Les migrations, un pilier de l’identité sénégalaise, selon le chercheur Hamidou Dia

Les migrations constituent une dimension fondamentale de l’identité du Sénégal. C’est le constat dressé par Dr Hamidou Dia, chercheur titulaire à l’Institut de recherche pour le développement (IRD) en France, spécialiste des migrations et des questions éducatives.

Selon lui, le rapport des Sénégalais à la migration s’inscrit dans une longue histoire de mobilités, aussi bien à l’intérieur du pays qu’au-delà de ses frontières. « On se déplace depuis toujours au sein de cet espace et vers l’extérieur. Les migrations internes sont particulièrement intenses, notamment vers les villes à fort dynamisme économique », explique-t-il.

Des mobilités internes marquées vers les pôles urbains

À l’échelle nationale, Dakar demeure la principale destination des migrants internes, aux côtés de plusieurs capitales régionales, notamment dans l’Ouest et le Centre du pays. Ces déplacements répondent à des motivations diverses : économiques, familiales, académiques, politiques, sanitaires, religieuses, sportives, environnementales ou professionnelles. Toutefois, Dr Dia souligne que les migrations contemporaines sont aujourd’hui fortement dominées par des logiques économiques.

Une hiérarchie des destinations migratoires

Contrairement aux idées reçues, la majorité des migrations sénégalaises s’effectue à l’intérieur du continent africain. Néanmoins, les choix de destination varient selon les opportunités perçues. « Il existe une hiérarchie des destinations dans les projets migratoires. L’Europe et l’Amérique du Nord occupent une place centrale dans les représentations, en raison des perspectives d’emploi, du niveau de richesse et des systèmes de protection sociale », analyse le chercheur.

Au-delà des considérations économiques, la migration porte également une dimension symbolique et sociale. Elle est souvent perçue comme un moyen d’accomplissement personnel, susceptible de générer reconnaissance et utilité sociale au bénéfice de la famille, de la communauté d’origine et, plus largement, du pays.

Une migration devenue “solution extrême” pour certains jeunes

Dr Dia alerte toutefois sur une évolution préoccupante : pour de nombreux jeunes, la migration est devenue une « solution extrême ». Certains n’hésitent pas à risquer leur vie en empruntant des routes maritimes ou terrestres périlleuses, s’exposant aux dangers des réseaux criminels et aux tragédies humaines.

Des diasporas plurielles et organisées

Le chercheur privilégie l’usage du terme « diasporas » au pluriel, afin de refléter leur diversité. Ces diasporas prennent la forme de regroupements ou d’associations créées par des Sénégalais et leurs descendants établis dans différents pays et continents. Elles entretiennent des liens multiples avec le Sénégal : familiaux, économiques, culturels, religieux, sportifs, touristiques, voire diplomatiques.

Ces organisations peuvent être structurées autour de critères variés : nationaux, régionaux, départementaux, communaux, villageois, communautaires, confessionnels ou professionnels.

Le retour au pays, entre contrainte et choix réfléchi

Dr Hamidou Dia observe par ailleurs une tendance au retour de Sénégalais diplômés qui s’orientent vers l’entrepreneuriat privé. Ces retours peuvent être « contraints », notamment lorsque le séjour à l’étranger est limité par la durée des études, mais ils sont aussi de plus en plus le fruit de choix mûrement réfléchis.

« Certains ont la possibilité de rester à l’étranger, parce qu’ils y ont trouvé un emploi ou fondé une famille, mais choisissent néanmoins de revenir pour s’investir au Sénégal, en mobilisant leurs compétences, leurs réseaux, leurs ressources ou leur réputation professionnelle », explique-t-il.

Les recherches montrent que ces retours ne se font généralement pas de manière improvisée. Ils sont souvent préparés au sein de familles disposant de leviers solides dans le développement ou l’entrepreneuriat. « Ce sont des retours assurés, armés », conclut le chercheur.