Chez Macky Sall le ridicule ne tue pas,: Chronique d’un retour aussi pathétique que théâtral

Les avocats de Macky Sall seront à Dakar. À leur tête, le très distingué Pierre-Olivier Sur, venu de Paris pour défendre l’ancien président accusé d’avoir laissé derrière lui une « dette cachée ». Objectif annoncé : « rétablir la vérité ». Résultat obtenu : un fou rire national. Car dans ce pays où les comptes publics ont longtemps été classés « confidentiels », la transparence post-régime relève désormais de la comédie judiciaire.

Quand la robe noire devient gilet pare-ridicule

Le ridicule a décidément la peau dure. Après douze ans de gouvernance placée sous le signe du « secret budgétaire bien gardé », le voilà qui se pavane en costume trois pièces, à la barre de la morale. Pierre-Olivier Sur, le Bâtonnier parisien recruté pour défendre Macky Sall, accuse depuis la France de « manipulations politiques ». On en viendrait presque à applaudir cette soudaine passion pour la vérité, si elle n’arrivait pas avec douze ans de retard et plusieurs milliards sous le tapis.

Les pyromanes demandent les plans du pompier

Le spectacle est total. Ceux qui ont verrouillé l’accès aux données publiques réclament maintenant “les documents comptables”. Les anciens maîtres du silence veulent « éclaircir le débat ». Et les champions du déni budgétaire découvrent, effarés, que les chiffres parlent quand on ne les bâillonne plus. C’est un peu comme si un pyromane demandait le manuel d’utilisation de l’extincteur. Ou comme si un cambrioleur portait plainte pour effraction. Le plus cocasse, c’est ce renversement de rôles : ceux qui ont dirigé la machine réclament maintenant le manuel d’utilisation. On dirait un pyromane qui appelle les pompiers pour comprendre pourquoi ça brûle. Ces avocats, avec leur sérieux de circonstance, nous expliquent qu’ils vont « éclaircir le débat ». Mais comment éclairer un débat qu’on a passé dix ans à éteindre ?

Saint Macky, patron des repentis budgétaires

Depuis Paris, les avocats de l’ancien président expliquent, la main sur le code pénal, qu’ils ne cherchent que la clarté. On les croirait volontiers… s’ils n’étaient pas les héritiers d’un système où la lumière s’éteignait dès qu’un chiffre dépassait la ligne rouge. Mais voilà : le pouvoir passé, la vertu revient. Macky Sall découvre la transparence comme on découvre un vieux trésor dans son grenier. L’homme qui voulait une gouvernance « sobre et vertueuse » semble aujourd’hui surpris de retrouver la facture de son propre banquet.

Comédie judiciaire ou tragédie comptable ?

Le peuple, lui, observe. Sans colère, sans passion, mais avec ce rire froid de ceux qu’on a trop pris pour des amnésiques. Il se souvient des promesses de rigueur, des marchés publics sans traces, des rapports étouffés. Alors quand on lui parle de « manipulations politiques », il hausse les épaules. Car la manipulation la plus habile, c’est celle qui consiste à transformer la dette en rumeur, et la responsabilité en victimisation. Le plus beau, c’est la mise en scène. On dirait une série Netflix : “Mission transparence – Saison post-pouvoir”. Les anciens gardiens de l’opacité jouent les inspecteurs des finances publiques, découvrant avec horreur que le tiroir qu’ils avaient fermé contient… des dettes. Drôle de découverte. Il ne manque plus que la bande-son dramatique et le logo de la BCEAO en fond.

La justice comme théâtre d’ombre

Ne nous y trompons pas : ce déplacement médiatico-judiciaire n’a rien d’un acte de foi. C’est une opération d’image, un dernier réflexe de communication. L’objectif n’est pas d’éclairer, mais de brouiller. Pas d’informer, mais de relativiser. Dans ce théâtre post-présidentiel, chacun rejoue son rôle : l’avocat s’indigne, le client se tait, et le contribuable paie la lumière.

Le dernier privilège : ne jamais rougir

Au final, Macky Sall et ses défenseurs ont réussi une prouesse rare : prouver que le ridicule n’est pas une faiblesse, mais une stratégie. Il protège, il justifie, il déplace le débat. Et surtout, il ne coûte rien, contrairement à la dette qu’il tente de maquiller. Dans cette République où même la honte se facture, le ridicule est devenu le seul privilège gratuit. @à la une

Pape Sadio THIAM