Dans la région de Kolda, le Programme d’urgence de développement communautaire (Pudc) sort progressivement de nombreux villages de l’enclavement. Le bonheur des populations et des élus est immense. « Faciliter les déplacements entre les communautés et avoir de l’électricité, c’est cela l’émergence », dit, euphorique, le maire de la commune de Thietty. Un habitant du village de Diyabougou renchérit, pragmatique : « Avec la piste, nous pourrons écouler nos produits agricoles». Notre reporter revient de Kolda. Il nous raconte comment une piste en latérite peut changer la vie de milliers de personnes et, surtout, renforcer leur sentiment d’appartenance au Sénégal.
Où se trouve le village de Diyabougou ? Beaucoup de gens se perdraient en essayant de le localiser. Certainement pas dans la zone aurifère de Tambacounda où il existe effectivement un site du même nom, rendu célèbre par les évènements malheureux de mars 2013, au cours desquels sept personnes avaient perdu la vie, après des affrontements qui avaient opposé les ressortissants burkinabès et maliens.
Le village de Diyabougou dont on parle, est situé dans l’arrondissement de Saré Bidji, dans le département de Kolda. Pour s’y rendre, il faut emprunter une piste en latérite récemment réalisée par le Programme de piste communautaire jusqu’au chef-lieu de la commune Thiétty. A partir de là, commençait un pénible trajet avec une piste difficile à cause de fortes précipitations enregistrées dans la zone. Et la forêt touffue réduit les possibilités de contournement. Distant de 29 kilomètres de Kolda, le village de Diyabougou n’en demeurait pas moins enclavé. Les problèmes de déplacement étaient un réel problème, surtout pendant l’hivernage, poussant le chef de village, Mawndé Baldé, 67 ans, infirmier à la retraite, a adressé plusieurs correspondances aux autorités administratives déconcentrées et aux autorités centrales. «Pendant des années, nous avons écrit, à maintes reprises, aux autorités sans succès », rappelle le chef du village. «On avait des problèmes pour évacuer, vers Kolda, les patients parce que nous utilisions des charrettes. Et il arrivait souvent que le malade décède en cours de route ou qu’une femme accouche en pleine brousse », ajoute-t-il.
Déplacement de populations
Le hameau de Diyabougou est niché au milieu des arbres. Entouré de champs de mil, de maïs, il est sorti de son isolement, depuis sa fondation en 1932, grâce à la piste réalisée par le Programme d’urgence de développement communautaire (Pudc). La donne a changé. « Avec cette piste, on peut voyager librement. C’est important pour les populations. Nous saluons cette réalisation et exprimons toute notre gratitude au chef de l’Etat », poursuit le vieil homme. Grâce à cette piste, le hameau s’est agrandi. En effet, sept familles ont quitté la région de Sédhiou pour s’installer à Diyabougou. « Ces familles sont venues parce qu’il y a la piste. Nous leur avons offert des terrains pour l’habitat et des parcelles pour les cultures. Ces familles sont bien intégrées. Elles sont venues avec un maître coranique qui assure l’éducation des enfants du village », déclare Mawndé Baldé.
Mamadou Aliou Diallo est l’un de ces chefs de familles qui ont quitté le village de Saré Manfou (Sédhiou) pour s’installer à Diyabougou. Il explique que la piste offre « beaucoup d’avantages ». « Nous étions enclavés et avions des difficultés pour nous déplacer. Avec cette piste, nous pourrons écouler nos produits agricoles », renchérit-il. Avec ces nouveaux arrivants, le village compte désormais douze familles.
D’autres récits entourant la réalisation de cette piste de 13 kilomètres rendent encore plus belle cette histoire. Quand l’entreprise qui a gagné le marché a démarré les travaux, une fois à hauteur du village de Diyabougou, la femme du fils du chef de village a donné naissance à un garçon. Aussitôt informé, le père a décidé que le bébé porterait le nom du chef de l’Etat, Macky Sall. Une annonce qui a surpris ses proches. Le jeune explique sa décision par une phrase qui a emporté l’adhésion de tous. « Les présidents Senghor, Abdou Diouf, Abdoulaye Wade n’ont jamais pensé à doter notre village d’une quelconque infrastructure. Macky Sall l’a fait. Mon enfant mérite de porter son nom », se défend-il.
