L’armée française perd l’une de ses dernières bases en Afrique

Le « camp Geille », situé au centre de Dakar, est occupé par les forces françaises depuis l’indépendance du Sénégal en 1960. 350 soldats y étaient encore stationnés.

Depuis 2022, Paris a sous la contrainte évacué la majorité de ses bases militaires d’Afrique, alors que les pays qui faisaient autrefois partie de l’ancien empire colonial français cherchent de nouveaux partenaires à l’international.

C’est un vestige de la colonisation qui disparaîssait jeudi 17 juillet. Lors d’une cérémonie très sobre, l’armée française a officiellement remis dans la matinée les clefs du « camp Geille » aux autorités de Dakar, situé au centre de la capitale, qu’elle occupait depuis l’indépendance du Sénégal en 1960 et où étaient encore stationnés 350 soldats.

« Cette rétrocession a une importante valeur symbolique, car Dakar était l’ancienne capitale de l’Afrique occidentale française et les dirigeants des deux pays ont longtemps entretenu des relations très intimes », note Pierre Jacquemot, ancien ambassadeur et membre de l’Observatoire de l’Afrique subsaharienne à la Fondation Jean Jaurès.

L’évacuation des bases militaires au Sénégal — qui a débuté en mars dernier — est une nouvelle étape du désengagement militaire français d’Afrique. Après une série de putsch au Sahel, les soldats français ont été obligés depuis 2022 de quitter le Mali, le Burkina Faso et le Niger, rapidement remplacés par les hommes de l’Africa Corps, une unité spéciale du ministère russe de la Défense.

Les militaires français ont aussi été priés de se retirer du Tchad en décembre dernier. Et fin février 2025, la France a rétrocédé à la Côte d’Ivoire le camp militaire du 43e bataillon d’infanterie de marine, situé à Abidjan, ne conservant plus sur le continent qu’une implantation à Djibouti et une autre au Gabon.

La France « se réorganise »

Le 6 janvier dernier, lors de son discours aux ambassadeurs, Emmanuel Macron voulait pourtant croire que « la France n’est pas en recul en Afrique », mais qu’elle « se réorganise ». Le président français avait à l’occasion créé la polémique, en expliquant que les dirigeants africains avaient « oublié de dire merci à la France » pour son appui militaire contre les djihadistes du Sahel.

Une petite phrase qu’était loin d’avoir appréciée le Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko, qui avait rétorqué quelques heures plus tard que la Paris avait « souvent contribué à déstabiliser certains pays africains comme la Libye, avec des conséquences désastreuses sur la stabilité et la sécurité du Sahel ».

Porté au pouvoir au printemps 2024, le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye avait annoncé quelques mois plus tôt la fin de toute présence militaire étrangère sur le sol national en 2025. Les autorités de Dakar expliquent cependant qu’il ne s’agit pas d’une « rupture » avec Paris et qu’il faut au contraire construire un « partenariat rénové » avec l’ancienne puissance coloniale.

« La nouvelle équipe arrivée au pouvoir au Sénégal il y a un an et demi, beaucoup plus jeune que les précédentes, porte un discours souverainiste de reconquête de son autonomie, qui est bien sûr incompatible avec le maintien de militaires étrangers », continue Pierre Jacquemot.

Les liens économiques entre le Sénégal et la France restent cependant importants. En visite à Dakar en mars dernier, le ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux Thani Mohamed-Soilihi expliquait que la France était le premier bailleur d’aide publique et le premier investisseur dans le pays, avec « 3,5 milliards d’euros dans 250 projets » en 2024.

De nouveaux acteurs

« À son corps défendant, la France est dans un processus de “banalisation” de ses relations avec un certain nombre de pays d’Afrique », souligne Caroline Roussy, directrice de recherche à Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS). « Les autorités de Dakar tentent depuis quelques années de nouer de partenariats avec d’autres pays étrangers, mais ces mouvements sont pour l’heure encore assez erratiques », ajoute-t-elle.

Le Premier ministre Sonko était à Pékin à la fin du mois de juin pour signer un « partenariat stratégique » avec la Chine, visant à dynamiser la coopération « dans le Sud global », selon le président Xi Jinping, alors que des investissements chinois dans l’énergie et les infrastructures numériques ont été évoqués.

La Chine était déjà le premier partenaire commercial du continent africain au premier semestre 2024, avec 151 milliards d’euros d’échanges et les autorités de Pékin avaient il y a tout juste un an promis un « soutien financier » de 45 milliards d’euros sur trois ans aux pays africains.

« Il est difficile de dresser une dynamique globale des relations de la France avec les pays africains, tant celles-ci dépendent d’enjeux politiques locaux », continue Roussy. « Mais il est certain que beaucoup ont l’impression d’avoir longtemps été les valets de Paris, sans en tirer les avantages qu’ils espéraient ». Il est donc « normal » que les pays du continent cherchent à « s’ouvrir à de nouveaux partenaires », conclut Pierre Jacquemot.