Je ne m’étais pas trompé. Comme je l’avais annoncé dans ma contribution publiée par trois quotidiens de la place les 5 et 6 octobre 2016, ils me sont copieusement tombés dessus et m’ont traité de tous les noms d’oiseaux. Les quotidiens leur ont largement ouvert leurs pages, même ceux qui s’étaient gardés de publier mon texte. Pour l’essentiel, ces courtisans zélés – c’est d’eux qu’il s’agit –, me reprochent ma « haine », ma « méchanceté » et mon « insolence » à l’endroit de la dame la mieux protégée du Sénégal. L’un d’eux, un vieux journaliste, a même évoqué le tribunal qui a condamné Jeanne D’Arc au bûcher, et devant lequel il me traînerait volontiers. L’objectif de ce texte est davantage d’apporter des clarifications que de répondre à leurs attaques en règle.
A l’intention de ces vuvuzela du couple présidentiel et à celle tous nos compatriotes, j’affirme solennellement que la haine et la méchanceté n’ont pas de place dans mon cœur. DIEU qui lit jusque dans nos intentions les plus intimes le sait. Je ne connais point cette honorable dame, je ne la vois qu’à travers les écrans de télévision. Je n’attends rien d’elle, ni de son distingué époux. Pourquoi ferais-je alors montre de méchanceté, de haine ou d’insolence à son endroit ? Il est vrai qu’avec la volonté de plaire coûte que coûte pour se faire distinguer, on en perd facilement la tête. C’est ce qui arrive sûrement à nos thuriféraires du pouvoir en place, qui se sont violemment attaqués à ma modeste personne.
Ils vont jusqu’à me prêter la volonté de contester à la distinguée épouse du Président Sall sa piété qui me dérangerait. C’est terrible ! Sont-ils devenus dingues ? En vérité, ils font de la diversion. Faute d’argument, ils en inventent pour mieux attaquer. Ce sont eux-mêmes et tous les autres de leur espèce qui la suivent comme son ombre et nous la montrent sur sa natte, en train de prier ou d’égrener son chapelet. D’autres vont jusqu’à préciser à quelle heure elle se couche et à quelle autre elle se réveille pour commencer ses prières. Je n’invente rien. C’est ce penchant morbide à tout montrer d’elle qui pose problème. Ses activités strictement privées, pour importantes qu’elles soient, n’ont pas beaucoup d’intérêt pour nous et nous nous en passerions volontiers. Ces infantilismes, je les dénonçais du temps de Diouf comme Me Wade. Je renvoie le lecteur à ma contribution « Le cinéma de la République ».
Nos courtisans ne se sont pas privés de comparer l’honorable dame à ses deux devancières. Elle, est Sénégalaise pur sang, la première Sénégalaise authentique à occuper le palais de la République. Pendant les cérémonies familiales, elle porte des « ndoket », des taille-basses, des maam booy, des grands boubous, etc. Les autres ne seraient que des demi-Sénégalaises. Elizabeth Diouf est quand même de père et de mère sénégalais, mariée à un Sénégalais et mère d’enfants sénégalaises et sénégalais ! Peut-on raisonnablement lui contester sa « sénégalité » ? Il faut quand même savoir raison garder, même dans le ‘’larbinisme’’. Et puis, Aïda Ndiongue, Awa Ndiaye, Ndèye Khady Guèye et tant d’autres ne sont-elle pas des Sénégalaises authentiques, de pur sang ? Et pourtant !
Nos vuvuzela comparent aussi leur bienfaitrice à d’autres premières dames d’Afrique, d’Europe et d’Amérique, en insistant beaucoup, pour certains d’entre eux, sur ses ressemblances frappantes avec Michelle Obama. Je ne m’attarde vraiment pas ici. Tout le monde sait ce que sont les unes et les autres, et jusqu’où elles peuvent aller. Le journaliste français Vincent Hugeux, une vieille connaissance pour le Sénégal, a consacré un livre aux premières dames africaines, avec un titre révélateur : « Reines d’Afrique. Le vrai roman des premières dames ». Il y a peu de chance qu’il publie un livre sur les premières dames d’Europe ou d’Amérique. Celles d’Afriques offrent vraiment beaucoup plus de matières croustillantes.
