Canada : Justin Trudeau, un nouveau premier ministre à l’ascension éclair

justin-trudeau-20140220Justin Trudeau savait que la tâche de rebâtir le Parti libéral du Canada (PLC, centre) et de le conduire à la victoire le 19 octobre ne serait pas facile. Dès 2012, il l’exprimait ainsi : « J’ai compris que nous aurions à attirer des passagers, à construire le train pendant qu’il roule, sans oublier de poser les rails. » La métaphore résume bien aujourd’hui l’ascension de ce jeune loup de la politique canadienne qui a remis son parti en marche, le menant à 43 ans à sa gare de destination : Ottawa, siège du gouvernement fédéral. Ayant remporté la majorité absolue des sièges de députés à la Chambre des communes, Justin Trudeau formera le prochain gouvernement canadien, mettant fin à plus de neuf années de domination des conservateurs (PCC) de Stephen Harper.

Le PLC avait été relégué au rang de tiers parti en 2011, après avoir perdu le pouvoir à Ottawa en 2006 derrière le Nouveau parti démocratique (NPD, social-démocrate) et le PCC. M. Trudeau, qui n’avait pas laissé de souvenirs marquants de 2008 à 2012 comme député d’une circonscription de Montréal, faisait alors figure de bouée de sauvetage.

Bête politique toute en finesse

Il faudra attendre la course à la « chefferie » du Parti libéral, en 2012, pour prendre la mesure de cette bête politique toute en finesse, d’un optimisme communicatif, qui rappelle aux Canadiens : « Nous sommes des rêveurs, des innovateurs, des bâtisseurs » qui doivent profiter de leurs forces, dont celle de l’« extrême diversité culturelle ». On disait encore pourtant ce « beau gosse » inexpérimenté, au discours plutôt « creux » mais la longue campagne électorale qu’il vient de mener tambour battant, avec conviction, a galvanisé ses sympathisants et changé son image.

Marié et père – heureux – de trois jeunes enfants, l’homme aime à se mêler à la foule et se présenter devant les caméras en famille. Cette image de représentant-type des jeunes couples avec enfants de la classe moyenne, qu’il a savamment courtisés en leur promettant des baisses d’impôts, lui colle à la peau. Il a aussi réussi à incarner l’espoir, en captant l’attention des électeurs auxquels il promettait un « vrai changement », un « meilleur gouvernement », s’ils acceptaient de « mettre fin à la décennie Harper ».

« L’image du père »

Même s’il tente depuis longtemps de se débarrasser de l’image du père, il y parvient difficilement, alors qu’il s’apprête à devenir premier ministre du Canada, trente ans après le dernier mandat de Pierre Elliott Trudeau, figure flamboyante de la politique canadienne des années 1970 à 1980.

Presque aussi charmeur que son père, ayant le même bon goût vestimentaire, il a aussi les mêmes valeurs libérales. Passionné de boxe, il s’est révélé un adversaire de taille dans les débats électoraux télévisés. Il a surtout su réveiller en quelques semaines la « Trudeaumania », se présentant tantôt en complet-veston cravate dans ses rencontres avec des hommes d’affaires, tantôt en jeans dans les amphithéâtres universitaires, dans les cafés ou dans la rue, où il sait séduire, de la côte Pacifique aux provinces de l’Atlantique.

Il s’exprime avec chaleur et sans artifice, même s’il aime parfois citer cette phrase de Goethe : « Ne faites pas de trop petits rêves car ils n’ont pas le pouvoir de faire avancer l’humanité. »

Humaniste, pragmatique dans l’âme, l’ancien moniteur de snowboard et enseignant en mathématiques et français à Vancouver, a réussi l’impossible : empêcher le conservateur Stephen Harper de battre un record de longévité à la tête d’un gouvernement fédéral, et doubler le néodémocrate du NPD Tom Mulcair par la gauche, en promettant d’alourdir le fardeau fiscal des plus riches et d’alléger celui de la classe moyenne.