Tchad: «Il faut avoir moins de France mais mieux de France», affirme Albert Pahimi Padacké

L’ancien Premier ministre tchadien Albert Pahimi Padacké publie l’ouvrage L’Afrique empoisonnée aux éditions L’Harmattan. Nommé Premier ministre au lendemain de la mort brutale du président Idriss Déby, en avril 2021, Albert Pahimi Padacké a quitté son poste il y a cinq mois.

Certains le surnomment « le cœur mort de l’Afrique ». Pourtant, le Tchad n’a certainement jamais été si palpitant. Depuis le décès au front du maréchal Idriss Déby dans l’attaque d’une colonne de rebelles du Fact (Front pour l’alternance et la concorde au Tchad) en 2021, le pays traverse une période de transition pour le moins instable. Leader politique de la première phase – celle de « l’union sacrée » –, Albert Pahimi Padacké a démissionné en octobre dernier et cédé sa place à Saleh Kebzabo pour la deuxième phase – celle de l’organisation d’élections démocratiques.

Personnage politique majeur et observateur avisé, le natif de Gouin (dans la région du Mayo-Kebbi Ouest) a choisi d’accorder au Point Afrique sa première grande interview depuis sa démission. Sécurité, influence étrangère, gouvernance, économie, écologie, religion, désinformation… Albert Pahimi Padacké se confie.

Le Point Afrique : Quel regard portez-vous sur la situation politique au Tchad ?

Albert Pahimi Padacké : Comme dans tout pays en transition, la situation politique au Tchad est marquée par des courants que l’on retrouve dans toutes transitions : des courants ascendants et des courants descendants. Vous avez d’un côté les tenants de l’ancien pouvoir qui sont attachés aux privilèges et qui travaillent pour que rien ne change. Et de l’autre, les acteurs de l’ancienne opposition qui voient à travers la transition, une occasion de renverser la table et de tout récupérer immédiatement. Il faut donc travailler à ce que les extrêmes ne dominent pas la scène politique et tendre vers une sorte de médiane pour que les intérêts du peuple et la paix soient préservés.

Vous aviez été nommé le 26 avril 2021, afin de former un gouvernement lors de la première phase de la transition. Le 11 octobre 2022, vous avez présenté votre démission. Que retenez-vous de ce second mandat de Premier ministre ?

J’ai été Premier ministre de 2016 à 2018 dans le cadre constitutionnel normal. Ensuite, à la mort du maréchal Déby, le pays n’est pas passé loin du chaos. Le maréchal est décédé dans un combat face à une colonne armée à 300 kilomètres de la capitale. Le conseil militaire de transition a alors pris le pouvoir dans un contexte extrêmement volatil. Il m’a ainsi été demandé de diriger le premier gouvernement de transition en vue de réaliser l’union sacrée du peuple tchadien et sauver le pays qui était menacé par le chaos. J’ai accepté cette responsabilité avec honneur et dignité.

Nous avons alors réussi à rassembler les Tchadiens dans une sorte d’« union sacrée » avec le retour d’une bonne partie des politiques et militaires qui menaçaient la stabilité du pays. Les grands acteurs politiques de l’intérieur se sont associés à ce processus, ce qui a débouché sur un Dialogue national inclusif et souverain (DNIS) pour permettre aux Tchadiens de réfléchir aux meilleurs moyens de stabiliser leur pays. Et au terme de dix-huit mois, il m’a paru bon de remettre ma démission, d’observer la deuxième phase de la transition et de me mettre en position d’acteur politique moi-même.