Les accords de pêche signés entre l’Etat du Sénégal et l’Union Européenne continuent de faire couler beaucoup de salives. En cédant une bonne partie de ses eaux pour une bagatelle d’environ 9 milliards de FCFA, le Sénégal a-t-il fait un bon choix?
14 000 tonnes de thon par an dans les eaux sénégalaises. C’est ce que l’Union Européenne peut désormais tirer, après avoir signé un accord avec l’Etat du Sénégal. Un gros pactole pour le Trésor Public certes. Puisque sur cinq ans, le Sénégal va encaisser 9 137 481 010 FCFA. Mais est ce suffisant pour ouvrir les eaux sénégalaises? En tout cas, depuis 2006, le gouvernement du Sénégal avait suspendu 29 autorisations de pêche, estimant que les contrats étaient en défaveur du Sénégal. Selon notre confrère, M. Mamadou Sy Tounkara, ces types d’accords ne sont jamais signés par un pays qui veut être émergent dans ce monde moderne de compétition et de sophistication. «Ce sont des accords du passé: nous donnons ce que nous avons de meilleur chez nous, à l’état brut de matières premières non transformées, et nous recevons de toutes petites compensations financières. Nous devrions nous placer dans un ordre totalement nouveau, en phase avec nos aspirations de développement. Des accords de pêche en notre faveur devraient prendre en compte trois dimensions: l’emploi, des technologies dont nous bénéficions et l’optimisation de nos ressources. Toutes ces dimensions sont absentes de ces accords », a-t-il fustigé dans une note adressée au Chef de l’Etat.
Regroupant les armateurs et industriels de la pêche, le GAIPES dit n’avoir jamais été impliqué dans un tel dossier. Selon sa vice-présidente, c’est une première au Sénégal. «Aucun professionnel de la pêche industrielle, ni artisanale n’a été associé. L’Etat a signé ces accords en Catimini alors que nous avions commencé depuis des années une mise en place progressive de plans de gestion des ressources halieutiques», dénonce Mme Fatou Niang. Et même si les accords sont déjà signés, les acteurs nationaux comptent se battre contre ce qu’ils considèrent comme un bradage des ressources halieutiques. « Nous n’accepterons pas que nos ressources halieutiques soient bradées par le nouveau régime. Nous ne cernons pas jusque-là les raisons d’une telle démarche, mais notre devoir est de préserver l’intérêt collectif. Le GAIPES est déterminé à empêcher un bradage des ressources halieutiques du Sénégal, surtout que le ministre de la Pêche vogue, à contre-courant des principes de transparence et de gestion vertueuse. C’est une première. Depuis 35 ans que j’évolue dans ce secteur, c’est la première fois qu’un accord de pêche est signé, à l’insu des professionnels du secteur. Les industriels, de même que les artisanaux, n’ont été mêlés ni de près ni de loin à ces négociations », s’est désolé le SG du GAIPES, M Goutoubougui Coulibaly.
L’accusé plaide non-coupable
Mis à l’index par quasiment tous les acteurs, le ministre de la Pêche et de l’Economie maritime, estime être conscient de l’intérêt de ces accords. Selon M. Ali El Haïdar, en signant cet accord, l’Etat du Sénégal n’a fait que régulariser une situation anormale. Parce que, dit-il, «l’Union européenne, depuis 2006, pêche gratuitement dans nos eaux, et ils ont sauté cet accord. Je n’ai fait que régulariser une situation anormale. Pourquoi l’ONG Greenpeace ne s’est-elle pas révoltée à l’époque où les bateaux de l’Union européenne pêchaient gratuitement dans nos eaux ?. Voilà que je prends une compense financière pour régulariser cet accord pour lequel l’Institut international de conservation de la ressource thonière (ICAT) m’autorise à pêcher 50 mille tonnes de thon. Je signe un accord pour 14 mille tonnes de thon et ils ruent dans les brancards », fait remarquer le ministre de la Pêche.
Toujours dans sa plaidoirie, M. Ali Haïdar estime avoir voulu mettre un terme à une pratique qui était là. Avant de révéler qu’il existait un protocole thonier signé en 2006 et qui permettait à des bateaux de l’UE de débarquer 15 mille tonnes de poissons par an, et cela, dans le plus grand secret.
Accusé d’avoir pris cette décision sans concertation avec les acteurs nationaux, le Ministre confie que pour la première fois dans l’histoire de ces accords, le commissaire au développement est d’accord pour accompagner le Sénégal dans 4 volets qu’il considère comme des priorités. «L’UE va dégager un budget de 50 millions d’euros pour soutenir le Sénégal dans le secteur de la pêche. Il y a la surveillance de la pêche industrielle, un fonds pour la restauration des écosystèmes dégradés des juvéniles (petits poissons) et un fonds social de calamités pour assurer les pêcheurs », plaide-t-il.
Quoi qu’il en soit, si la Pêche va bien, c’est toute l’économie sénégalaise qui en profite. Pour cause, malgré la rareté des ressources, le secteur de la pêche se porte bien. Les statistiques révèlent que 400.000 tonnes de poissons ont été débarquées en 2012 sur les côtes sénégalaises, pour un montant de 300 milliards FCFA. Mieux, elle représente à elle seule, 12,3% des recettes d’exportations et constitue 1,8% du produit intérieur brut (PIB).
AMED NDIAYE, wabitimrew.net