Conformément aux objectifs fixés dans ses statuts (article 2), l’Association des Étudiants Sénégalais du Havre (A.E.S.H.), qui compte environ 150 membres, est à pied d’œuvre depuis trois mois pour accueillir et accompagner, en vue d’une meilleure insertion sociale et pédagogique les étudiants sénégalais venus poursuivre leurs études en France, particulièrement au Havre (Normandie).
Dans ce travail, les actions de l’A.E.S.H. rencontrent des succès, malgré d’énormes difficultés qui font face. En effet, si la solidarité estudiantine, bien connue de tous, a permis qu’aucun camarade étudiant sénégalais ne passe la nuit à la belle étoile ou dans les gares ferroviaires, cependant leur quotidien est pavé d’obstacles qui se répercutent négativement en ce début d’année universitaire sur leur étude. Ces difficultés, dont la plupart sont connues par tous les étudiants primo-arrivants en métropole, sont nombreuses, mais nous pouvons les classer en trois catégories. C’est les contraintes liées à la recherche de logement et aux démarches administratives d’une part et la question des aides financières d’autre part.
L’interminable galère du logement
Concernant les questions d’ordre social, elles portent en grande partie sur le problème du logement. En effet, une remarque faite chez la quasi-totalité des étudiants primo-arrivants en France, montre qu’aucune procédure de demande de logement universitaire auprès des services du Centre Régional des Œuvres Universitaires et Scolaires (CROUS) n’a été faite. Cette demande se fait en parallèle de la procédure de demande de préinscription, sur internet, tous les ans, avant la fin du mois de mai.
La conséquence de cette négligence fait basculer les étudiants dans une précarité que seule une association d’étudiant bien organisée, serait capable de faire face, par la solidarité de ses membres.
Par ailleurs, rares sont les étudiants capables de prendre à eux seuls des appartements ou studios auprès des bailleurs particuliers. Ces derniers ont des exigences d’ordre financier et administratif difficilement à la portée d’un étudiant étranger. En plus de payer un mois de loyer et une caution équivalente au prix mensuel du loyer, il faut trouver un garant. La signature d’un contrat de location d’habitation en France est pour la plupart soumise à l’acceptation d’une tierce personne appelée le garant, de payer les loyers au bailleur en cas de non solvabilité de l’étudiant locataire. Pour cela, le bailleur exige du garant de respecter cet engagement par écrit, daté et signé en plus de fournir des documents justifiant sa solvabilité (Fiche de paye, avis d’impôt, etc.). Vu le caractère privé de ces documents, notamment des fiches de paye, et n’ayant pas pour la plupart de parents proches résidents en France susceptibles de se porter garant, les étudiants primo-arrivants, mais aussi certains de ceux qui les ont précédé, peinent à remplir cette condition presque obligatoire pour la signature d’un contrat de logement aussi bien chez les particuliers qu’auprès des services du CROUS.
Cependant, il faut signaler dans ce cadre que le gouvernement français a mis en place depuis la rentrée de 2014 un dispositif appelé la Caution Locative Étudiant (La Clé) chargé de se porter garant pour les étudiants. C’est une garantie de l’État qui permet de faciliter l’accès à un logement aux étudiants disposant de revenus, mais dépourvus de garants personnels.
Mais, ce dispositif nouveau n’est pas connu de tous et est soumis à des conditions préalables, pas claires, que les étudiants primo-arrivants comme les anciens, ont du mal à remplir.
Le parcours du combattant pour valider son titre de séjour
En ce qui concerne les contraintes d’ordre administratif, les étudiants étrangers, en plus des difficultés sociales, rencontrent d’énormes blocages dans les démarches administratives. Ainsi, partant du constat que la validation du visas étudiant obtenu au consulat français de Dakar est complétée par une série de démarche complexe auprès de l’Office Française de l’Immigration et de l’Intégration (OFII), notre association accompagne et aide à la constitution du dossier du nouveau étudiant pour l’inscription à l’Université d’une part et pour la validation du visas étudiant d’autre part. C’est seulement après cette démarche que l’étudiant est en règle. Il peut ensuite prétendre travailler à titre accessoire. Ici, il faut préciser à l’endroit des parents des étudiants ce qui suit : Un étudiant qui travaille à titre accessoire et à temps partiel, ne peut être considérer comme un « modou modou » et ne doit donc pas susciter d’attente financière pour la famille tant qu’il n’a pas changé de statut.
Au Havre, bourses inexistantes ou en retard : étudiants en galère
Par ailleurs, et sur un autre registre, non négligeable pour ne pas dire essentiel à la survie de l’étudiant sénégalais de l’extérieure, cette galère énorme que rencontre les étudiants sénégalais de l’extérieur relatée de façon non exhaustive ci-dessus, est en grande partie due à l’absence de bourse pour la plupart de ces étudiants.
Aux Havre, 90% des étudiants de l’Université et de l’IUT ne possèdent pas de bourse. S’il est vrai que l’octroi de bourse étrangère est fonction de critères d’excellence, beaucoup d’étudiants du Havre qui disposait au Sénégal d’une bourse (Bourse entière ou Demi-bourse), la perde une fois à l’étranger. Ce qui constitue un paradoxe puisque c’est justement à l’étranger où il est venu poursuivre, approfondir et perfectionner ses études, avec un niveau de vie relativement élevé qu’il a le plus besoin de cette aide financière.
Comment quelqu’un, au Sénégal, qui avait presque tout gratuitement (logement, alimentation, etc.) peut-il faire face à une vie de quasi dépense quotidienne sans disposer d’une aide de son pays d’origine? En effet, l’étudiant sénégalais de France doit faire des courses pour manger, il doit payer le loyer de son appartement, il doit payer l’électricité et l’eau, il doit payer son forfait téléphone et internet, il doit payer son abonnement pour le transport, etc.
Même si les étudiants sont venus de façon volontaire et par leur propre moyen, ce n’est pas pour autant une raison de les abandonner sans aucune formes d’aides. Ces étudiants ne veulent pas bénéficier plus de privilèges que leurs camarades des différentes universités sénégalaises. Ces derniers rencontrent aussi toutes sortes de difficultés, mais d’une autre nature.
Les autorités se doivent d’être les garants de l’égalité des citoyens devant les charges publiques. Mais ce principe ne doit nullement faire obstacle à ce que des situations différentes fassent l’objet de solutions différentes. Les dépenses exorbitantes dont font face les étudiants sénégalais de l’extérieur doivent être pris en compte dans l’octroi des aides boursières étudiantes. Ces derniers sont aussi de vaillants sénégalais. C’est des ambassadeurs qui contribuent au rayonnement extérieur de leur pays. Leur réussite profitera in fine au Sénégal.
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Avec Solange Diallo