La presse sénégalaise face à une crise de survie

La démocratie sénégalaise, longtemps citée en exemple en Afrique de l’Ouest pour la vitalité de sa presse, traverse aujourd’hui une zone de turbulence. Les signaux d’alerte se multiplient quant à la santé économique des médias, au point que certains observateurs redoutent l’effritement de l’un des piliers essentiels de la vie démocratique du pays.

Dernière illustration de cette fragilité : le groupe Futurs Médias (GFM), fondé par la star internationale Youssou N’Dour, a annoncé un plan de restructuration, conséquence directe de difficultés financières jugées « graves » par sa direction. Ce coup de tonnerre intervient alors que d’autres rédactions connaissent déjà des retards de salaires, des réductions d’effectifs ou peinent à financer leurs outils de production.

Les causes de cette crise sont multiples. Le modèle économique des médias sénégalais reste largement dépendant de la publicité, un marché étroit dominé par quelques grands annonceurs. La concurrence des plateformes numériques internationales, qui captent une grande part des revenus publicitaires, fragilise encore davantage les organes de presse locaux. À cela s’ajoutent des coûts d’impression élevés pour les journaux, une baisse de la diffusion papier, et une adaptation difficile aux mutations numériques.

Face à cette situation, la profession tire la sonnette d’alarme. « Si rien n’est fait, c’est tout l’équilibre de la démocratie sénégalaise qui pourrait être menacé. La presse est un contre-pouvoir indispensable », rappelle Ibrahima Lissa Faye, responsable de la Coordination des associations de presse du Sénégal (CAPS). Invité de Laurent Correau sur RFI, il plaide pour un plan d’urgence afin de soutenir les rédactions en crise, à travers un fonds d’appui plus structuré, des mesures fiscales adaptées et une meilleure régulation du marché publicitaire.

La question est désormais posée : le Sénégal saura-t-il préserver ce qui fait sa singularité démocratique, une presse libre et pluraliste, ou assistera-t-on à l’affaiblissement progressif d’un modèle longtemps envié dans la sous-région ?