L’affaire Kocc Barma : Plongée dans le plus grand scandale de cybercriminalité au Sénégal

Sous le masque numérique : Kocc Barma, un nom, un cauchemar

Derrière le pseudonyme sulfureux de « Kocc Barma », qui régnait sur les réseaux sociaux depuis près d’une décennie, se cachait El Hadj Babacar Dioum, un administrateur de société âgé de 38 ans, né en 1987 à Dakar. Arrêté le 17 juillet 2025, il est aujourd’hui au cœur de l’une des affaires les plus graves de cybercriminalité jamais enregistrées au Sénégal.

L’arrestation du suspect par la Division spéciale de lutte contre la cybercriminalité (DSC) est le fruit d’une traque minutieuse, étalée sur sept années. Le 22 juillet, il a été placé sous mandat de dépôt, accusé d’une série de délits d’une extrême gravité : association de malfaiteurs, diffusion de données à caractère pédopornographique, chantage, extorsion, menaces, blanchiment d’argent, entre autres.

Un réseau numérique d’une efficacité glaçante

L’exploitation du matériel informatique saisi au domicile de Dioum a révélé l’ampleur vertigineuse de ses activités. Son MacBook Pro contenait plus de 9 000 fichiers structurés, dont un dossier intitulé « Paid not to publish » (payés pour ne pas publier), 407 sextapes identifiées dans le répertoire « Seneg », 4 191 médias répertoriés dans « Newgirls », une base ciblant de futures victimes et d’autres dossiers : « Film », « WhatsApp unknown », « Preuve ».

Ces données ont permis aux enquêteurs de confirmer l’existence d’un système de chantage sexuel organisé et lucratif, ayant généré plus de 93 millions de FCFA (environ 142 000 €). Une partie de ces revenus provenait de plateformes publicitaires comme Exoclick (~43 millions FCFA), l’autre de transferts directs de victimes, orchestrés par des complices identifiés.

Des saisies troublantes, une organisation méthodique

Les perquisitions menées à Dakar et dans plusieurs localités ont permis de saisir : 18 téléphones actifs, un modem portable, un brouilleur de signal, un vidéoprojecteur, des clés de voiture, de faux carnets de vaccination, et des documents administratifs falsifiés, des véhicules et des preuves liant Dioum à une entreprise de vente de voitures fictive et à un restaurant servant de façade. Tout indique l’existence d’un réseau transfrontalier structuré, usant de VPN, pseudonymes, et plateformes numériques monétisées.

Des milliers de vies brisées

Depuis 2018, plus de 5 000 plaintes ont été enregistrées. Les victimes, principalement des jeunes femmes, incluent des mineures, étudiantes, fonctionnaires, journalistes, ménagères et personnalités publiques. Les témoignages recueillis sont accablants : humiliations publiques, chantage sexuel, pressions financières, pertes de réputation, et troubles psychologiques sévères, allant jusqu’à des pensées suicidaires.

Mbathio Ndiaye : une victime emblématique brise le silence

Parmi les figures médiatiques touchées, Mbathio Ndiaye, célèbre danseuse et chanteuse sénégalaise, a décidé de se constituer partie civile. Elle accuse Kocc Barma de chantage sexuel et de diffusion de vidéos intimes, affirmant avoir refusé les avances et pressions malgré les menaces répétées. Son témoignage, relayé massivement, donne un visage au calvaire de milliers d’anonymes.

Poursuites en cours : vers une coopération internationale

L’enquête menée par la DSC se poursuit avec l’identification de deux complices, chargés de la collecte d’argent, des pistes menant à des partenaires ou hébergeurs à l’étranger et des réquisitions techniques et financières en cours, pour démanteler l’intégralité du réseau.

Le parquet envisage d’élargir l’enquête à l’international, en coopération avec Interpol et les fournisseurs d’accès numériques.

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