Ouverture à Paris du procès de Lamine Diack, ex-patron de l’athlétisme

Le procès de l’ancien patron sénégalais de l’IAAF et 5 autres prévenus s’est ouvert ce lundi matin devant le tribunal correctionnel de Paris. Lamine Diack est poursuivi pour corruption, abus de confiance et blanchiment en bande organisée, notamment pour son implication présumée dans un système de corruption destiné à protéger des athlètes russes dopés. Cinq autres personnes sont mises en cause dans ce dossier en plusieurs volets, dont son fils Papa Massata Diack, ex-conseiller marketing de l’IAAF.PUBLICITÉ

RFI

En ce premier jour, le tribunal a longuement entendu Gabriel Dollé, ancien responsable du service médical et anti-dopage de l’IAAF, poursuivi pour corruption passive.

À la barre, Garbiel Dollé raconte que c’est Lamine Diack qui l’a sollicité, fin 2011, pour retarder les procédures de sanctions contre des athlètes russes soupçonnés de dopage.

Lamine Diack lui avait expliqué qu’alors que les comptes de la fédération étaient dans le rouge, obtenir des sponsors russes, notamment pour les JO de 2012, était crucial. Cet objectif était effectivment menacé par le scandale qu’entrainerait, pour la Russie, l’officialisation d’une vingtaine de cas suspects. D’où, la nécessité de freiner les sanctions.PUBLICITÉ

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« J’étais très réticent. Je n’ai accepté que parce que c’était un enjeu majeur pour la fédération et à condition que les athlètes soient officieusement suspendus, qu’ils ne participent pas aux JO et soient sanctionnés juste après », insiste Gabriel Dollé.

« Pourtant certains ont participé et même gagné des médailles », note la présidente… « On a été trahis », murmure Dollé, pointant implicitement un autre accusé, Valentin Balakhnitchev, alors trésorier de l’IAAF et président de la fédération russe d’athlétisme.

« Pourquoi alors ne pas avoir utilisé votre pouvoir de sanction immédiatement après les jeux ? », relance la Cour.

Gabriel Dollé se fait évasif, admet une certaine « passivité ». Il reconnait ensuite avoir reçu 50 000 euros de Papa Massata Diack, en 2013. « Il n’avait jamais été question d’argent au moment de l’arrangement », insiste Gabriel Dollé. « Je regrette d’avoir pris l’enveloppe mais j’ai pensé que c’était lié à la réussite des contrats de sponsors », explique-t-il.

Quant aux 140 000 euros supplémentaires donnés ensuite par Lamine Diack, le médecin Gabriel Dollé avance: « Ça, c’était un dédommagement pour avoir été licencié comme un malpropre ».

Refus d’un nouveau report

Après plusieurs reports, les débats sur le fond ont enfin débuté, bien que l’avocat parisien de Papa Massata Diack ait d’abord tenté d’obtenir un nouveau report, au motif que les deux défenseurs sénégalais historiques de son client sont actuellement bloqués à Dakar à cause de la pandémie. Demande rejetée par le tribunal qui a fait valoir qu’il fallait respecter le délai raisonnable de jugement et qu’un seul avocat suffisait légalement à Papa Massata Diack, soulignant au passage que ce dernier est toujours en fuite, malgré un mandat d’arrêt international.

Cette demande rejetée par le tribunal a fait bondir Maître Moussa Sarr, l’un des avocats de Papa Massata Diack, à Dakar.

Aujourd’hui, il y a un obstacle qui nous empêche, moi et mon confrère, de nous déplacer pour plaider pour le compte de Massata Diack. Par conséquent, le renvoi s’imposait. Donc, nous sommes vraiment indignés, outrés.

Maître Moussa Sarr

Charlotte Idrac

La santé de l’accusé

Les débats de fond ont donc pu commencer, en présence de Lamine Diack. L’ancien dirigeant sénégalais, 87 ans, est arrivé à l’audience avec masque sur le visage et entouré de ses avocats. Dos courbé par les ans mais tête haute : je me suis tu cinq ans, je parlerai dans dix jours, lance-t-il aux nombreux journalistes français et étrangers. À la présidente qui lui demande s’il peut rester debout à la barre, il rappelle sa santé précaire, et s’est installé à côté de la barre pour écouter le long rappel des faits : « Avec mes problèmes d’audition, c’est plus pratique pour vous entendre », a-t-il concédé dans un sourire à la présidente. Maitre Bourdon, l’un de ses avocats, le dit « combatif et serein. Combatif, parce que déterminé à répondre au plus près des questions, par ailleurs légitimes, que le tribunal va lui poser. Et serein, parce que, sans excès de confiance – il ne faut jamais l’être – il est confiant dans le fait qu’il sera entendu. »

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Parfois distrait sur le banc des accusés, Lamine Diack suit néanmoins attentivement la majeure partie de l’audience. « Bien sûr que c’est une épreuve. Il est vaillant, il est digne, il se tient droit. On voit bien qu’il n’est pas de première fraicheur. Mais en même temps, sa volonté de dire qu’il a agi de bonne foi, dans le seul souci de la modernisation de la fédération d’athlétisme, lui donne un nouveau souffle », défend Maitre Bourdon.

Également sur le banc des accusés, son ex-avocat Habib Cissé et Gabriel Dollé. Deux prévenus russes, tout comme Papa Massata Diack, manquent à l’appel.

Dans ce dossier complexe, le tribunal a choisi d’aborder d’abord un premier volet de corruption. Lamine Diack et ses co-prévenus sont accusés d’avoir soutiré un total de près de 3,5 millions d’euros à des athlètes russes pour que leur nom soit retiré de la liste des athlètes suspects et pouvoir ainsi continuer de participer aux compétitions.

Le médecin Gabriel Dollé est lui accusé d’avoir recu, notamment des mains de Lamine Diack et son fils, 190 000 euros en échange d’un ralentissement des procédures de sanction de ces athlètes. L’audition de Lamine Diack est prévue mercredi.