Je retiens aussi des multiples réactions des membres du gangoor du couple présidentiel qu’ils me prêtent la volonté de contester à la très généreuse dame son droit de soutenir son époux, de travailler à sa réélection. Madiambal Diagne est allé dans le même sens. Ils savent parfaitement que je n’ai contesté nulle part ce droit. Qui le lui reprocherait d’ailleurs ? Mais cet aveu a au moins l’avantage d’être clair. Si ça l’avait été dès le départ, peut-être que ma contribution incriminée n’aurait pas été publiée, ou aurait eu une autre dimension. Donc, elle a le droit de faire de la politique, et elle en fait. Ce qui ne devrait surprendre personne puisqu’elle nomme des ministres (je n’ai rien inventé) et sûrement des Directeurs généraux, des PCA, etc. Elle est partie prenante dans la gouvernance de son distingué époux et il lui arriverait même de faire bouger le gouvernail dans un sens ou dans un autre. Elle est dans l’arène politique, même discrètement, et travaille pour la réélection de son honorable époux. C’est connu et reconnu, c’est légitime, ajouteront les courtisans. Oui, sans doute. La conséquence de tout cela, c’est que sa générosité devient alors moins généreuse, plus intéressée et, partant politique, voire politicienne. Dans cette perspective, tout le monde est fondé à se demander d’où vient l’argent qui alimente sa générosité.
Dans ses « Piques », le quotidien L’AS du 13 octobre 2016 rend compte des activités de l’honorable dame en ces termes : « Heureux sont ceux qui ont reçu des sms venant de Marème Faye Sall. En effet, la Première Dame qui avait répertorié les démunis des quartiers de Yoff, Ouakam et Grand Yoff où elle s’est rendue tout dernièrement a honoré ses engagements. Les heureux bénéficiaires ont reçu via ‘Wari’ des sommes entre 250000 et 500000 francs CFA en provenance de la Première Dame. » Si on sait qu’il y a de nombreux démunis dans ces quartiers, combien de millions de francs y a-t-elle généreusement distribués ? Si on connaît son intention déclarée d’étendre ses « œuvres sociales » sur l’ensemble du territoire national, si on sait qu’il existe des millions de démunis dans ce pays, combien de millions, voire de milliards de francs CFA va-t-elle distribuer d’ici à 2019 ? Où trouve-t-elle autant d’argent ? Tout citoyen est quand même légitimement fondé à se poser ces questions-là, même si elles énervent Madiambal Diagne ! Pour cet ami actif du couple présidentiel, « le plus inacceptable reste que (j’accuse), sans la moindre preuve, la Première Dame de tirer les ressources de ses actions ‘’humanitaro-politiques’’ des fonds politiques du président de la République ou des mécènes, moyennant des contreparties intéressées par des marchés publics ». Malgré tout le respect que je lui dois (encore), il raconte des histoires ici : je renvoie le lecteur à ma contribution des 5 et 6 octobre 2016. Je n’y ai posé que des questions et c’est lui qui y répond. Donc, la très respectable dame ne touche pas un rotin des fonds politiques, qui sont pourtant « du alali baytimaar qu’on jette par la fenêtre » (propos du colonel Malick Cissé). Elle ne reçoit même pas de ressources des mécènes, martèle l’ami actif du couple présidentiel. Waaw, d’où provient tout cet argent, tous ces millions, voire tous ces milliards ?
En tout cas, il n’a pas la même explication de l’origine des ressources de la très pieuse et vertueuse dame que Monsieur Baba Tandian qui reconnaît que, « lui faire querelle de l’utilisation des instruments financiers et techniques de l’Etat pour mener à bien sa mission, c’est assurément lui faire mauvaise procès ». Monsieur Tandian se fait plus explicite encore en ajoutant : « Figurez-vous que, comme ses devancières, elle bénéficie de nombreux soutiens financiers et matériels de mécènes qui cherchent peut-être à recevoir le retour de l’ascenseur (cela a été toujours ainsi depuis que le monde est monde, et cela le restera jusqu’à (…) l’extinction du soleil. » Voilà au moins qui est honnête et clair. Je souligne d’ailleurs que, des dix compatriotes qui m’ont porté rageusement la contradiction, M. Tandian est le seul à ne m’avoir pas insulté. Je lui rends ici solennellement son respect et sa politesse.