Cette anecdote montre l’importance de cette infrastructure. Autre récit lié à la piste, c’est celle du chef de chantier Sathiébo Diop et de son chef labo. Ils se sont tous mariés dans la zone. Le chef de chantier au village de Diyabougou avec une belle jeune fille qu’il montre fièrement. « C’est elle ma femme », présente-t-il, avec fierté. « C’est le développement dans tous les sens : économique, social, familial », plaisante Atindehou Arnaud, le chef de mission de contrôle de l’entreprise Ica Ingences conseils, provoquant des éclats de rires.
Le seul département sans un seul mètre de goudron
Erigée en région en 1984, Kolda est peu dotée en infrastructures. Dans certaines localités, notamment dans le département de Médina Yoro Fula – le seul département au Sénégal qui ne dispose pas d’un seul mètre de goudron – le déplacement des personnes est un réel problème. Kolda est l’une des régions les plus pauvres du Sénégal, malgré un potentiel économique, notamment agricole énorme. Une pluviométrie abondante, des produits forestiers nombreux et variés, des milliers d’hectares de terre cultivables, de vastes étendues de terre pour le pâturage.
D’un coût de plus de 295 millions de FCfa, cette piste de 13,5 kilomètres a contribué au désenclavement de la commune rurale de Thieyti. L’infrastructure en cours d’achèvement part de Thieyti à Boussimbala en passant par Dioumana, Sinthian Fatawaro, Diyabougou, entre autres, dont la population est estimée à 771 habitants. La commune de Thieyti polarise 37 villages qui comptent 4.750 habitants. On y dénombre 4.000 bovins. Les volets piste et électrification du Programme d’urgence de développement communautaire aideront cette région à sortir de l’enclavement et à prendre son envol économique, indique le maire de la commune de Thietty, Alassane Baldé. « C’est la première fois, depuis l’indépendance du Sénégal, que nous avons une piste dans notre commune », souligne le maire, Alassane Baldé. Lui aussi y va avec son anecdote. « Notre commune n’a pas pu bénéficier d’une ambulance à cause de l’absence de piste dans la collectivité locale. Les donateurs ont estimé que l’ambulance allait vite rendre l’âme à cause de l’absence d’une bonne route», raconte Alassane Baldé, ravi par la réalisation de cette piste.
« Thieyti commence à prendre son envol », s’enflamme-t-il. Grâce à cette piste, un marché hebdomadaire est organisé le mardi à Thieyti. « Cela permettra à la commune d’avoir des recettes », indique l’édile. L’appétit vient en mangeant dit l’adage. Alassane Baldé demande deux autres pistes pour désenclaver complètement la commune, des équipements post-récoltes en vue d’alléger les travaux des femmes, l’électrification de quelques villages dans sa commune. « Ce serait une excellente chose. Faciliter les déplacements entre les communautés et avoir de l’électricité, c’est cela l’émergence », lance-t-il. Beaucoup de citadins devraient trouver un moment pour rendre visite à ce maire d’une commune rurale et partager son bonheur.
790 km de pistes en cours de réalisation
Le Programme d’urgence de développement communautaire (Pudc) sort progressivement de nombreux villages de l’enclavement. Depuis son lancement, en juillet 2015, par le chef de l’Etat à Diamnadio, 790 km de pistes sont en cours de réalisation. 198 km sont finalisés et 457 km sont en chantier avec des niveaux d’avancement de 60 % dans les régions centre-sud du pays et 85 % dans la zone nord. Les études d’exécution pour la réalisation de plus de 2. 600 km de la série sont finalisées. M. G
Mamadou GUEYE
Lesoleil