La honte du FMI : Le Sénégal (Par Peter Doyle, Économiste américain, ex-cadre senior du FMI)

Les réactions se poursuivent autour de l’affaire dite de la « dette cachée ». Après la directrice du FMI, Kristalina Georgieva, et le chef de mission du FMI au Sénégal, Édouard Gemayel notamment, c’est au tour de l’économiste américain, Peter Doyle, de sortir de sa réserve. Dans une contribution publiée ce lundi 20 octobre 2025, par « Financial Afrik », cet ex-cadre senior du FMI n’a pas mâché ses mots face à cette situation. Selon lui, la honte du FMI, c’est le Sénégal. Voici l’intégralité de sa réflexion.

À l’automne 2024, lorsque Ndongo Samba Sylla et moi avons souligné l’absurdité, compte tenu du rattachement historique du franc CFA à l’euro, des prévisions du FMI concernant l’inflation sur 12 mois au Sénégal, soit -13 % pour fin 2025 et +42 % pour fin 2026, nous notions que le FMI ne prêtait manifestement pas attention aux chiffres, pas même aux siens. Que pouvait-il encore se passer, nous sommes-nous demandé ?

Nous étions loin de nous douter de la suite

Après un changement de gouvernement en avril 2024, des audits ont récemment confirmé que les emprunts contractés par le gouvernement à partir de 2019 dans le cadre de plusieurs programmes du FMI dépassaient de plus de 40 % du PIB les niveaux annoncés par le FMI, y compris au public sénégalais (voir graphiques). Cela pèsera sur le Sénégal pendant des générations souveraines, principalement aux États-Unis et au Royaume-Uni, afin que les tribunaux de ces pays ne reconnaissent aucun nouveau prêt relevant de leur juridiction, à l’exception des accords de confirmation autonomes du FMI, à moins que l’ensemble des documents ne soit soumis aux parlements locaux au moins 30 jours avant la signature.

Loin d’entraver un programme précoce du FMI pour le Sénégal, tout cela permet de rendre cohérent un programme de maintien, pendant que les données macroéconomiques sont corrigées, préfigurant une stratégie de dette à moyen terme, y compris sur la dette en devises étrangères.

Qui doit porter le chapeau ?

Il faut mettre fin à l’absurdité qui consiste à voir l’ancien président Sall se pavaner sur la scène internationale en tant qu’éminence grise après avoir présidé à ce désastre ; il devrait être considéré comme un paria.

De même, le personnel du FMI est officiellement tenu de garantir la véracité des données du programme, et non de se cacher derrière les assurances d’autrui. Le fait que le FMI qualifie tout cela de « fausse déclaration » est donc une dissimulation. Au contraire, les directeurs du département Afrique et des affaires fiscales, responsables de la qualité du travail de leur personnel, n’ont apparemment jamais vu d’erreur dans les multiples programmes, malgré des projections d’inflation absurdes et un déficit budgétaire colossal, couronné aujourd’hui par un plan qui aggrave toutes les erreurs, conçu sur la base de données macroéconomiques non corrigées et manifestement intenables.

En conséquence, et pour souligner que, quoi qu’il en soit, avoir perdu de vue 40 % du PIB est inacceptable, la directrice générale devrait révoquer les deux directeurs.

Sinon, elle devrait être démise de ses fonctions pour avoir toléré, voire encouragé un échec aussi catastrophique dans le travail du personnel du FMI.

Il faut donc mettre un terme à la précipitation : un programme provisoire du FMI pour le Sénégal, assorti de mesures de gel des dettes non déclarées, d’une responsabilité totale et d’une transparence ex ante, est désormais essentiel pour sauver les institutions budgétaires de ce pays et, par voie d’exemple, du monde entier.

Auteur : Peter Doyle, Économiste américain,