Créée en 2016 par la journaliste Cécile Allegra, l’association LIMBO organise des stages destinés aux migrants qui souffrent de stress post-traumatique après les atrocités vécues sur la route de l’exil.
Par Julia Dumont
Pour la journaliste et documentariste Cécile Allegra, le terme « migrants » ne veut rien dire. Prix Albert Londres en 2015 avec Delphine Deloget pour le documentaire « Voyage en barbarie » sur les camps de torture du Sinaï, elle préfère appeler les personnes passées par la Libye lors de leur exil des « survivants de camps ».
C’est pour leur venir en aide qu’elle a créé en 2016 l’association LIMBO, baptisée ainsi en référence aux limbes, cet entre-deux dans lequel se retrouve plongé l’humain lorsqu’il s’est trouvé confronté à sa propre mort, comme lors de coma par exemple.
Avec une quinzaine de bénévoles et grâce à des dons de particuliers et de fondations, l’association organise plusieurs fois par an des stages pour permettre aux jeunes migrants (avec ou sans statut de réfugié), victimes de torture, d’entamer leur reconstruction et leur résilience. Une nécessité absolue pour Cécile Allegra qui estime que la France ne reconnaît pas le niveau de souffrances de ces personnes.
« Ces jeunes ne sont pas nourris donc quand ils sortent des camps, ce sont des gens cadavériques, qui portent des traces de torture sauvage […] Quand on les récupère au bout du chemin, en France, ils sont ‘en bouillie’ », détaille Jean-Paul Mari, journaliste spécialiste de la migration et responsable de la communication de LIMBO.
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Sans encadrement et incapables de surmonter seuls le traumatisme, certains des jeunes migrants arrivés en Europe tentent de mettre fin à leur jour ou peuvent devenir violents. « Il faut qu’on les aide car ces gens sont chez nous maintenant. Nous avons des milliers et sans doute des dizaines de milliers de jeunes qui ont brûlé toute leur énergie pour venir ici mais qui n’arrivent pas à s’intégrer à cause de ce qu’ils ont vécu », poursuit le journaliste.
« Si une femme est passée par la Libye, on sait ce qu’elle a enduré »
Organisés dans le village de Conques, dans l’Aveyron, ces stages accueillent une douzaine de personnes avec l’objectif qu’elles reprennent des forces et rompent leur solitude. « Lorsqu’ils sont en CADA (Centre d’accueil de demandeurs d’asile), il y a beaucoup de choses qui inversent le cycle des journées. Beaucoup souffrent également d’insomnies, ce qui peut mener à des hallucinations », détaille Cécile Allegra.
Grâce à de l’art thérapie, de l’expression corporelle et des sorties collectives, les jeunes, hébergés par la communauté des Frères Prémontrés de Conques, se libèrent petit à petit de leurs souffrances. Le stage est également pour eux l’occasion de se réhabituer à une vie sociale grâce aux habitants de Conques qui les invitent bien volontiers à partager un café ou un repas, raconte la journaliste.
Pendant la durée du stage, les bénévoles mettent un point d’honneur à ne pas rappeler aux participants les épreuves par lesquelles ils sont passés. « Nous connaissons assez le sujet pour savoir, si on nous dit qu’une femme est passée par la Libye par exemple, ce qu’elle a enduré, explique Cécile Allegra. Nous essayons plutôt de les aider à se projeter dans l’avenir. Ils sont très en demande de ça ».
Aujourd’hui LIMBO tente de récolter suffisamment de fonds pour financer de nouveaux stages et travaille avec le BAAM et l’association Singa à un projet d’accueil des jeunes migrants dans des familles d’accueil pour prolonger les bénéfices des stages de Conques.
Si vous avez été détenu dans un camp de torture sur la route de l’exil et que vous souhaitez participer à un stage de LIMBO vous pouvez envoyer un mail à limbo.association@gmail.com