtres humains qui fait la force et l’estime que les uns et les autres ont à l’égard de notre jeune retraitée de ce jour mémorable.
Nous lui avons demandé de dresser un regard sur son travail d’enseignante sa carrière.
Elle dit d’emblée que la revalorisation des salaires a été un ouf pour le collectif des éducateurs. Un métier qu’elle a aimé par tradition familiale. Dans sa famille je rappelle qu’il y a une panoplie de frères et sœurs professeur de spécialité aujourd’hui au Canada, un inspecteur de l’éducation nationale, une surveillante, un professeur d’espagnol, un professeur d’histoire et géographie, un philosophe. Sans compter que dans sa famille il y a aussi un médecin, un inspecteur des impôts et domaines, etc. Issue d’une grande famille unie grâce à un père qui avait implanté des écoles partout dans le département de Bignona et qui disait qu’il fallait être au service des gens pour leur donner le maximum d’instruction et de savoir pour leur permettre d’exister.
Un père visionnaire et doublé d’une grande sagesse, il vivait au quotidien et ne pouvait s’empêcher de penser l’avenir, il disait qu’il fallait apprendre à s’adapter aux situations nouvelles parce que le monde évolue vite et les choses du passé seront en concurrence avec la modernité. Sa fille, celle que les collègues nomment doyenne, a su concilier tradition, coutumes, dialogue avec la modernité.
Elle a pointé quelques difficultés : la nouvelle génération de collégiens a un comportement difficile, le respect est bafoué, il faut à chaque fois cadrer et recadrer. La surcharge des classe est toujours présente et ne facilite pas un bon enseignement même si son propre papa a pu faire réussir des classes entières de plus de 60 élèves à Bignona, et ailleurs, mais il faut préciser que les enfants d’antan étaient plus motivés mieux éduqués et travailleurs. Le maître pouvait entendre les mouches voler.
Elle a toujours pris des initiatives pour sensibiliser avant de sévir, sensibiliser sur la violence et appeler au dialogue pour la paix et le respect des différences. A la question quelle autre casquette, elle nous répond fièrement qu’elle est la Présidente de la SCOFI des Parcelles Assainies : scolarisation des filles. Belle initiative quand on connaît la discrimination ou la ségrégation dont sont victimes la gent féminine dans les pays pauvres. Une femme est destinée au foyer et au mariage, faux dira-t-elle, nous nous battons avec beaucoup pour que les filles soient scolarisées et aient des moyens pour y arriver.
Elle a remarqué avec la crise ; le développement du racket, des agressions dans et en dehors des établissements et elle craint beaucoup pour les plus jeunes qui sont seuls et vulnérables.
Triste constat ; si à son époque la rue éduquait aujourd’hui la rue est le lieu par excellence du danger et c’est le début de la crise éducative qui traduirait aussi une grande précarité et une défaite des parents face à leurs responsabilités.
Mme FOFANA est sur tous les fronts dans son quartier, elle notable respectée et sollicitée. Pas un jour sans qu’un voisin ne vienne lui confier un souci qu’elle s’empresse de régler ou de donner un réconfort. L’imam du quartier Fadja à Dakar lui voue un grand respect : elle qui n’est qu’une femme, mais c’est parce que c’est une femme exemplaire que nous lui devons ce respect dira l’homme de foi.
Mme CISSOKHO est aussi secrétaire générale du réseau de surveillance du PAMECAS, une structure financière qui fait dans le social. « PAMECAS (Partenariat pour la Mobilisation de l’Epargne et le Crédit Au Sénégal) est issu d’un projet qui donna naissance aux premières caisses en 1996. Son développement a été favorisé par l’existence de potentialités économiques, un cadre juridique et réglementaire, des mouvements associatifs et des habitudes d’épargne informelle. Cette période a été marquée par le succès du programme d’Accès des Femmes Sénégalaises aux services Financiers (AFSSEF), grâce au fonds de garantie et l’assistance technique de DID. Institutionnalisé en 1998, il devint le Partenariat pour la Mobilisation de l’Epargne et le Crédit au Sénégal».
Mme FOFANA déplore cette nouvelle tendance qu’on les élèves à manger dehors un bout de pain et un repas par jour. La situation économique du pays plonge en premier les plus jeunes, les enfants, les élèves dans une situation fragile et risquée. Il serait bon de créer des cantines scolaires, de sécuriser les routes, de donner du travail aux adultes pour que le Sénégal puisse bien se développer en comptant sur toutes les forces vives. Il faut lutter contre cette polution environnante distillée par les vieilles voitures/poubelles que les petits enfants respirent tout le long des routes. Les cas d’asthme sont nombreux au Sénégal et elle a vu beaucoup d’enfants en souffrir. Un enseignat est un thermomètre, il sait à travers sa classe mesurer l’ambiance dans la société, c’est pourquoi sa parole doit être écoutée puis entendue.
