Conseil européen : « Pas de paix durable sans l’Ukraine et sans l’UE »: discours du président Costa lors de la conférence de Munich

Le 24 février 2022, l’Union européenne a changé.

Au tout premier jour de la guerre en Ukraine, à 19 heures, les dirigeants européens se sont réunis pour une réunion d’urgence à Bruxelles et se sont entretenus avec le président Zelensky. Ce fut une discussion très dure. Les chars russes marchaient sur Kiev. Les bombes russes s’abattaient sur toute l’Ukraine.

Avant de conclure notre réunion, le président Zelensky a déclaré qu’il vivait sans doute ses derniers instants. Et je me souviens très clairement de la lucidité qui emplissait la salle: nous assistions à la naissance d’une nouvelle Union européenne géopolitique. La guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine a profondément ébranlé l’architecture de sécurité de l’Europe.

Avec nos alliés transatlantiques, nous nous sommes immédiatement attelés à soutenir la souveraineté, le droit à l’autodétermination et l’intégrité territoriale de l’Ukraine: en délivrant une aide humanitaire, en fournissant une assistance économique, en prenant les sanctions les plus dures jamais adoptées à l’encontre de la Russie et en apportant un appui militaire sans précédent. Mais surtout, en offrant une perspective claire quant à l’avenir de l’Ukraine en tant que membre à part entière de l’Union européenne.

Trois ans plus tard, l’Ukraine résiste héroïquement, Poutine a échoué dans sa tentative de prendre le contrôle de l’Ukraine et, comme nous l’avons tous vu, le président Zelensky est plus fort que jamais.

Aujourd’hui, mon message est sans équivoque. Nous ne renonçons pas. Nous continuerons à soutenir l’Ukraine, cet engagement faisant partie intégrante de notre projet pour la paix.

Seule l’Ukraine peut décider si les conditions sont réunies pour mener des négociations. Faire des concessions avant même le début des négociations serait une terrible erreur. Par conséquent, nous continuerons à nous tenir aux côtés de l’Ukraine: lors des négociations, en fournissant des garanties de sécurité, au cours de la reconstruction et dans le cadre de son adhésion future à l’Union européenne. Telle est la position de l’UE et, comme vous l’avez entendu, celle de l’Ukraine.

Que signifie parvenir à une paix globale, juste et durable? Cela signifie que la paix en Ukraine et la sécurité de l’Europe sont indissociables. Que nous tenons compte du fait que la menace russe s’étend au-delà de l’Ukraine. La Russie contrôle la Biélorussie. La Russie a une présence militaire en Moldavie et en Géorgie. L’ombre de la Russie plane sur les États baltes, sur les frontières orientales de l’Union européenne, sur nos systèmes démocratiques, sur nos infrastructures critiques. Cela signifie qu’une paix globale ne saurait être un simple cessez-le-feu. Cela signifie qu’il ne sera jamais plus laissé à la Russie la possibilité d’attaquer. Une telle paix ne peut pas récompenser l’agresseur. Cette paix doit garantir que la Russie ne sera plus une menace pour l’Ukraine, l’Europe ou ses voisins, et que la Russie cesse de mettre en péril la sécurité internationale.

Pour parvenir à une telle paix, l’Union européenne assumera pleinement ses responsabilités. En deux mots, il n’y aura pas de négociations crédibles et fructueuses ni de paix durable sans l’Ukraine et sans l’Union européenne.

L’Union européenne n’est plus la même qu’avant février 2022. Premièrement, nous avons accéléré l’élargissement aux Balkans occidentaux et ouvert des négociations avec l’Ukraine et la Moldavie. Deuxièmement, nous avons décidé de renforcer notre sécurité énergétique par un découplage avec la Russie, grâce à un immense effort collectif, en particulier ici, en Allemagne, sous la conduite d’Olaf Scholz. Enfin, moins d’un mois après le début de la guerre, tous les États membres ont décidé à Versailles de concrétiser véritablement la construction de l’Europe de la défense.

Nos dépenses de défense ont augmenté de 30 % depuis 2021. Les pays de l’Union européenne qui sont membres de l’OTAN affectent désormais, en moyenne, 2 % de leur PIB à la défense. Nous avons atteint l’objectif, ensemble. Mais nous en ferons davantage. L’Union européenne a été conçue comme un projet de paix. Mais nous savons que la paix sans la défense n’est qu’une illusion.

Il y a deux semaines, j’ai réuni les dirigeants de l’Union européenne afin de fournir des orientations politiques à la Commission européenne et à la haute représentante quant aux capacités que nous devons développer conjointement, à la mobilisation accrue de financements publics et privés et au renforcement de nos partenariats, tout particulièrement avec le Royaume-Uni et l’OTAN. La Commission et la haute représentante présenteront des propositions le mois prochain, et je maintiendrai la défense au premier rang des priorités du Conseil européen. Voilà la marche à suivre. Voilà notre engagement.

L’Union est un partenaire fiable et prévisible. Une grande puissance économique et commerciale. Et nous sommes fermement déterminés à améliorer, à renforcer et à accélérer notre action en faveur de la construction de l’Europe de la défense. Je vous remercie.