Conseil de l’UE : Viktor Orbán défend le mandat controversé de la Hongrie et sa « présidence politique »

Jeudi 19 décembre, à Bruxelles, Viktor Orbán a qualifié les six mois de mandat de la Hongrie à la tête du Conseil de l’Union européenne (UE) de « présidence politique ». 

Durant six mois, au cours de la présidence tournante du Conseil de l’UE, les États membres dirigent à tour de rôle les réunions ministérielles. Au mois de juillet, la Hongrie avait pris la tête du Conseil avec l’objectif de « rendre à l’Europe sa grandeur », alarmant les détracteurs européens de Viktor Orbán.

« Il y a deux options : soit on mène une présidence politique, soit une présidence bureaucratique », s’est exprimé le Premier ministre hongrois à l’issue d’un sommet des chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne jeudi 19 décembre. Il s’agissait de sa dernière occasion d’accorder une conférence de presse en lever de rideau avant la fin du mandat de la Hongrie.

« Si vous optez pour une présidence bureaucratique, il est évident qu’il suffit de poursuivre les processus existants et de continuer à faire avancer les choses », a-t-il poursuivi en hongrois.

« Si vous décidez d’une présidence politique, alors vous devez prendre des décisions politiques », a-t-il lancé, précisant qu’il avait opté pour cette dernière option.

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Les services de renseignement hongrois ont espionné des fonctionnaires européens en visite à Budapest, selon un rapport conjoint du journal belge De Tijd et de l’ONG hongroise Direkt36, publié ce vendredi 6 décembre.

Les critiques craignaient une présidence hongroise

Même si l’exercice de la présidence du Conseil est une exigence juridique plutôt que politique, certains s’inquiétaient de la corruption et de l’affaiblissement de l’État de droit sous son gouvernement, au pouvoir en Hongrie depuis 14 ans.

En effet, la principale mission au cours de la présidence du Conseil consiste à négocier des compromis entre les ministres de l’UE lorsqu’ils peinent à se mettre d’accord. La majeure partie de cette tâche est donc avant tout diplomatique plutôt que politique, et des gouvernements controversés ont ainsi été en mesure par le passé de mener à bien la présidence du Conseil sans grand drame.

La Roumanie, par exemple, a pris le relais en janvier 2019 alors que le gouvernement était en proie à des scandales de corruption. La Belgique a également réussi à assumer cette fonction en 2010, alors qu’elle peinait à former un gouvernement.

Les États membres de l’UE de plus en plus agacés par la Hongrie

Les prochains sommets organisés en novembre par la présidence hongroise du Conseil de l’UE risquent d’être éclipsés par le mécontentement croissant des États membres face aux manœuvres diplomatiques controversées du Premier ministre Viktor Orbán.

Courtiser Vladimir Poutine

Cependant, la présidence « politique » de la Hongrie a suscité du mécontentement dès le début — en particulier en matière de politique étrangère. Un domaine que la présidence du Conseil de l’UE est censée laisser au Haut représentant de l’Union pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, qui préside les réunions des ministres des Affaires étrangères.

Viktor Orbán a provoqué l’irritation des dirigeants européens en juillet, lorsqu’il s’est envolé pour Moscou afin de s’entretenir avec le président russe, Vladimir Poutine. Le Premier ministre hongrois a qualifié ce voyage de « mission de paix » pour trouver une solution à la guerre en Ukraine.

Plus tard dans le mois, dans un discours au Parlement européen, la présidente de la Commission Ursula von der Leyen l’a qualifié de « mission d’apaisement ».

Jeudi 19 décembre au soir, Viktor Orbán a défendu ses actions en matière de politique étrangère. « La question politique la plus importante est l’Ukraine. Ici, je n’avais aucune marge de manœuvre, car, au sein de l’Union européenne, il n’y a pas de consensus. »

« Par conséquent, tout ce que j’ai fait en rapport avec la guerre, j’ai dû le faire séparément et non au nom de l’Union européenne. J’ai dû recourir à la diplomatie bilatérale », a-t-il soutenu.

Pourtant, le 11 décembre, Viktor Orbán a explicitement cité le rôle de la présidence hongroise lorsqu’il a plaidé en faveur d’un « cessez-le-feu pour Noël » en Ukraine.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a rejeté les tentatives d’intervention du Premier ministre hongrois, l’accusant de vouloir « améliorer son image personnelle au détriment de l’unité ».

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Les États membres devraient chercher à obtenir plus de clarté sur les résultats obtenus par la Hongrie lors de visites diplomatiques en Russie et en Chine, certains souhaitant explorer des options sur la façon d’endiguer ce qu’ils considèrent comme un « comportement destructeur ».

Tout ne tourne pas autour de Vladimir Poutine

Même si la rencontre de Viktor Orbán avec le président russe a assombri la présidence hongroise, il serait injuste de dire qu’elle a entièrement caractérisé le passage de Budapest à la tête du Conseil.

