Malgré des progrès salués, le Fonds monétaire international reste prudent face à la dette et aux tensions budgétaires du pays.
Le Fonds monétaire international (FMI) reconnaît les « progrès notables » réalisés par le Sénégal dans la gestion de ses finances publiques, mais juge ces avancées encore insuffisantes pour conclure un nouveau programme d’appui. C’est ce qui ressort de la mission conduite à Dakar par Edward Gemayel, chef de mission du FMI, à l’issue de laquelle aucune annonce formelle n’a été faite.
« L’équipe du FMI a eu des discussions constructives avec les autorités sénégalaises, franchissant des étapes importantes vers la mise en place d’un nouveau programme. (…) Nous nous réjouissons de poursuivre le dialogue dans les prochaines semaines », a indiqué M. Gemayel dans un communiqué publié le 6 novembre.
Une économie solide, mais sous forte contrainte budgétaire
Si le FMI salue la résilience et la solidité de l’économie sénégalaise, portée notamment par les perspectives énergétiques liées à la production pétrolière et gazière, il souligne aussi l’ampleur des déséquilibres budgétaires et de la dette publique, désormais estimée à près de 139 % du PIB.
Selon les projections, le déficit budgétaire atteindrait encore 7,8 % du PIB en 2025, avant de reculer à 5,4 % en 2026, des objectifs que le Fonds juge ambitieux, voire optimistes, au regard de la situation actuelle.
Cette prudence est renforcée par les fortes pressions sociales et les attentes populaires liées au nouveau pouvoir, qui limitent les marges de manœuvre du gouvernement pour réduire les dépenses publiques.
Un budget 2026 sous tension : entre remboursement et nouveaux emprunts
Le projet de loi de finances 2026, actuellement en examen à l’Assemblée nationale, illustre les tensions budgétaires auxquelles l’État fait face.
L’exécutif prévoit de rembourser ou d’apurer 4 600 milliards de francs CFA (près de 7 milliards d’euros) de dettes en principal et arriérés, auxquels s’ajoutent 1 190 milliards de francs CFA (1,8 milliard d’euros) d’intérêts et de commissions.
Pour y parvenir, le Trésor public envisage de recourir à 1 767 milliards de francs CFA (2,7 milliards d’euros) de nouveaux emprunts, tout en procédant à un roulement de dette afin d’éviter tout défaut de paiement et de maintenir la confiance des marchés.
Mais sans l’appui du FMI, le Sénégal devra probablement se financer à des taux d’intérêt élevés, entre 6 et 7 %, ce qui alourdira davantage le service de la dette.
Des créanciers attentifs et un risque de fragilisation de la confiance
Cette situation est suivie de près par les principaux créanciers et investisseurs du pays.
La Standard Chartered Bank attend le remboursement de 253 milliards de francs CFA (384 millions d’euros), tandis que les détenteurs d’eurobonds devraient percevoir 356 milliards de francs CFA (540 millions d’euros).
Des institutions africaines comme Afreximbank ou Africa Finance Corporation sont également exposées, leur propre stabilité dépendant de la bonne santé des États emprunteurs.
Un éventuel retard dans la conclusion d’un accord avec le FMI pourrait donc fragiliser la perception du risque souverain sénégalais et accroître la pression sur les marchés financiers.
Entre mobilisation fiscale et croissance préserver
Pour assainir ses comptes, le gouvernement mise sur une hausse de la mobilisation fiscale, avec 1 025 milliards de francs CFA de recettes supplémentaires attendues en 2026. Ces ressources proviendraient notamment de nouvelles taxes sur les transferts d’argent, les jeux de hasard et certaines transactions foncières ou d’importation, ainsi que de la réduction des exonérations fiscales jugées excessives.
Mais cette stratégie comporte un risque économique : une fiscalité trop lourde pourrait ralentir l’investissement privé, déjà freiné par un accès limité au crédit, et affecter la croissance nécessaire pour réduire la dette à moyen terme.
Analyse : une attente stratégique, entre discipline et crédibilité
Le retard dans la conclusion d’un nouveau programme avec le FMI ne traduit pas un désaccord de fond, mais plutôt une phase d’observation mutuelle.
Le FMI veut s’assurer de la crédibilité budgétaire du gouvernement et de sa capacité à exécuter les réformes, tandis que le Sénégal cherche à négocier un cadre moins contraignant pour préserver ses marges de politique économique.
Dans ce contexte, la patience et la discipline budgétaire seront cruciales pour rassurer les marchés et éviter une dégradation de la note souveraine.
Pour le président Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre Ousmane Sonko, l’enjeu est double : redresser les comptes publics sans compromettre les promesses sociales qui ont porté leur victoire.