ANALYSE : Le Sénégal vers le chaos… (Par Mamadou Mouth BANE)

Lorsque le président SALL tient des discours qui dégagent un parfum de déclaration de guerre à l’endroit des terroristes, on se demande s’il ne cherche pas à créer une situation d’exception qui pourrait demain, l’amener à reporter la présidentielle de 3 à 4 ans. Un pays en guerre ou en état d’urgence n’organise pas d’élection.

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Une attaque terroriste ferait l’affaire du pouvoir qui n’hésiterait pas une seule seconde à déclarer l’état d’urgence comme en France, et qui sait ce qui s’en suivrait ? Sall charme le danger en défiant ces fous de Dieu par des déclarations alambiquées et mal placées. Et le voilà encore engagé notre pays dans une coalition anti Daesh. Les maladresses, dans sa gouvernance, qui s’amoncellent sous nos yeux tels des amas d’ordures devant nos portes, vont précipiter notre pays dans le chaos : chaos économique, chaos politique, chaos sociale. 
Nous ne parlons pas de l’excellent état de santé de la mal gouvernance, ni de la corruption inscrit dans l’ADN de ce régime, ils feront l’objet d’une autre réflexion. Nous sommes plutôt  intrigués par les actes de défiance à l’égard du peuple, devenus symbole de cette seconde alternance. Macky défie son peuple. Ses menaces, signes extérieurs d’une faiblesse intérieure, ses déclarations subversives aveux d’impuissance, ses décisions impopulaires qui sont preuves d’incompétence et ses manœuvres  politiques qui heurtent la morale citoyenne, subodorent que nous allons tout droit vers le chaos. 
Chaos judiciaire
Ce pouvoir se sert de la justice pour satisfaire ses intérêts. Dès que celle-ci prend une décision qui ne répond pas à ses attentes, les magistrats sont injustement cloués au pilori. L’injustice porte en elle des germes conflictuels.  Elle peut engendrer l’humiliation, la frustration et un radicalisme source de débordement.  Des citoyens opprimés et victimes d’injustice peuvent se radicaliser pour défier l’Autorité. Et, un Gouvernement qui se gave d’injustice, un Etat qui viole ses propres lois,  est un mauvais exemple pour les citoyens. Le non-respect du contrat social par l’Autorité suprême provoque un effondrement de l’Etat. Or quand l’Etat s’effondre c’est le chaos. 
Depuis l’élection de Sall à la magistrature suprême, la gouvernance judiciaire souffre de graves manquements jamais connus sous nos cieux. Les Autorités qui devraient veiller à l’application stricte de la Loi, rejettent les décisions de justice. 
Le brouillant Ministre Moustapha Diop a, au vu et au su de tous les citoyens, chassé comme des malpropres des Magistrats de la Cour des comptes venus faire leur travail de contrôle de sa gestion. On s’attendait à une correction exemplaire de cet affront intolérable. Le président du Conseil supérieur de la Magistrat a préféré détourner son regard ailleurs pour se débiner devant ses responsabilités. Ils ont laissé le temps étouffer cette affaire. 
C’est sous le règne de Macky qu’on aura vu un Ministre de la République Serigne Mbaye Thiam pour ne pas le citer, défier l’institution judiciaire que représente la Cour Suprême. Plus grave encore, le Chef de l’Etat en personne a, par la suite, accroché une médaille d’or autour de son cou pour le soutenir dans son bras de fer avec cette Cour. Alors que, le jour de la condamnation de Karim WADE par cette même Cour, Macky avait du mal à retenir sa joie. Une preuve suffisante que pour nos gouvernants, la justice n’est juste que lorsque celle-ci décide en leur faveur, autrement, ils imposent leur volonté en lieu et place de la loi.  
