Le gouvernement autrichien a annoncé mercredi 28 octobre son intention de construire une barrière à la frontière avec la Slovénie. Il s’agit de mieux pouvoir contrôler le flux de migrants qui arrivent massivement par ce que l’on appelle « la route des Balkans ». En aucun cas, a précisé le gouvernement de Vienne, il ne s’agit pas de fermer la frontière.
Au poste-frontière de Sentilj, ils sont chaque jour des milliers de migrants à attendre de passer en Autriche. Sans cesse, des trains ou des convois d’autobus amènent de nouveaux réfugiés depuis le sud de la Slovénie, constate notre correspondant dans la région, Laurent Geslin. Beaucoup ne savent pas comment s’appelle le pays qu’ils s’apprêtent à quitter et demandent si le suivant est bien l’Autriche.
La plupart veulent aller en Allemagne et ne savent pas que Vienne menace à son tour de fermer ses frontières. Pour eux, la seule question est de savoir combien va durer leur interminable attente. Comme les capacités d’accueil de ses centres sont déjà saturées, l’Autriche ralentit la rotation des autobus qui viennent chercher les réfugiés. Ceux-ci attendent en longues files dans le no man’s land entre les deux pays, derrière des barrières métalliques dressées par la police autrichienne. Ils sont partis de Syrie il y a 10 jours ou deux semaines et savent qu’ils approchent du but. Mais une question les taraude : obtiendront-ils l’asile ?
L’annonce de la clôture à la frontière de l’Autriche suscite la polémique
Dépassée par cet afflux de migrants, l’Autriche a annoncé ce mercredi son intention de construire une barrière à la frontière avec la Slovénie, après avoir démenti depuis plusieurs jours des rumeurs en ce sens. Dans leurs déclarations, les dirigeants autrichiens évitent le terme de clôture, précise notre correspondant à Vienne, Christian Fillitz. Selon le chancelier Faymann, jusqu’ici partisan d’une politique libérale d’accueil à l’instar de l’Allemagne, une barrière a aussi une porte, et il faut réguler le flux de migrants. Pas question de fermer la frontière.
La ministre de l’Intérieur Johanna Mikl-Leitner, du parti conservateur, qui s’est rendue sur place mardi, réclame dans un quotidien allemand la construction d’une forteresse Europe. Ce mercredi soir, le chancelier social-démocrate Werner Faymann a parlé au téléphone avec le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker. Tous deux s’accordent à dire qu’il n’y a pas de place pour des clôtures en Europe.
L’Allemagne critique ouvertement l’Autriche
Cette annonce intervient alors que le ton monte entre Berlin et Vienne. Le ministre de l’Intérieur allemand Thomas de Maizière a critiqué ouvertement ses voisins, rapporte notre correspondant à Berlin, Pascal Thibaut. Il leur reproche de vouloir se débarrasser sans ménagement des nombreux réfugiés présents sur leur territoire. Thomas de Maizière reproche à l’Autriche de faire passer les migrants de nuit en Allemagne, sans l’en informer et sans que les réfugiés puissent se protéger des premières rigueurs de l’automne. Mardi 27 octobre, ils étaient plus de 7 000 à arriver en Bavière, la région frontalière de l’Autriche, sur les 9 000 recensés dans toute l’Allemagne.
Le ministre de l’Intérieur, plutôt connu pour son tempérament placide, a repris à son compte les attaques moins diplomatiques du ministre-président bavarois Horst Seehofer. L’allié d’Angela Merkel, qui dénonce quotidiennement la politique de la chancelière jugée trop laxiste, a qualifié le comportement des autorités autrichiennes « d’irresponsable et de scandaleux ». Des critiques que l’Autriche rejette. Berlin a annoncé mercredi que les contrôles à la frontière entre les deux pays en dérogation du Traité de libre circulation de Schengen seraient maintenus au-delà du 31 octobre.
■ Au Pays-Bas, le roi élève la voix
De notre bureau de Bruxelles,
L’arrivée en nombre de réfugiés en Europe touche avant tout les pays du nord-ouest du continent, destination de l’essentiel des candidats à l’exil. Pour l’année 2015, les Pays-Bas s’attendent à accueillir 60 000 réfugiés, soit cinq fois plus que la moyenne de ces dernières années. Cette perspective provoque un débat très vif dans un royaume où les partis populistes ont depuis quinze ans abusé du slogan « le pays est plein ».
On ne compte plus les incidents au mois d’octobre : menaces et intimidations envers des députés, réunions d’information qui tournent à la foire d’empoigne. Insultes, cris et énervements sont devenus les arguments des opposants et des partisans de l’accueil des réfugiés.
Le débat s’est tellement envenimé qu’à la suite d’une lettre ouverte des présidents de groupes politiques du Parlement, le roi Guillaume-Alexandre s’est lui-même insurgé contre la tournure des débats. « Aux Pays-Bas, on discute, on ne recourt pas aux menaces, à l’intimidation, à la violence. Je demande à tous de vous mettre autour de la table et d’arrêter de vous battre », a-t-il exigé. Même si les propos du roi doivent recevoir l’aval préalable du gouvernement batave, le roi Guillaume-Alexandre s’exprime assez rarement, ce qui ne donne que plus de poids à son appel à la raison.