Au Sénégal, la justice et la politique semblent parfois participer à un grand ballet national, où les mouvements des uns et des autres répondent à une logique chorégraphique mystérieuse. Sur scène aujourd’hui, deux danseurs aux destins opposés : Barthélemy Dias, radié avec la grâce d’une guillotine bien huilée, et Ousmane Sonko, qui a valsé jusqu’au poste de Premier ministre, malgré un passé judiciaire chargé. Les surprises ne manquent pas dans ce spectacle aux allures d’opéra comique.
Commençons avec Barthélemy Dias, dont le solo a été écourté sans préavis. Condamné dans l’affaire Ndiaga Diouf, il n’a eu droit qu’à une performance express : sitôt sa peine confirmée, son mandat de député s’est évaporé. Pas de rappel, pas de standing ovation. La justice, ici, a dansé avec une précision millimétrée, comme un métronome réglé sur “zéro tolérance”. Une signature, une procédure, et hop ! Dias sort de scène. On pourrait presque applaudir l’efficacité, si elle n’était pas si glaçante.
Passons maintenant à Ousmane Sonko, dont les pirouettes politiques mériteraient une médaille olympique. Malgré plusieurs condamnations, il est resté en piste, virevoltant avec une aisance qui laisse rêveur. Premier miracle : il a échappé à la radiation parlementaire, pourtant prévue dans les mêmes textes. Deuxième miracle : il a réussi à transformer ses déboires judiciaires en tremplin politique, remportant les élections législatives et accédant à la tête du gouvernement. Certains appellent ça du génie stratégique, d’autres un sens du timing impeccable. Une chose est sûre : quand Sonko danse, l’orchestre semble toujours jouer en sa faveur.
Le contraste est saisissant. D’un côté, Barthélemy Dias, victime d’un tempo judiciaire accéléré, comme s’il représentait une urgence nationale. De l’autre, Ousmane Sonko, qui semble avoir bénéficié d’une pause musicale prolongée, le temps de peaufiner ses entrechats politiques. On dirait presque deux chorégraphies totalement indépendantes, interprétées sur des partitions différentes.
Cette différence de traitement pourrait prêter à sourire, si elle n’illustrait pas une réalité bien plus sérieuse. La gestion de ces deux cas donne l’impression que les institutions sénégalaises, pourtant réputées pour leur rigueur, sont parfois capables d’une étonnante souplesse. Tantôt rigides comme un pas de tango, tantôt fluides comme une improvisation de jazz. Tout dépend du danseur.
Mais ne soyons pas trop durs. Après tout, chaque ballet a besoin de ses héros tragiques et de ses étoiles montantes. Barthélemy Dias a joué le rôle de l’opposant sacrifié, éliminé avec une rapidité presque artistique. Ousmane Sonko, lui, incarne la figure du survivant, capable de transformer les coups en applaudissements. Et les institutions, dans tout ça ? Elles restent les chorégraphes silencieux, dessinant des pas de danse parfois incompréhensibles pour le commun des mortels.
Alors, chers spectateurs, retenez bien ceci : au Sénégal, ce n’est pas la gravité des actes qui décide de la musique, mais la place qu’on occupe dans la danse. Dias a été invité à quitter la scène au premier faux pas. Sonko, lui, semble avoir trouvé le secret pour danser jusqu’au sommet. Et le public ? Il regarde, mi-amusé, mi-interloqué, en attendant de voir qui sera le prochain à entrer dans ce grand bal institutionnel.
Ibrahima Thiam, Président du mouvement Un Autre Avenir
#Senegaalkese