Sonko, le leader sénégalais que le monde célèbre mais que son pays débat.

Il y a des vérités qui dérangent, mais qu’il faut oser dire. Ousmane Sonko incarne aujourd’hui un paradoxe aussi criant qu’intrigant : adulé, respecté, courtisé par certaines des plus grandes puissances économiques et politiques mondiales, il est, dans son propre pays, quotidiennement la cible d’attaques virulentes, souvent plus passionnelles que rationnelles.

On ne peut pas passer deux heures au Sénégal sans tomber sur une pique assassine, un commentaire méprisant ou une insulte lancée comme un réflexe pavlovien. Les réseaux sociaux se transforment en tribunaux permanents où chaque geste, chaque mot, chaque déplacement devient prétexte à procès d’intention. Et pourtant… ce même Sonko, dès qu’il franchit nos frontières, pénètre dans les cercles les plus fermés, est reçu avec les honneurs que l’on réserve aux chefs d’État, et se voit dérouler le tapis rouge par des leaders réputés pour leur exigence, leur prudence diplomatique et leur sélectivité dans le choix de leurs interlocuteurs.

Certains ont été outrés. Oui, outrés. De le voir marcher sur un tapis rouge. Et cela n’a pas commencé à l’étranger : c’est ici, au Sénégal, que la polémique est née. Lorsqu’il a été aperçu foulant le tapis rouge, des voix se sont élevées pour dire que cet honneur devait être réservé au seul président de la République. Ironie du sort : ailleurs, on ne se contente pas de lui dérouler le tapis rouge ; on l’accueille avec toutes les attentions dues à un chef de gouvernement de stature internationale. Cette différence de perception en dit long sur nos propres blocages.

Ce n’est pas une question d’idéologie, c’est une réalité observable : Sonko a l’envergure internationale. Il parle d’égal à égal avec des figures politiques dont la poignée de main vaut reconnaissance. Là où d’autres quémandent des rendez-vous en coulisses, lui est invité à la table principale, accueilli officiellement, avec protocole et égards. Ce n’est ni du hasard, ni de la chance : c’est la reconnaissance d’un leadership affirmé.

Mais comme souvent, l’adage « nul n’est prophète en son pays » semble avoir été écrit pour lui. Chez nous, on préfère éplucher la moindre erreur, réelle ou supposée, plutôt que reconnaître la moindre réussite. On se complaît dans la critique permanente, parfois alimentée par des rancunes personnelles, des clivages politiques ou de simples rivalités d’ego. Cette culture du rabaissement systématique finit par brouiller notre regard sur la réalité du personnage et sur son impact bien au-delà de nos frontières.

Il faudrait peut-être se poser une question simple : que voient ces nations, ces leaders aguerris, ces décideurs économiques mondiaux, que nous, Sénégalais, refusons obstinément de voir ? Pourquoi des pays qui n’ont rien à gagner dans la flatterie lui déroulent-ils un accueil digne des plus hauts rangs ? Pourquoi, dans des capitales où chaque minute diplomatique est comptée, lui accorde-t-on non seulement du temps, mais aussi des engagements concrets ?

Reconnaître son envergure n’est pas renoncer à le critiquer. Le respect n’interdit pas la vigilance, mais il suppose de reconnaître la valeur de celui que l’on évalue. Sonko n’a pas besoin de flatterie ni de culte de la personnalité ; il a déjà l’attention et le respect de ceux qui, sur la scène mondiale, sont les plus difficiles à convaincre. Ce qui est en jeu, c’est notre capacité collective à ne pas être les derniers à admettre l’évidence.

L’histoire est pleine d’exemples de dirigeants méprisés, contestés, ignorés par leurs propres peuples avant que le monde extérieur ne les érige en figures majeures. De Gaulle en France, Nkrumah au Ghana, Mandela en Afrique du Sud… tous ont connu, à des degrés divers, l’ingratitude nationale avant la reconnaissance universelle. Si nous n’y prenons pas garde, nous pourrions bien, une fois de plus, être ce peuple qui ne découvre la valeur de son leader qu’à travers les yeux des autres – et souvent trop tard.

Car il faut le dire clairement : les honneurs qu’on lui rend à l’étranger ne sont pas un décor de circonstance, mais la traduction d’une réalité diplomatique et politique. Les refuser ou les minimiser, c’est refuser de voir que, qu’on le veuille ou non, Ousmane Sonko n’est pas seulement un acteur de la politique sénégalaise : il est devenu un acteur de la scène mondiale. Et à ce titre, il mérite – au moins – le respect dû à son rang.

PMD

OPINIONS LIBRES