Embellie de la météo politique au Sénégal, ou le calme avant la tempête ? Par Ibrahima Wade, Bruxelles

Le président Macky Sall avait fait un appel au « calme et à la sérénité » et demander d’éviter « la logique de l’affrontement qui mène au pire », lors de sa première déclaration après les événements qui ont secoué le Sénégal suite à l’arrestation d’Ousmane Sonko. Ensuite, il y a eu la médiation des religieux, de personnalités de la société civile et de certaines bonnes volontés pour faire suspendre les manifestations, faire libérer les manifestants détenus dans les prisons et venir en aide aux victimes et à leurs familles.

Winston Churchill disait « une politique d’apaisement face à la menace, c’est nourrir le crocodile en espérant être dévoré le dernier ». Et peut-on être sûr et certains que toutes les menaces qui ont été à l’origine de ces événement sont levées ? Ne risquent-elles pas de se reproduire ? Et comme menace, il y avait l’accusation de viol et de menaces de mort portée à l’encontre d’Ousmane Sonko, il y aurait cette ambition de briguer un troisième mandat de la part du président Macky Sall et cette supposée volonté d’empêcher le leader de Pastef d’être candidat à l’élection présidentielle de 2024. Et à entendre certains discours, en analysant certains actes posés par les uns et les autres et en décryptant certains signes, on ne peut pas affirmer que cet appel à l’apaisement sera pérenne.

D’abord du côté de la majorité, il y a ces organisations intempestives de meetings surtout en période de pandémie, il y a ces interventions médiatiques de certains responsables politiques qui théorisent encore la faisabilité d’un troisième mandat et il y a surtout ce mutisme du président Macky Sall sur la question de sa candidature à un troisième mandat alors qu’elle faisait partie des dix points contenus dans le mémorandum des partis de l’opposition et de la société civile. Le dernier acte posé par le Président Sall consistant à recruter 6000 volontaires pour accompagner les forces de l’ordre et de sécurité est interprété par certains observateurs comme une préparation à l’affrontement pour ne pas dire à la guerre. Il y a aussi ces appels à l’obligation de tenir un procès dans l’affaire Adji Sarr/Sonko, lancés par d’éminents membres de la coalition BBY alors que normalement c’est au juge de « juger » de l’opportunité de tenir un procès ou non. C’est comme si un non-lieu, ou un classement sans suite du dossier est impossible, ce qui ne ferait que conforter la thèse du règlement de compte politique.

Du côté de l’opposition, les avis sur le troisième mandat sont plus tranchés ; pour elle, il n’est pas question que le président Macky Sall soit candidat à l’élection présidentielle de 2024. Sur la question des personnes arrêtées lors des événements   du 8 mars et qui sont encore en détention, leur libération n’est pas négociable. Pour beaucoup de personnes qui ont manifesté lors de l’arrestation de Sonko, organiser un procès qui condamnerait ce dernier serait inacceptable et tous se disent prêts à encore descendre dans les rues pour manifester leur opposition. Sonko lui-même et beaucoup d’autres leaders de l’opposition continuent d’ailleurs à appeler à la résistance.

Les mêmes causes produisent les mêmes effets, dit-on et cette fois-ci, s’il y a des confrontations ça risquerait d’être plus grave car l’Etat se prépare déjà à la riposte, tous les régulateurs sociaux qui ont contribué à cet apaisement pourraient ne plus s’y investir à nouveau et il serait encore plus difficile de se relever sur le plan social et économique d’une autre vague de destruction car notre pays en plus de l’impact négatif de la pandémie est dans une crise profonde et dans tous les secteurs.

Un sage disait que « l’apaisement se trouve en chacun de nous » et pour que cet apaisement soit définitif, il faudrait que chacun y mette du sien, et ceci incombe plus à l’Etat qui a cette responsabilité, mais également il faut que l’opposition et tout le peuple sénégalais se rappelle de cet adage séculier qui nous dit que « le Sénégal est un et indivisible ».

Ibrahima Wade, Bruxelles