Après Vivendi et son réseau de salles polyvalentes à succès, installées dans plus de huit villes d’Afrique dont Dakar, c’est au tour d’un autre géant français, Pathé, de viser le marché africain, avec l’implantation prochaine d’un complexe cinématographique impressionnant dans la capitale sénégalaise.
LE GRAND ÉCRAN RENAÎT EN AFRIQUE
Ce n’est plus qu’une rumeur de coulisse : la grande maison de production française Pathé a débuté les travaux de construction d’un grand complexe cinématographique d’une superficie de 5 000 m², répartie en sept salles et pouvant accueillir plus de 1 400 spectateurs à Dakar.
Ce complexe vient concurrencer les deux principaux espaces cinématographiques existant dans la ville, et témoigne de l’attention particulière que les investisseurs étrangers du monde du 7e art, portent depuis quelques années à l’Afrique subsaharienne.
L’implantation de salles commerciales de diffusion audiovisuelle connaît une certaine effervescence ces dernières années en Afrique subsaharienne. Le groupe Vivendi a procédé à l’installation de son réseau de salle Canal Olympia dans plus de huit capitales du continent et n’a pas fini son extension. À présent, c’est le groupe Pathé qui lui emboîte le pas avec la construction récente d’un énorme multiplexe à Abidjan, la capitale ivoirienne, et le lancement des travaux du complexe Le Mermoz, à Dakar. Ces investissements étrangers dans le 7e art en Afrique sont en train d’impulser du sang neuf à ce secteur qui se mourrait lentement.

Salle de Canal Olympia
UN VIEUX TRÉSOR DE LA CULTURE POPULAIRE AU SÉNÉGAL
Les capitales africaines sont pourtant férues de cinéma. Rien qu’à Dakar, il existait, jusqu’en 1974, près de 37 salles de cinéma, qui alimentaient la culture populaire et occupaient une jeunesse mondaine avide d’ailleurs, dans un contexte social où de nombreuses familles ne disposaient pas encore d’un poste de télévision.
Ces salles de cinéma dont l’évocation des noms (Le Roxy, El Mansour, Luxe, Le Paris, Palace, Rio, L’ABC), allume encore aujourd’hui des étincelles dans les yeux de Dakarois cinquantenaires ou même moins âgés, étaient au cœur de l’animation culturelle de la ville.

Cinema Le Paris, aujourd’hui détruit
Les films y étaient distribués par deux principales structures de gestion des salles, COMACICO et SEGMA, qui assuraient la diversité de l’offre en proposant chacune, dans leurs salles affiliées, différents films, provenant de Chine, des Etats-Unis, de l’Inde entre autres. Le secteur a ensuite connu une décadence avec la dissolution de la Société nouvelle de promotion cinématographique et privatisation de la SIDEC, chargée de la distribution des films.

La nostalgie des films d’antan
LE CLAP DE FIN D’UNE LONGUE PÉRIODE DE DÉCADENCE ?
Les nombreuses et très fréquentées salles de cinéma dakaroises se sont ensuite vues tristement désaffectées et reconverties en supermarchés, en centres commerciaux, en boîtes de nuit, certaines ont même été rasées pour laisser place à des immeubles.
Depuis, seules quelques initiatives privées continuaient de faire vivre le grand écran lors de projection éphémères dans des instituts, dans la rue, et quelques fois, comme par nostalgie ou par symbolisme, dans l’enceinte du vieux cinéma Empire, devenu depuis de nombreuses années, L’Empire des Enfants, un centre d’accueil pour enfants désœuvrés. Avec l’arrivée des nouvelles salles de cinéma dont dispose actuellement la capitale, cette période sombre du grand écran semble tout de même tirer à sa fin, pour le grand bonheur des Dakarois, en proie au manque criard d’activité et de structures de loisir et de détente dans leur ville.
De nombreuses questions demeurent cependant. Ces nouvelles structures viendront-elles renforcer le secteur du 7e art sénégalais, ou sont-elles juste dans une logique purement commerciale ? Permettront-elles une meilleure distribution des films « made in Sénégal » ou plus largement « made in Africa » ? L’État sénégalais a-t-il prévu des accords permettant au secteur du cinéma national de bénéficier d’une manière ou d’une autre des retombés de tels investissements ?

« Atlantique » de Mati Diop