SALL est un spécialiste du forcing, et il l’a bien montré avec ce ministre socialiste qui refuse tout dialogue avec les enseignants. On ne gouverne pas par des forcings. En 2012, lorsque tous les spécialistes du droit et les ONG s’opposaient à la réhabilitation de la CREI avec des arguments incontestables de droit, SALL avait fermé ses yeux et bouché ses oreilles. C’est après avoir condamné Karim qu’il s’est enfin rendu compte qu’il a commis une erreur qui pourrait lui être fatale avec «sa» CREI. 
En juin 2013, le procureur Général des Chambres Africaines Extraordinaires a ordonné l’arrestation d’Hissein HABRE alors que ce dernier avait 02 décisions de justice qui lui étaient favorables. Le Sénégal ne devait pas enjamber le principe de l’autorité de la chose jugée pour organiser ce procès. Macky refusera catégoriquement de suivre les conseils des Spécialistes en droit pénal international et des Experts à l’image du Professeur Kader BOYE. Il fait un autre forcing en organisant un pseudo procès en violation de tous les principaux de droit. 
En 2013, le Procureur Alioune NDAO  avait annoncé 28 dignitaires de l’ancien régime accusés d’enrichissement illicite. Seul Karim croupit en prison aujourd’hui. Ceux qui ont accepté de rejoindre l’Apr ont reçu leur quitus d’impunité. La carte de l’Apr garantit l’impunité dans ce pays sous le règne de Macky. Son propre frère et son épouse sont poursuivis devant la CREI et l’Ofnac, mais  ni l’un ni l’autre n’a été inquiété. 
Docteur Toussain Manga et 29 autres jeunes de l’Opposition sont en prison sans enquête, ni procès. Ils sont présumés coupables d’un délit imaginaire, jamais commis. Avant eux, Mlle Aminata Nguirane et le lutteur Bathi Seras ont séjourné en prison pendant plus de 06 mois puis libérés sans procès. Cette mal gouvernance judiciaire  et l’injustice sociale, signes particuliers de ce régime font craindre le pire dans ce pays.  
Chaos  politique
Sur le plan politique le chaos se manifeste d’abord par la prétention de SALL à vouloir ravaler toutes les grandes formations politiques du pays, au niveau de sa petite Apr. Après sa stratégie de démantèlement des partis comme le Pds, le Ps, Rewmi et l’Afp, il déroule son plan d’ensevelissement politique de ses potentiels adversaires à la prochaine présidentielle. Macky veut vaincre sans péril.  Il veut aller seul aux élections et gagner seul. Karim est son otage, il s’acharne sur Khalifa qui ne cache plus ses ambitions présidentielles, sa meute d’insulteurs agresse Idy sur tous les plateaux, Gackou ne cesse d’essuyer des coups de poing des «Apéristes», le couteau bien acéré de la CREI est sur la gorge BALDE qui résiste aux intimidations. 
L’incertitude qui plane sur sa réélection en 2017  pousse SALL à chercher le maximum de garanties avant l’annonce officielle de la date de la présidentielle. Il a échoué dans ses tentatives de briser ses adversaires mais il ne baissera pas les bras. 
Sall a bien compris que la dynamique unitaire de l’Opposition menace son second mandat incertain. C’est l’unique explication crédible qu’il faut donner à ses manœuvres au niveau de l’Assemblée pour casser le Groupe parlementaire de l’Opposition. L’Hémicycle est devenu un «Grand théâtre bis» où toutes les comédies politiques sont jouées. Cette bataille engagée au Parlement a davantage rapproché les leaders de l’Opposition. Macky ne cédera point. Son refus de fixer la date de la présidentielle est en réalité une preuve éloquente de sa peur évidente, d’aller aux urnes, faute de bilan à présenter aux Sénégalais, et d’hommes capables de lui assurer sa réélection au 1er tour, devant ses adversaires prophètes chez eux : Khalifa Sall (Dakar), Idrissa SECK (Thiés), Abdoulaye Baldé (Ziguinchor), Malick GACKOU (Guédiawaye) sans compter  Karim WADE otage candidat du Pds. 
