Belgique ; Plus de 770 mineurs étrangers non accompagnés (MENA) ont disparu des radars des autorités

Plus de 770 mineurs étrangers non accompagnés (MNA) ont disparu des radars des autorités belges en 2024. Parmi ces chiffres, probablement sous-estimés, une centaine de disparitions sont jugées très inquiétantes. Les associations alertent sur les lacunes structurelles du système d’accueil belge, notamment auprès des enfants vulnérables étrangers.

En Belgique, la trace de pas moins de 774 mineurs étrangers non accompagnés (MNA) a disparu au cours de l’année 2024. Ces nouveaux chiffres ont été révélés par le gouvernement mercredi 9 juillet suite à la question parlementaire adressée par le député Matti Vandemaelela.

Si 246 de ces MNA ont finalement été retrouvés depuis, plus de 500 restent toujours dispersés sur le territoire belge sans que les autorités ne disposent de nouveaux éléments les concernant.

Parmi ces cas, une centaine sont jugés « très préoccupants » au regard de l’âge de l’enfant, de ses besoins médicaux urgents ou d’indices laissant présager un danger grave. Cela s’applique notamment lorsqu’un enfant disparu de moins de 13 ans se trouve dans un lieu dangereux ou en présence de personnes inquiétantes au moment de sa disparition, ou bien s’il souffre d’un handicap physique ou mental.

« Un enfant étranger cherche un nouveau refuge. L’incapacité de notre gouvernement à les protéger est un échec lamentable », a déploré le député Matti Vandemaele. Il a exhorté la ministre de l’Asile et de la Migration, Anneleen Van Bossuyt, et la ministre de la Justice, Annelies Verlinden, à renforcer la protection des jeunes et les actions pour y parvenir.

Car les chiffres similaires recensés en 2023 démontrent qu’il s’agit d’une problématique récurrente dans le pays et pour laquelle peu d’améliorations ont été constatées au fil des ans.

Des chiffres sous-estimés

Les disparitions de mineurs étrangers non accompagnés sont en augmentation depuis plusieurs années dans toute l’Europe. Selon le projet d’enquête Lost in Europe, 18 000 cas ont été recensés entre 2018 et 2021, et plus de 51 000 entre 2021 et 2023. Et avec 2 257 disparitions enregistrées en Belgique entre 2021 et 2023, le pays est l’un des trois États européens les plus touchés par ce phénomène.

L’organisation Child Focus, qui suit ce type de dossiers, souligne également qu’il existe un important « chiffre noir » de disparitions non recensées. Il s’agit d’enfants qui n’entrent jamais dans le système d’accueil et ne peuvent donc pas être officiellement signalés comme disparus, ce qui complexifie également leur recherche.

Comment expliquer ces disparitions ? Certains enfants ne restent qu’en transit pour gagner d’autres pays, comme le Royaume-Uni, et ne s’enregistrent donc pas dans le système belge. D’autres craignant un refus de leur demande d’asile, restent cachés et utilisent de fausses identités. Dans les pires des cas enfin, certains mineurs tombent entre les mains de passeurs et autres réseaux criminels qui les exploitent dans des activités illégales tels que le trafic de drogue ou la prostitution.

« Au lieu de trouver un nouveau foyer sûr, ces enfants risquent d’être victimes d’abus, d’exploitation ou de criminalité. Les mineurs étrangers non accompagnés sont extrêmement vulnérables » s’est ému le député belge.

« Les jeunes Afghans sont le groupe majoritaire parmi les MNA [en Belgique] depuis plusieurs années », détaillait à InfoMigrants en 2022 Hedwige de Biourge, responsable de la cellule mineurs non accompagnés à Fedasil (Agence fédérale pour l’accueil des demandeurs d’asile). Ils représentent ainsi 75% des MNA en Belgique. Les autres jeunes sont originaires du Maghreb, d’Érythrée ou d’Éthiopie, en transit pour tenter de rejoindre le Royaume-Uni.

Mais depuis 2021 et la reprise du pouvoir par les Taliban en Afghanistan, la Belgique n’accorde presque plus de protection aux mineurs afghans. Désormais déboutés de leur demande d’asile, ils se retrouvent dans un no man’s land administratif jusqu’à leur majorité.

Un système d’accueil défaillant

Les organisations de protection de l’enfance dénoncent un système d’accueil saturé et défaillant qui participe à entraver l’identification et la protection de ces enfants vulnérables.

Depuis 2011, la Belgique est confrontée à une crise de l’asile et de l’accueil des migrants. Les centres d’hébergement sont engorgés faute de places suffisantes, et les longs délais d’attente pour le traitement des demandes d’asile (plus d’un an en moyenne) exacerbent encore la situation. Les mineurs isolés sont particulièrement affectés.

À la différence de la France, un mineur isolé arrivé en Belgique doit demander l’asile ou la protection subsidiaire – comme un majeur – pour être pris en charge par les autorités. Même si son dossier est refusé, il pourra en théorie être hébergé dans un centre – en Europe, on ne peut pas expulser un enfant. Beaucoup se retrouvent en réalité à la rue, sans soutien.

En revanche, le mineur étranger non-reconnu ne se verra pas attribuer de tuteur. La loi belge oblige en effet que chaque jeune soit pris en charge par un représentant légal, détenteur de l’autorité parentale, pour pouvoir engager des procédures administrative. Sans tuteur, ils ne peuvent donc pas déposer leur demande d’asile ou faire des démarches pour leur scolarité.

Mais par manque de tuteurs, la prise en charge des mineurs étrangers isolés est entravée. En 2022, près de 900 jeunes était en attente d’un tuteur. En moyenne le délai était de quatre mois, contre auparavant un mois et demi.

Selon les organisations, les retards d’attribution de tuteurs empêchent de prévenir les disparitions des mineurs isolés tout comme le manque de suivi personnalisé des centres d’accueil saturés. Si en principe les disparitions sont signalées à la police, elles ne donnent pas toutes lieu à une enquête formelle.

Le député Matti Vandemaele a enjoint la ministre de l’Asile et de la Migration ainsi que la ministre de la Justice a ouvrir plus de structures d’accueil pour les enfants, avec un accompagnement adapté et personnalisé des mineurs, afin d’éviter qu’ils errent dans les villes.

Il a ainsi exhorté le gouvernement belge à contribuer à l’élaboration d’un plan d’action européen pour lutter contre les disparitions, comme l’avait précédemment recommandé l’organisation Child Focus.