Au terme de longues négociations qui ont duré toute la nuit, l’Union européenne a adopté un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre relevé pour 2030, passant de 40 à 55 %. C’était un impératif à la veille du cinquième anniversaire de l’Accord de Paris et d’un sommet au cours duquel les États les plus ambitieux annonceront leurs nouveaux objectifs climatiques. Après la Chine, le Japon ou encore le Canada, les Européens se devaient eux aussi de montrer l’exemple.
Les discussions auront duré toute la nuit, bloquées par la Pologne qui demandait plus de garanties. Mais l’Union européenne y est parvenue. À la veille du cinquième anniversaire de l’Accord de Paris, les États membres se sont finalement accordés sur un objectif climatique plus ambitieux. Ils visent désormais une réduction des émissions de gaz à effet de serre d' »au moins 55% » d’ici 2030 par rapport au niveau de 1990, contre un objectif de 40 % auparavant, afin d’arriver à la neutralité carbone visée pour 2050. « Nous allons pouvoir exprimer devant les Nations Unies demain [à l’occasion d’un sommet international sur l’ambition climatique, ndr] l’unité, la cohérence et la confiance de l’UE dans l’ambition climatique » a déclaré Charles Michel, le président du Conseil européen.
Sur le fond, l’engagement de -55 % pris par l’Union européenne est exprimé en valeur nette. Cela signifie que les puits de carbone naturels, comme les forêts ou les sols, sont inclus dans le calcul des émissions. En réalité, la baisse en valeur absolue est donc plutôt comprise entre 50 et 52 %. Or, sur la base des mesures et des objectifs climatiques existants, l’UE est déjà sur les rails d’une réduction de ses émissions de 46 % en 2030. Pour les ONG, c’est loin d’être suffisant. Elles réclamaient d’aller jusqu’à -65 %.
La déception des ONG
« Malgré de belles paroles, les chefs d’Etat n’ont pas eu le courage de prendre des engagements qui bousculeraient les industries polluantes et entraîneraient une révision complète de notre modèle de production. Ils préfèrent s’accorder sur des objectifs en trompe-l’œil, au détriment des plus vulnérables, qui payent aujourd’hui très cher les démissions qui s’accumulent sur le front climatique”, a réagi Clément Sénéchal, chargé de campagne climat à Greenpeace France.
Les ONG pointent également du doigt la position de la France et de plusieurs pays d’Europe centrale et de l’Est pour inclure du langage favorable au gaz et potentiellement au nucléaire comme « énergies de transition« , ouvrant la voie à leur financement. Pour l’instant, l’UE a convenu lors de trilogues que les énergies fossiles, y compris le gaz, ne pourraient être financés par le Fonds pour une transition juste (17,5 milliards d’euros). En outre, le Fonds européen de développement régional (FEDER) limitera ses investissements dans les fossiles à 1 % du financement total avec des conditions strictes.
« Etre dans la locomotive »
Le vote de cette nuit reste toutefois très important d’un point de vue diplomatique. Face aux Etats-Unis et à la Chine, « l »UE ne pouvait pas se rater sur le climat après avoir été chef de file pendant douze ans« , observe ainsi une source européenne. « L’Union européenne jouait là son leadership, à la veille d’une année 2021 chargée sur les négociations internationales climatiques. Elle se devait d’être dans la locomotive et ne pas se raccrocher simplement aux wagons » explique Lucie Mattera, cheffe des politiques européennes du E3G.
« Il faut avoir en tête qu’il y a un an, un consensus européen sur l’objectif de -55 % était inimaginable. Cet élan est vraiment nouveau » analyse Neil Makaroff, du Réseau Action Climat France. « Il y a des désaccords sur la rapidité de la transition mais pas de divisions. Sur la question du charbon, beaucoup de pays vont fermer leurs centrales et la Pologne a adopté un accord pour fermer toutes les mines en 2049, c’est une petite révolution à leur échelle. La neutralité climatique en 2050 c’est comme un marathon, certains veulent aller vite dès le départ, d’autres ménagent leurs efforts, mais l’objectif reste le même » complète Thomas Pellerin-Carlin, de l’Institut Jacques Delors.