Une barque libre et ramer en silence … de Fatou DIOME

Fatou Diome est revenue en barreuse, qui rame résolument, avec un silence précurseur d’une parole libre.

A l’invitation de Alliance française de Liège, ce 18 novembre l’auteur est venue présenter son livre « le verbe libre ou le silence ». DIÔME* –la dignité – explique comment il est périlleux pour des auteurs actuels, de se défaire de la bride des éditeurs.

Devant un auditoire de 500 personnes, une majorité d’étudiants et de pensionnés, avec sa verve des soirs  d’automne, Fatou tonne de sa voix captivante.

Comment adapter sa plume aux desiderata facétieux d’autrui, sans trahir sa propre quête, la résonnance d’un mélange endocrine unique de ses inspirations ?

Alors que « l’écriture est un impératif qui s’empare de vous, qui garde la plume en mouvement, qui dessine Aleph, lequel soutient l’exigence de la verticalité humaine. »  Fatou Diome nous convie à ramer contre la dégradation de la valeur marchande des écrivains, entretenue par une attitude paternaliste outrancière de certains éditeurs, de connivence avec des relais débridés des réseaux sociaux. La gratuité de la Culture n’est qu’une chanson d’ivrogne !

Fatou confesse ses frénésies scripturales nocturnes auxquelles l’on doit ses œuvres splendides.

Elle invite les étudiants à s’insurger contre ceux qui érigent des parois de clivage. Contre tous les « bâtisseurs de cloisons parce que le coeur n’a pas d’écluse », quoique ses valves puissent contenir sans fuite le secret de ceux qui nous inspirent dilection et respect.

Fatou, encourage les jeunes auteurs à déjouer des pièges tendus « pour s’affranchir de limites fixées par d’autres aux fins de cadenasser leur horizon » avec des chantages pécuniaires.

L’auteure elle-même dont la plume reste une rame, refuse de se faire emmurer avec sa barque, vers  une impasse,  la crique qui  peut rendre désargenté.

Sans verbiage ni vanité, elle s’insurge contre le ton péremptoire de quelque ambassadrice d’édition, qui viendrait «asséner des ondes à un futur auteur qu’elle voudrait assimiler à son moussaillon».  Les représentants de cette engeance dominatrice de la littérature, se sont arrogé le droit d’édicter à chaque auteur, un rythme, une trajectoire de carrière,  comme  cela se ferait pour un oligophrène non émancipé.

Lorsqu’une éditrice se rêvant en jockey, vous prend  « pour un percheron et vous faire croire que votre mère a accouché d’une mule, même Ghandi pourrait cabrioler de Porbandar à Popenguine à défaut de catapulter sa cavalière.  Le pondéré Sédar Senghor, s’il revenait d’outre- tombe avec un manuscrit, aurait fini par les saluer à coups de poings. »

Ainsi, écrivaine majeure et décomplexée, Fatou ose parler bikini et non d’être biberonnée par les plénipotentiaires des éditeurs.

Fatou ceinte de sa référence, la révérence sacrée à son Sangomar ancestral, refuse la caricature de la plume exotique. Sa grand-mère parlait certes avec des proverbes, mais dont elle refuse d’être le sempiternel perroquet.

Il faut relire Fatou Diome lorsqu’elle rassure dans son refus de céder le gouvernail à tout amiral autoproclamé.

Docteur Alioune DIOH

*  En langue wolof, la phonétique « Diome»  peut renvoyer à notion de  dignité absolue .