En jugeant dans l’avion qui le ramenait du Mexique, mercredi 18 février « qu’une personne qui veut construire des murs et non des ponts n’est pas chrétienne », le pape François a provoqué une tempête politique aux États-Unis. Car même s’il ne l’a pas cité nommément, l’allusion au favori de la campagne pour l’investiture républicaine, Donald Trump, était évidente. M. Trump consacre une partie importante de ses discours de campagne au « mur » qu’il souhaite ériger sur la frontière avec le Mexique, qu’il se fait fort de financer par les autorités mexicaines.
La réaction du magnat de l’immobilier, souvent tourné en ironie par ses rivaux républicains les plus conservateurs à propos d’un regain de religiosité qui coïncide avec la campagne des primaires, a été immédiate. « Qu’un responsable religieux mette en doute la foi d’une personne est honteux », a-t-il protesté dans un communiqué, « je suis fier d’être chrétien et en tant que président je ne permettrai pas que la chrétienté soit constamment attaquée et affaiblie ». M. Trump avait déjà estimé que « le pape est quelqu’un de très politique » et qu’« il ne comprend pas les problèmes de notre pays ». « Je ne suis pas sûr qu’il mesure le danger que représente [pour les États-Unis] cette frontière ouverte avec le Mexique ».
Soutenu par MM. Rubio et Cruz
À quelques jours de la primaire républicaine en Caroline du Sud, le 20 février, où il fait figure de grand favori, M. Trump a reçu le soutien de deux candidats catholiques. Le sénateur de Floride Marco Rubio en marge d’une réunion publique à Anderson (Caroline du Sud) a assuré qu’il n’existait pas de pays qui exprimait autant de compassion vis-à-vis des immigrés que les États-Unis. « Nous acceptons légalement un million de personnes par an, pas le Mexique, aucun autre pays le fait », a-t-il ajouté avant d’assurer que les États-Unis contrôlaient leurs frontières « comme le fait le Vatican, qui contrôle qui entre, quand et comment » sur son territoire.
De son côté, Jeb Bush, qui attaque régulièrement M. Trump, a jugé que la question de sa religiosité relevait de la relation « entre lui et le Créateur ». Le neurochirurgien à la retraite Ben Carson, interrogé à Greenville, a suggéré « qu’on montre au pape une photo des murs qui entourent le Vatican ». Interrogé avant une réunion politique à Easley, également en Caroline du Sud, le sénateur du Texas Ted Cruz, à couteaux tirés avec M. Trump a refusé de se mêler d’un « différend qui ne les concerne que tous les deux ».
Le porte-parole de la Maison Blanche, Josh Earnest, en a fait de même en indiquant que le président souhaitait témoigner d’« une courtoisie » dont M. Trump n’a pas été capable selon lui à l’endroit de M. Obama s’agissant de convictions religieuses qui relèvent de la sphère privée. Le magnat de l’immobilier relaie régulièrement les rumeurs colportées sur le fait que le président des États-Unis, de confession chrétienne, serait musulman.
En septembre 2015, à l’occasion de sa visite aux États-Unis, le pape François avait longuement plaidé devant les élus du Congrès rassemblés en session extraordinaire en faveur d’un accueil digne des immigrés, précisant qu’il était lui-même « un fils d’immigrés ». « Traitons les autres avec la même passion et compassion avec lesquelles nous voulons être traités », avait-il demandé aux élus des deux chambres que contrôle le Parti républicain.
Gilles Paris (Greenville (Caroline du Sud), envoyé spécial Lemonde)