Le 1er décembre 1944, à Thiaroye, près de Dakar, l’armée Française ouvrait le feu sur des tirailleurs sénégalais rapatriés au pays. Leur crime ? Avoir réclamé leurs soldes. Ces « incidents » furent longtemps occultés et les archives restent parcellaires. Récit.
« N’a pas droit à la mention ‘Mort pour la France' ». L’inscription, écrite dans un coin du dossier de décès de Mbap Senghor, tirailleur sénégalais, numéro de matricule 32.124, est terrible. Tout comme, le tampon « Terminé » qui rappelle que la France ne voulait surtout plus en entendre parler du soldat Mbap Senghor et de sa mort encombrante. Une mort qui se limite à ces quelques mentions laconiques dans son dossier : « Décédé : à Thiaroye », « genre de mort : tué ».
Le dossier de décès de Mbap Senghor, tirailleur sénégalais qui a combattu pour la France et fut abattu à Thiaroye par l’armée française, le 1er décembre 1944. (DR)
C’était le 1er décembre 1944 – il y a 74 ans jour pour jour –, mais sa famille n’a été officiellement avisée qu’en 1953. Mbap Senghor est mort lors des « incidents de Thiaroye » : c’est ainsi qu’on dénomme, pudiquement, au ministère des Armées ce massacre de tirailleurs, qui, démobilisés, réclamaient leurs soldes. Et qu’on a « maté » à la manière forte. L’armée française a ouvert le feu sur eux. Eux qui, pourtant, avaient combattu pour la France. A peu près toute leur vie, comme le montre la fiche d’état signalétique de Mbap Senghor.