Le vice-président de la Banque mondiale pour l’Afrique, Makhtar Diop, était l’invité de la deuxième édition des Débats du Monde Afrique « Les femmes, avenir du continent africain ». Pour cet économiste sénégalais, il est crucial de créer les conditions nécessaires pour attirer les investisseurs privés dans les secteurs de l’énergie et de l’agriculture.
Comment l’Afrique subsaharienne résiste-t-elle à la chute des cours des matières premières ?
Le boum économique est derrière nous. L’euphorie que certains ont pu connaître doit laisser place au réalisme et à l’anticipation. La croissance de l’Afrique subsaharienne a ralenti à 3,4 % en 2015, contre 4,6 % l’année précédente. Même si on espère un rebond à 4,2 % en 2017, les Etats africains doivent réagir, réformer des pans de leurs économies parfois, et renforcer leur capacité d’adaptation à ce nouvel environnement économique marqué par une baisse durable des cours du pétrole.
A cela s’ajoute la situation économique et financière de la Chine, principal partenaire commercial de l’Afrique subsaharienne. Ce qui a impacté les investissements et les échanges commerciaux.
Mais pour moi ce nouvel environnement offre des opportunités. Car ce contexte devrait accélérer les transformations structurelles et la diversification des économies. Il n’est plus possible pour les Etats africains de continuer à importer la majorité de sa consommation de produits alimentaires alors qu’il dispose d’un vrai potentiel agricole souvent négligé.
Quelles solutions proposez-vous aux Etats ?
Cette année, mes deux priorités sont l’agriculture et l’électricité. L’accès à l’énergie est une chose, mais c’est surtout sur le coût de cette énergie, encore très élevé, sur lequel il faut agir.
Pour ce faire, je souhaite inciter et accompagner les Etats dans une réforme des compagnies de distribution d’électricité. La plupart de ces sociétés publiques se trouvent dans des situations financières très mauvaises, ce qui est une entrave à l’électrification du continent. Ces réformes doivent prendre en compte l’entrée d’acteurs privés sur ce secteur longtemps réservé au public.
On le voit bien dans l’agriculture. Certains pays ont accéléré leur réforme foncière comme le Sénégal. Quant à la République démocratique du Congo, elle a attiré des acteurs privés sud-africains pour investir dans le secteur agricole. Selon les autorités de Kinshasa, un investissement dans le secteur de l’agro-industrie a permis de réduire de moitié le prix d’un sac de maïs.
image: http://s2.lemde.fr/image/2016/02/25/768×0/4871229_7_49bd_une-fermiere-congolaise-a-kiwanja-en_af6b44aacb7f921d551f9859ae2687c9.jpg
Une fermière congolaise, à Kiwanja, en République démocratique du Congo. Crédits : JUNIOR D. KANNAH/AFP
Ce sont finalement les mêmes priorités définies par le nigérian Akinwumi Adesina, président de la Banque africaine de développement ?
Akinwumi Adesina est un bon ami. On ne s’est pas coordonné mais il est vrai que nous sommes arrivés au même constat. Il me semble important que les Etats africains orientent leurs efforts sur ces activités transversales qui impacteront mécaniquement le bien-être des ménages, permettront une relance de l’industrie et de la transformation de la richesse sur place.
Je veux profiter du fait que de plus en plus de pays nous demandent des appuis budgétaires à cause de la baisse des recettes provoquée par la chute du cours des hydrocarbures. On ne va pas forcément réduire nos soutiens mais on va faire en sorte qu’ils servent ces priorités et soient utilisés pour renforcer ces secteurs et amorcer ces réformes structurelles.
www.lemonde.fr