Le gouvernement hongrois a en effet conclu d’importants accords européens sur la zone de libre circulation transfrontalière de Schengen, la compétitivité économique, l’agriculture et la santé. Habituellement, les présidences tournantes sont jugées sur leur capacité à conclure des accords sur la nouvelle législation européenne et les déclarations conjointes.

De ce point de vue, la Hongrie a connu un parcours assez aisé. Son mandat a coïncidé avec le début des nouveaux mandats du Parlement européen et de la Commission européenne, ce qui a freiné l’adoption de nouvelles législations.

Les présidences belge et espagnole précédentes ont de leur côté réglé certains dossiers difficiles et en suspens, tels que le règlement sur l’intelligence artificielle (AI Act).

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Une avancée dans l’espace Schengen

La plus grande réussite de la Hongrie au cours de son mandat a sans doute été sa capacité à sortir de l’impasse qui empêchait l’intégration complète de la Roumanie et de la Bulgarie au sein de l’espace Schengen.

Si la Commission européenne avait jugé dès 2011 que la Roumanie et la Bulgarie étaient prêtes à rejoindre l’espace Schengen, le veto de l’Autriche a empêché l’ouverture des frontières terrestres de la zone aux deux pays, alors que les frontières aériennes et maritimes avaient déjà été ouvertes en mars.

Lors d’une réunion à Budapest le 22 novembre, les ministres de l’Intérieur de l’Autriche, de la Roumanie et de la Bulgarie ont finalement signé un accord qui a permis à l’Autriche de lever son veto. Cet accord a ouvert la voie à une décision formelle du Conseil le 12 décembre, ce qui signifie que la Roumanie et la Bulgarie deviendront des membres à part entière de l’espace Schengen au 1er janvier 2025.

« Nous avons discuté pendant notre présidence, et essayé de convaincre les États qui bloquaient cette décision que la Roumanie et la Bulgarie devraient obtenir ce qu’ils méritent, c’est-à-dire l’adhésion à l’espace Schengen », a commenté Viktor Orbán.

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Une déclaration de Budapest « ambitieuse »

Mais la présidence hongroise a également permis d’autres réussites.

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, qui a rejoint Viktor Orbán à la tribune, a évoqué la « déclaration de Budapest » sur la compétitivité économique, adoptée en novembre.

Même si les termes de la déclaration sont extrêmement larges, Ursula von der Leyen les a qualifiés d’« ambitieux »« Nous avons tous signé pour un objectif, celui d’une Europe compétitive. La déclaration décrit les tâches que nous devons accomplir pour que l’Europe reste une destination de choix pour les entreprises », s’est-elle exprimée.

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Accords sur l’agriculture et la santé, impasse sur la défense et la protection de l’enfance

La Hongrie a également négocié un accord sur l’avenir de la Politique agricole commune (PAC), qui subventionne l’agriculture et absorbe la majeure partie du budget de l’UE.

Dans le domaine de la santé, la Hongrie a persuadé les États membres de soutenir une déclaration commune sur les maladies cardiovasculaires et les dons d’organes. Cette déclaration pourrait servir de base à un nouveau plan d’action dans un avenir proche.

En revanche, la Hongrie n’a pas atteint l’objectif qu’elle s’était fixé de parvenir à un accord partiel sur un plan visant à renforcer l’industrie européenne de la défense.

Budapest espérait également avancer sur une proposition juridique controversée de l’UE visant à obliger les fournisseurs de services de messagerie et d’hébergement cryptés, à détecter les contenus relatifs à des abus sexuels sur enfants. Mais les États membres restent dans l’impasse malgré les efforts de la Hongrie pour trouver un compromis.

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« Si les Hongrois n’existaient pas, nous devrions les inventer »

Ces succès et ces échecs sont le lot de toute présidence du Conseil et sont souvent déterminés par des facteurs indépendants de la volonté du gouvernement.

Toutefois, certains diplomates européens insistent sur le fait que la présidence hongroise n’a pas été commune, notamment en raison de son ingérence dans la politique étrangère. Ils attendent avec impatience le début de la présidence polonaise le 1er janvier 2025.

Pourtant, certains des plus fervents détracteurs de la Hongrie admettent que — abstraction faite de la présidence — il est parfois nécessaire d’avoir un État membre avec un point de vue opposé, ne serait-ce que pour galvaniser les autres.

« Si les Hongrois n’existaient pas, nous devrions les inventer », confie un diplomate européen à Euractiv, empruntant ses propos à Voltaire.

Nicoletta Ionta, Georgi Gotev, Thomas Moller-Nielsen, Catherine Feore, Angelo Di Mambro, Maria Simon Arboleas et Aurélie Pugnet ont contribué à la rédaction de cet article.