Pour revenir au bouclier le plus en vue du couple présidentiel, Madiambal Diagne, il mêle ma fille à cette affaire et, de quelle manière ? C’est dans son « Lundi » du 10 octobre 2016. Voici comment il commence sa réplique vigoureuse à ma contribution incriminée : « Je vais parler en particulier (sic) de la contribution publiée par Mody Niang, flétrissant les actions de la Première Dame. Je crois entretenir avec Mody Niang, depuis de nombreuses années, des relations empreintes d’affection et de respect. J’ai pu douter un instant que cela soit réciproque, il y a quelques semaines de cela, quand je suis allé vers lui à l’occasion d’une rencontre fortuite (….). La fille de Mody Niang était surprise de me voir faire l’accolade à son père et elle n’avait pas pu se retenir de dire avec un brin d’humour : ‘’Je croyais que mon père n’était d’accord avec personne’’ (sic) ». Et M. Diagne de poursuivre : « Qu’importe ! J’éprouve de la peine de voir Mody Niang s’en prendre avec une hargne et une véhémence stupéfiante, à une dame de l’âge de sa fille. » C’est terrible, c’est énorme !
Je rassure l’inconditionnel du couple présidentiel : moi, Mody Niang, je suis resté le même, et je ne vois pas pourquoi mes relations avec lui ne seraient plus empreintes de respect et d’affection. Je ne vois vraiment pas pourquoi. Lui peut douter, compte tenu de nos positions respectives par rapport au couple qui nous gouverne, se disant peut-être : « Il me regarde d’un certain œil ! » Pas du tout ! Je ne le regardais pas d’un certain œil quand, du temps de la gouvernance de Wade, son nom était cité avec insistance dans une rocambolesque affaire de 200 ou 250 millions de francs CFA. Pourquoi le ferais-je aujourd’hui ? M. Diagne est libre de ses choix, qu’il me laisse libre des miens, et m’exprimer à ma convenance, chaque fois que j’en ai l’opportunité ! Qu’il ne mêle surtout pas ma fille à certaines histoires ! Ce qu’il lui fait dire ne lui ressemble pas du tout. Et, à supposer qu’elle ait tenu les mêmes propos, Madiambal ne devrait pas les prendre à la lettre, surtout que le brin d’humour et d’ironie ne lui a pas échappé. Ma fille sait en tout cas qui est qui dans ce pays. Elle n’est surtout pas idiote au point de croire que je ne suis d’accord avec personne. Elle sait, en particulier, que je compte énormément d’amis qui appartiennent à des horizons (politiques ou autres) différents. Elle le sait et me voit naturellement leur faire l’accolade. Une accolade ne reflète pas forcément la qualité des relations, surtout dans ce Sénégal de 2016. En tout cas ma fille et moi, ne mélangeons pas les genres et savons faire la part des choses. Enfin, Madiambal connaît aussi bien l’âge de ma fille que celui de sa distinguée protégée. Pour ce qui me concerne, je ne connais que celui de ma fille.
Je ne terminerai pas ce texte sans retourner la pierre à un autre journaliste. Un vieux journaliste celui-là, journaliste et « chef religieux » à ses heures perdues. Ses émissions à la radio et à la télévision se divisaient invariablement en deux parties : des tombereaux de louanges sur le président Senghor puis sur son successeur, ensuite des injures grossières sur les opposants (Mamadou Dia, Cheikh Anta Diop, Abdoulaye Wade surtout, etc.). Après le départ des Socialistes du pouvoir, les choses n’étaient vraiment pas au mieux de ce qu’il pouvait espérer, Senghor et Diouf n’étant pas particulièrement connus pour leur générosité, dans le sens où l’entendait le vieux thuriféraire du pouvoir. Il a fallu l’avènement de Me Wade à la Magistrature suprême, avec son penchant à distribuer l’argent du contribuable avec une facilité déconcertante, pour que notre Tartuffe découvre enfin véritablement les délices du pouvoir et se refasse une santé, une très bonne santé. Wade parti, il claironne aujourd’hui pour le couple présidentiel qui distribue les sinécures. Un grand compatriote qu’il lassait par les piques qu’il lui lançait régulièrement lors de ses sorties à la radio comme à la télévision, le décrivait comme « la concentration du vice et particulièrement de l’hypocrisie ». Ce n’est vraiment pas de cet homme-là que je vais recevoir des leçons. Ni de lui ni, par ailleurs, de tous les autres courtisans qui se sont distingués à me couvrir d’injures grossières, pour faire plaisir au couple présidentiel. Ils sont vraiment trop insignifiants pour m’empêcher de m’exprimer sur toutes les affaires qui touchent de près ou de loin à la gouvernance de mon pays, fussent-elles l’œuvre d’une intouchable.
Dakar, le 16 octobre 2016
Mody Niang