Sénégal : l’apparition de profondes divergences entre le président Bassirou Diomaye Faye et son Pm Ousmane Sonko

Au Sénégal, le climat politique au sein du Pastef, parti au pouvoir, s’est fortement tendu depuis l’apparition de profondes divergences entre le président Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre, Ousmane Sonko. Vendredi, devant l’Assemblée nationale, ce dernier a admis à demi-mot l’existence de désaccords avec le chef de l’État, laissant transparaître un éloignement croissant entre les deux hommes et leur base militante.

Lors de la séance de questions d’actualité, accueillie par des applaudissements nourris, Ousmane Sonko s’est efforcé de minimiser la crise. “Ceux qui pensent qu’il y a un problème insurmontable se trompent”, a-t-il affirmé. Il a insisté sur la bonne entente institutionnelle entre lui et le président, tout en reconnaissant que chacun pouvait avoir sa propre vision politique.

Pourtant, Sonko semble désormais prendre ses distances sur le plan partisan avec celui qui fut secrétaire général du Pastef avant son élection, en mars 2024, tout en répétant son engagement à gouverner à ses côtés.

Accusations de trahison

La colère de nombreux militants du Pastef s’est cristallisée le 11 novembre, lorsque Bassirou Diomaye Faye a décidé de remplacer Aïda Mbodj — choix défendu par Sonko — par Aminata Touré, ancienne Première ministre de Macky Sall, à la tête de la coalition “Diomaye Président”.

Cette coalition, fondée autour du Pastef peu avant la présidentielle de 2024, avait pourtant permis au candidat Faye de remporter l’élection.

À la Médina, quartier populaire de Dakar, la rupture entre Sonko et Faye est au cœur des discussions. Depuis l’annonce présidentielle, les “Patriotes”, militants du Pastef, ont appelé à un désabonnement massif de la page Facebook du chef de l’État. En 48 heures, celui-ci a ainsi perdu plus de 40 000 abonnés.

Cette volte-face a profondément déçu une base militante qui voyait en Faye le prolongement naturel de Sonko, au point d’avoir popularisé le slogan devenu viral : “Diomaye mooy Sonko” (“Diomaye, c’est Sonko”, en wolof).

Dans un atelier de cordonnerie de la Médina, certains militants ne cachent plus leur amertume. “Sans Sonko, Diomaye n’aurait jamais accédé au pouvoir. Il nous a trahis”, lâche Ibrahima, jeune artisan, visiblement affecté. D’autres dénoncent un président qui s’éloigne des idéaux du parti et manque de loyauté envers Sonko.

Une bataille d’influence interne

Les prises de position publiques de plusieurs cadres du Pastef, y compris dans la diaspora, confirment la fracture : beaucoup appellent officiellement Diomaye Faye à revenir sur sa décision.

Pourtant, depuis 2024, le président avait défendu une gouvernance “à deux têtes”, prônant un partage du pouvoir renforçant le rôle du Premier ministre. Mais pour l’analyste politique Mamadou Sy Albert, Sonko occupe aujourd’hui une place trop dominante au sein de l’exécutif : “Le président étouffe politiquement”, estime-t-il.

Selon lui, les divergences portent notamment sur la justice. Diomaye Faye souhaite incarner un chef d’État au-dessus des tensions, tandis que Sonko insiste pour s’impliquer davantage, notamment dans les dossiers liés aux victimes des manifestations de 2021 à 2024. Cette différence de vision alimente désormais une véritable crise au sommet de l’État.

Parallèlement, la coalition présidentielle se restructure. Depuis la nomination d’Aminata Touré et la réorganisation annoncée le 12 novembre, de nombreux mouvements et personnalités rejoignent l’alliance politique. Une dynamique qui pourrait offrir à Bassirou Diomaye Faye une alternative au Pastef, dans l’éventualité d’une rupture définitive.