CORRESPONDANCE AUX ÉTATS-UNIS, STÉPHANE CUGNIER
L’histoire passionne les Américains depuis une semaine. Une famille du New Jersey a quitté précipitamment sa maison après avoir reçu plusieurs lettres menaçantes.
La mésaventure des époux Broaddus et de leurs trois enfants n’est pas sans rappeler celle ayant inspiré le film d’horreur « La Maison d’Amityville ». Derek et Maria pensaient avoir réalisé une affaire en or en faisant l’acquisition, pour 1,3 million de dollars, d’une très belle demeure de six chambres dans la jolie petite ville de Westfield, au cœur de l’État du New Jersey, à dix kilomètres seulement de Staten Island et vingt-cinq kilomètres de New York.
« Une surveillance étroite »
Le rêve a pourtant tourné au cauchemar. Peu de temps après leur installation, en mai 2014, les Broaddus ont commencé à recevoir des lettres émanant d’un inconnu se faisant appeler « The Watcher » (celui qui observe, NDLR). Dès sa première missive, l’auteur mystère distillait des messages troublants et terrifiants : « Cette maison fait l’objet d’une surveillance étroite de la part des membres de ma famille depuis des décennies. […] J’ai été chargé de prendre la relève de la surveillance et d’attendre son deuxième avènement. »
Plus loin, « The Watcher » précisait que son grand-père et son père, avant lui, avaient observé les lieux, avant de préciser : « Mon heure est maintenant venue. J’ai veillé sur cette maison durant près de vingt ans. Il serait préférable pour vous que vous ne rendiez pas cette habitation malheureuse. Toutes les fenêtres et portes me permettent de vous regarder et de suivre chacun de vos mouvements dans la maison. »
Plus menaçante encore, la lettre indiquait : « J’ai demandé aux Woods (les précédents propriétaires) de m’apporter du sang neuf. »Et, plus angoissant. « Qui a les chambres faisant face à la rue ? Je le saurai dès que vous aurez terminé d’emménager… Je pourrai ainsi m’organiser de manière plus efficace […] Je suis en tout cas ravi de connaître vos noms désormais et les noms des jeunes sangs que vous m’avez apportés. »
Ce premier courrier fut suivi de deux autres au cours des mois suivants, entraînant la famille Broaddus dans une spirale de stress, d’anxiété et de peur, quant à la réelle capacité de nuisance et de passage à l’acte de « The Watcher ». Enhardi, celui-ci poursuivit sa tactique de menace : « Je vois que les jeunes sangs ont joué dans la pièce au sous-sol. Vont-ils y retourner ? Ont-ils trouvé ce qui se cache dans les murs ? Le moment venu, ils trouveront… » Avant d’ajouter : « Lorsque je connaîtrai leurs noms, je les appellerai et les attirerai à moi… Je suis en charge de cette maison. »
Lettres anonymes
Effrayée et consumée par l’angoisse, la famille Broaddus a fini par jeter l’éponge et par abandonner la maison, un an seulement après son emménagement. Mise en vente, celle-ci n’a toutefois pas trouvé preneur. Sitôt informés des lettres anonymes, les acheteurs potentiels ont préféré passer leur chemin.
Avec une demeure, devenue invivable, sur les bras, Derek et Maria ont prévenu la police pour déposer plainte, avant de lancer une action en justice, accusant l’agence immobilière et les précédents propriétaires d’avoir eu connaissance des agissements du « Watcher » et de ne pas avoir pris la peine de les en informer lors de la vente. « Ces gens-là étaient si pressés de se débarrasser de leur maison qu’ils ont plongé une famille dans le drame sans aucun remords », indique l’avocat des Broaddus.
Informé des faits, le maire de la ville de Westfield, Andrew Skibitsky, a convoqué un conseil municipal extraordinaire mardi dernier pour évoquer ces lettres à glacer le sang et pour préciser que la police menait « une enquête méticuleuse et sans relâche ». Mais aucune interpellation n’est intervenue et « The Watcher » court toujours. Trois criminologues et plusieurs profilers du FBI ont été appelés à la rescousse pour résoudre l’affaire.
À Westfield, si certains habitants évoquent mollement une éventuelle « arnaque » de la part des Broaddus, d’autres affirment qu’un climat malsain a toujours régné autour de la maison incriminée. Plusieurs habitants sont même intervenus, lors du conseil municipal, pour raconter qu’ils avaient été intéressés par cette demeure quelques années plus tôt, mais que nombre de voisins avaient fortement déconseillé de le faire, sans préciser pourquoi.
Cité prédestinée ?
Pour l’heure, cette histoire reste mystérieuse, et ne fait qu’ajouter à la légende de la ville de Westfield. En effet, c’est dans cette petite cité résidentielle que vécut le dessinateur Charles Addams, auteur de la série de bandes dessinées « La famille Addams », adaptée ensuite au cinéma. L’intéressé puisa son inspiration dans sa ville natale et utilisa le décor des quartiers et des maisons pour créer son univers comico-morbide. C’est aussi dans cette cité du New Jersey que John List, surnommé le « Bogeyman de Westfield », assassina en 1971 sa mère, sa femme et ses trois enfants, avant de s’offrir une cavale de 18 ans.