SALL n’a pas de solution et ses atermoiements sur la date de la présidentielle et sur la réduction de son mandat, vont plonger le Sénégal dans un chaos aux conséquences incommensurables dans un contexte de menace terroriste accrue. Les Constitutionnalistes, les ONG, les partis politiques ont déjà lancé l’alerte sur les conséquences qui pouvaient découler de son refus d’aller aux élections en 2017.  Le non-respect de cette parole que le peuple a voulu sacré, ne sera guère sans conséquences. « Personne ne peut me forcer à dire que c’est demain le référendum » a déclaré SALL qui s’offusque des points de vue des Pr Pape Mody Sy et  Babacar Gueye inspirés par la morale et l’éthique politique.  
Macky oublie que seul le peuple est souverain. Les menaces voilées, les attaques au bas de la ceinture, les insinuations bien comprises et les infamies de ses partisans ne pourront pas infléchir la volonté du peuple. «La Nation c’est moi ! », semble dire SALL. Il réfléchit seul, décide seul et se trompe tout seul. Son solitude, son caractère suffisant, son allure suicidaire, son mépris de l’Opposition et des ONG, son insouciance face à la souffrance de la jeunesse constituent un cocktail d’ingrédients  explosifs qui vont entrainer notre pays dans un chaos collectif.  
Fichier électoral
Depuis 03 ans, l’Opposition est écartée du processus électoral. Plusieurs millions de cartes d’identité nationales vont s’expirer entre 2016 et 2017. Le pouvoir refuse d’ouvrir des concertations avec l’Opposition pour contourner les disfonctionnements que cette situation pourrait créer. La gestion du fichier est devenue  l’affaire exclusive de Benno Bok Yakar. Des commissions mobiles d’inscription sur les listes électorales ont été installées dans certaines permanences de l’Apr pour une production industrielle de cartes d’électeurs au profit du pouvoir. Voici autant de faits qui, demain, pourraient remettre en cause la crédibilité du scrutin. Ce sont également des germes d’une implosion sociale dont les tenants du pouvoir ne pourront guère échapper aux conséquences.  
Emploi des jeunes
Le Sénégal est assis sur une bombe. Plus de 60% des jeunes âgées en 23 à 45 ans sont des «sans emplois». Cette armée de chômeurs constitue une menace pour la stabilité du pays dans un contexte de menace terroriste. Plusieurs  jeunes sénégalais jadis «sans emplois» sont dans les camps d’entrainement de l’Etat islamique en Syrie, en Irak, à Aqmi, à Boko Haram etc… Un salaire mensuel de 150.000FCFA leur est alloué. Là où les puissances nucléaires comme les Usa et la France font profil bas devant ces organisations terroristes, SALL semble les inviter autour de la table à manger alors que nous n’avons aucun intérêt à déclarer la guerre aux terroristes. 
Les forcings
Macky est le spécialiste des forcings. Il ne respecte pas les règles du jeu, et son ambition aveuglante à vouloir s’imposer, l’amène à tripatouiller les règles au cours du jeu. La traque des biens mal acquis a fait des victimes et c’est maintenant que  SALL décide de réformer la CREI. Il force les barrages et refuse de ralentir devant les dos d’âne. Il force tout pour imposer sa volonté souvent aux antipodes de l’intérêt général.  Il défie la Cour suprême pour sauver son alliance agonisante avec le PS. Il viole les accords et les traités internationaux pour satisfaire ses intérêts politiques. 
Sall  a déchiré l’Arrêt de la Cour de Justice de la Cedeao. Il a brûlé l’Avis Groupe de Travail des Nations Unies.  Il a levé l’immunité parlementaire des députés de l’Opposition sans procès.  Il ne s’arrêtera pas en si bon chemin, car à l’Assemblée nationale il a fait du forcing pour priver l’Opposition d’un Groupe parlementaire.  
Face à cette Opposition lasse, éreintée et à bout de souffle, Sall fera encore du forcing pour aller jusqu’en 2019 et usera de cette même force publique pour s’auto déclarer vainqueur dès le 1er  tour même si les urnes disent le contraire. 
Mamadou Mouth BANE, Journaliste