Ce mercredi 24 novembre, 31 migrants sont morts dans le naufrage de leur embarcation dans la Manche. C’est la plus grave catastrophe de ce type, depuis que les traversées de migrants se sont généralisées en 2018. Gérard Barron, président de la station SNSM de Boulogne-sur-Mer, réagit après ce drame.
Une embarcation transportant des migrants a fait naufrage dans la Manche au large de Calais, ce mercredi 24 novembre 2021. Selon le ministère de l’Intérieur, 31 personnes sont décédées. C’est la plus grave catastrophe depuis le début de la crise migratoire et des traversées de migrants dans le détroit du Pas-de-Calais.
Gérard Barron, président de la SNSM (Société nationale de sauvetage en mer) de Boulogne-sur-Mer, a réagi une heure après avoir appris ce drame qu’il redoutait de longue date.
De quelles informations disposez-vous actuellement sur ce drame ?
D’après les premiers éléments dont j’ai eu écho, le canot SNSM de Calais a d’abord repêché six cadavres, mais plusieurs sources font état de plus de 20 morts. C’est un pêcheur qui a donné l’alerte en début d’après-midi. Il aurait aperçu plusieurs personnes flottantes, probablement des cadavres. Il a pu donner la position exacte au CROSS (Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage), et trois ou quatre bateaux de sauvetage se sont rendus sur place. Ce qui laisse supposer que les migrants n’ont pas eu le temps de donner l’alerte eux-mêmes.
Comment un tel drame a pu se produire ?
C’est la catastrophe que nous craignions depuis le début de la crise migratoire. Les migrants prennent désormais la mer sur des embarcations gonflables que nous appelons IRB. Ce sont des boudins flottants, conçus pour le transport au maximum de dix personnes, mais qui sont systématiquement surchargés. Ils transportent souvent trente ou quarante migrants. Notre record, lors d’une intervention il y a trois semaines, était de 53 ! À bord, les migrants sont entassés dans tous les sens, les pieds dans l’eau et dans le carburant. Ce sont des conditions inimaginables. Souvent, seules les femmes et les enfants ont des gilets de sauvetage. Et ces bateaux n’ont pas de feux de navigation, ni de récepteur radar.
Quelles sont les conditions de mer aujourd’hui ?
Aujourd’hui, c’est calme plat, le vent est faible et il y a peu de vagues. Mais on ne voit pas grand-chose, il y a eu de la brume toute la journée, ce qui augmente les risques de collision avec les navires dans le détroit. Et surtout, vu que les bateaux utilisés par les migrants ne sont pas du tout adaptés et sont surchargés, il peut suffire d’une vague pour les déstabiliser et les faire couler. Ils n’ont pas de rigidité latérale, donc les passeurs assemblent des planches au fond pour les stabiliser. Mais lorsqu’ils franchissent une vague, les planches peuvent se déboîter et le bateau se casse en deux.
Pourquoi les risques de naufrages sont plus élevés en hiver ?
Parce que la mer est plus formée, que le vent se lève plus rapidement et que l’eau est plus froide. Actuellement, la température de la mer est de 7 à 8 degrés. Si vous tombez à l’eau et que vous n’avez pas une très bonne condition physique, vous tenez vingt minutes.
Craignez-vous que ce type de drame se reproduise, vu la multiplication des traversées de migrants dans le détroit ?
Évidemment, cela fait longtemps qu’on le redoute. On n’a jamais connu une telle situation. La station SNSM de Boulogne existe depuis 200 ans et elle avait sauvé 5 000 personnes au total. Depuis que les migrants traversent la Manche, fin 2018, nous avons secouru 1 500 personnes. C’est totalement inédit.Mort de 31 migrants dans la Manche : « On redoutait cette catastrophe », réagit un sauveteur en mer.