A la question que faire après la retraite ? Tranquille, apaisée ; elle esquisse un sourire, regarde pieusement le ciel pour dire merci à Dieu, à feu son Père Mady Dabo CISSOKHO, à sa mère Lala NDAO aujourd’hui en vacances dans la région de Grenoble en France, à sa tante Na Dianké, à ses frères décédés trop vite, Bakary DABO, Bécaye Danfakha, etc. Elle n’oublie pas Yakhya, El Hadj, Moctar, Pape, Saiba, les 2 Habiétou, Mamoudou, Ibrahima, Mariama, Nana, Djibril, Sokhna, Mama, kounda, Moussa, Sira, Makhanba, Sira de sebi, Daffé, et Kader. Je n’oublie pas mon frère Sadio Kéita, et ma fille Djienaba au Togo, etc. J’associe dans cette énumération les épouses ou époux. Tous ces prénoms ont un sens et c’est une façon de dire merci que de les citer ici. C’est la famille et chez les Cissokho avec la bénédiction du patriarche, feu Mady Dabo CISSOKHO de Bignona/Kédougou; une famille doit être soudée et présente dans la joie comme dans l’épreuve.
Elle dit encore, je prie pour ma grand-mère décédée qui l’a prise en charge à kaolack et qu’elle a gardé chez elle jusqu’à ses 95 ans dans sa maison dakaroise. Remercier avant de penser l’avenir avec la foi de sa religion, elle ne pense pas rester assise, elle est une jeune retraitée, elle refuse de croiser les bras. En premier ; elle a la chance d’avoir des petits enfants au Sénégal et en Italie, elle doit veiller sur leur éducation, elle doit accompagner ses grandes filles qui ne sont pas bien installées dans la vie faute de travail. Elle a un projet qu’elle ne peut dévoiler mais avec insistance elle lâche un bout et nous dit qu’elle fera quelque chose dans la petite enfance. Avec son expertise elle pourra continuer à servir et voir grandir cet espoir qui mérite toute son attention et qui est la plus fragile.
Nous avons décidé de parler de ces serviteurs de l’Etat qui sont dans l’ombre et qui font tourner la République. Ces enseignants méritent le respect et doivent être payés de façon correcte pour leur permettre d’exercer leur métier avec la même motivation et détermination.
L’enseignement, l’éducation est une vocation, il faut du cœur et de l’amour pour donner le savoir, aider, accompagner et instruire ces nombreux jeunes qui souvent n’ont pas de quoi manger et comment des lors écouter pour assimiler ce que le prof va dire. Elle donne son temps et son argent pour donner un coup de pouce. Elle milite dans les associations, des œuvres de bienfaisance dans son quartier, la mosquée, partout Mme FOFANA donne, écoute, partage. On lui fait du yakar et le yakar ne doit pas tomber c’est un mode de vie au Sénégal.
Aujourd’hui certains de ses élèves lui sont reconnaissants et elle est apaisée de les voir réussir
Avant de terminer, elle nous dit que pendant 39 ans travailler avec des personnes ne doit pas être facile et si par mégarde elle a fait du mal volontairement ou involontairement elle demande pardon. Un musulman doit toujours veiller à ses actions pieuses et ses relations avec les autres.
Elle doit aussi saluer et exhorter ses filles à l’exemplarité Ndeye marie FOFANA épouse du batteur de Cheikh Lô/Badou, de Mame Bassine qui achève une formation de préparatrice en pharmacie et Dianké qui vit en Italie. A ses frères et sœurs qu’elle a toujours accueilli chez elle malgré les difficultés, elle dit merci, ils ont toujours répondu présent et l’ont écouté malgré qu’elle soit une femme et cela c’est grâce à un père qui a enseigné à sa famille le respect du droit d’aînesse et l’aîné quel qu’il soit fille ou garçon peut mener une famille. Cette réflexion me fait penser à la grande royale de Cheickh Hamidou Kane quand il était question d’accepter ou non la scolarisation des enfants du Diallobé. Mme FOFANA est–ce la nouvelle grande-Royale, l’avenir nous le dira.
Ichrono.info lui souhaite une bonne retraite, de prendre du temps même si on sait que vivre dans un pays de gorgorlou avec la baisse des revenus, n’est pas du tout reposant. Mais je suis convaincu que les uns et les autres seront non pas redevables mais reconnaissants et ce sera votre récompense pour tous ces efforts fournis pour l’Ecole et la Société sénégalaise.
Pape B CISSOKO ichrono.info