Une association espagnole alerte sur les conditions de vie des migrants à leur arrivée en Espagne. Selon la Commission espagnole d’aide aux réfugiés, ils sont détenus de manière arbitraire et leur droit à l’asile est bafoué.
Détention arbitraire, droits bafoués, obstacles pour demander l’asile, insalubrité…. En Espagne, les migrants vivent dans des conditions dramatiques selon plusieurs associations. La Commission espagnole d’aide aux réfugiés (CEAR), une ONG présente dans plusieurs centres de rétention, a publié mardi 16 janvier un rapport qui dénonce l’arbitraire et « l’improvisation » avec lesquelles le pays gère les arrivées de migrants le long de ses côtes, alors que ces dernières ont triplé en 2017 (près de 21 500 l’an dernier contre un peu plus de 6 000 en 2016).
Un constat qui fait écho au rapport de Human Rights Watch (HRW), rendu public le 31 juillet dernier, qui estimait déjà à l’époque que « l’Espagne viole les droits des migrants ».
Détention arbitraire
Quand un migrant arrive en Espagne par bateau, il est tout de suite pris en charge par les services de la Croix-Rouge espagnole qui effectuent un premier examen médical, en vue de dépister d’éventuelles infections, et fournissent des kits d’hygiène. Ensuite, les autorités espagnoles prennent le relais et envoient les primo-arrivants dans les locaux de la police pour une période pouvant aller jusqu’à 72 heures. Après identification, ils sont dirigés vers un centre de rétention pour migrants pendant 60 jours au maximum dans l’attente de leur expulsion.
C’est dans les locaux de la police que la situation est la plus problématique. A Motril, Almeria et Malaga (villes côtières dans le sud de l’Espagne d’où arrivent les embarcations de migrants), les migrants sont détenus dans des « cellules sombres, froides et humides », sans possibilité d’en sortir excepté pour des visites médicales, le relevé de leurs empreintes digitales et des entretiens. Des geôles « en forme de cages ne sont pas des endroits qui conviennent pour détenir les demandeurs d’asile et les migrants qui arrivent en Espagne », déclare dans un communiqué Judith Sunderland, directrice adjointe de la division Europe et Asie centrale à HRW.
La situation des mineurs inquiète aussi particulièrement HRW. Les enfants qui arrivent seuls sur le sol espagnol sont envoyés dans des centres adaptés mais ceux qui voyagent avec leur famille sont détenus dans les locaux de police de Motril et Almeria. Un observateur de HRW a d’ailleurs été témoin d’une scène choquante en avril dernier : il a vu « des enfants jouer dans l’eau souillée débordant des toilettes des cellules du centre de détention portuaire de Motril, alors que neuf enfants y étaient détenus avec leurs mères pendant trois jours », note le rapport.
Droit d’asile bafoué
HRW et la CEAR dénoncent également le manque d’information apporté aux migrants qui arrivent en Espagne. Le droit des avocats à s’entretenir avec les migrants avant que ceux-ci ne soient interrogés par la police est « souvent bafoué », indique encore la CEAR.
Dans le port de Tarifa par exemple, la police a « rédigé des ordres d’expulsion avant de prendre la déclaration de la personne intéressée ». Surtout, « les nouveaux arrivants ne sont pas informés correctement sur le droit d’asile », sauf à Malaga, car la police « n’est pas autorisée à [leur] remettre la brochure informative sur leur accès à la protection internationale », document fourni par le Haut-commissariat aux réfugiés des Nations-Unies (HCR), a critiqué Estrella Galan, secrétaire générale de la CEAR.
Même constat chez HRW qui s’est entretenu avec des migrants retenus dans les locaux de police des villes portuaires. Aucun n’avait pu avoir d’entretien individuel avec un avocat pendant leur détention et aucune information sur le droit d’asile ne leur a été donnée.
« Que ce soit par négligence ou par tactique, l’Espagne ne traite pas les demandeurs d’asile et les migrants arrivant par la mer avec humanité et dignité », a estimé Judith Sunderland de HRW. Selon le vice-président de l’Association marocaine de l’intégration des migrants, Ahmed Khalifa, contacté par InfoMigrants, « l’Espagne fait face à une telle pression migratoire que l’objectif de l’État est de renvoyer les migrants au plus vite ».