En Mauritanie, la chambre correctionnelle du tribunal de Nouakchott a condamné, jeudi 14 juillet, un journaliste à trois ans de prison ferme. Cheikh Baye Ould Mohammed avait lancé, le 30 juin, sa chaussure sur le porte-parole du gouvernement mauritanien à l’occasion de la conférence de presse hebdomadaire de ce dernier. Joint par RFI, Maître Brahim Ould Ebetty, qui dirige le collectif des avocats de l’accusé, craint que le magistrat parte en vacances sans rédiger son jugement.
Cheikh Baye Ould Mohammed est animateur d’un site d’informations qui a pour nom Meyadine (« domaines » en langue arabe). Les faits qui lui sont reprochés datent du 30 juin. Ce jour-là, il participait à une conférence de presse hebdomadaire du porte-parole du gouvernement, Mohamed Lemine Ould Cheikh.
Il lui a alors lancé sa chaussure, sans l’atteindre, le qualifiant de « ministre du mensonge ». Placé en garde à vue, il a été inculpé pour « outrage et violence contre une autorité publique durant l’exercice de ses fonctions », et écroué le 11 juillet. Il a ensuite été jugé jeudi et condamné à trois ans de prison ferme par un tribunal mauritanien.
La défense a aussitôt fait savoir qu’elle ferait immédiatement appel contre cette décision, qu’elle juge « insensée ». Maître Brahim Ould Ebetty, qui dirige le collectif des avocats de l’accusé, explique que pour contester le jugement, encore faut-il que celui-ci soit rédigé par le magistrat.
« La défense a plaidé qu’il s’agit d’un acte qui n’avait aucune intention coupable, qu’il n’y avait aucune volonté d’atteindre le ministre, d’autant plus que la chaussure ne l’a même pas touché. Ce que nous craignons, nous avocats de la défense de ce jeune homme, c’est que ce magistrat ne rédige pas son jugement avant son départ en vacances ! », a-t-il déclaré, avant d’ajouter qu’il avait demandé une audience au juge, samedi matin, et qu’il était allé le voir pour précisément lui demander de rédiger son jugement.
« Je lui ai dit : » Monsieur le juge, vous partez ce jour en congés de 45 jours et pour que nous puissions contester votre jugement devant la cour d’appel, nous avons besoin de votre jugement rédigé. » Il m’a regardé et m’a dit : » Non, je ne peux pas le rédiger » », a spécifié Me Ould Ebetty, avant d’ajouter que si le magistrat ne rédigeait pas son jugement, le collectif des avocats de l’accusé évoquerait la situation devant le président de la cour d’appel.
« Devant le président de la cour d’appel, nous lui demanderons de considérer cette circonstance particulière et de considérer que le magistrat est allé jusqu’au maximum de la peine et qu’il n’y a aucune circonstance aggravante pour ce jeune homme », a affirmé Me Ould Ebetty.
Ce lancer de chaussure renvoie à d’autres événements semblables, et notamment celui d’un journaliste irakien qui, en 2008, avait visé avec sa chaussure le président américain d’alors, George W. Bush (qui l’avait évitée) lors d’une conférence de presse, à Bagdad.