France : Portrait d’une femme de la diaspora exemplaire, Mme Aïssata DEME Anne, Coordinatrice d’un pôle Insertion et Accès à l’emploi des jeunes âgés de 16 à 30 ans

Je m’appelle Aïssata ANNE, franco sénégalaise de 35 ans, ainée d’une fratrie de 6 enfants et originaire du village de Ndouloumadji Dembé dans la région de Matam au Nord-Est du Sénégal. Arrivée en France à l’âge d’un an, j’ai effectué toute ma scolarité en France et garde très peu de souvenirs de mon enfance au Sénégal. Mais, dès l’âge de 9 ans, mes parents m’envoyaient chaque année en colonie de vacances dans ma famille au Fouta. Il était, en effet, important pour eux d’entretenir nos liens avec notre pays d’origine et surtout de connaitre notre famille qui était restée là-bas.

Titulaire d’un diplôme d’état supérieur de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport avec une mention « Directeur de structure et de projets », ma nomination en qualité de Responsable d’un pôle Insertion et Accès à l’Emploi est la résultante de mes quatorze années d’expériences dans le domaine du développement social local (essentiellement auprès de familles, de jeunes issus de l’immigration) à des postes de Référente « Jeunes Majeurs », de Référente familles, de Référente de pôle culture et humanitaire et de Responsable d’un Bureau Information Jeunesse.

Dans le cadre du volet humanitaire, j’ai conçu, mis en œuvre et accompagné différentes actions entres autres

Ø  « Projet de lutte contre le paludisme au Sénégal » en 2007 qui consistait à sensibiliser les populations locales sur cette maladie qui fait des ravages avec une distribution de moustiquaires imprégnées aux plus démunies.

Ø  «L’opération de la cataracte » pour  accueillir et informer les patient-e-s et assister les médecins lors des opérations dans la région de Matam au Sénégal en 2010.

Pour ces différents projets, il s’agissait d’impliquer des jeunes dans la conception et la réalisation, le suivi et l’évaluation d’un projet en France et à l’étranger. La solidarité internationale était véritablement un levier pour favoriser l’insertion des jeunes en difficultés sociales et familiales.

Au poste de référente « Jeunes Majeur-e-s, j’étais confrontée à un public âgé de 16 à 25 ans ; je n’étais plus dans la démarche d’animation mais plutôt dans une logique d’accompagnement individuel ou collectif  du public jeune.

Sur le poste de référente famille, j’avais pour mission principale de mettre en place des projets en direction des familles tout en leur proposant des activités autour de la parentalité.

Suite à l’obtention de mon concours, j’ai été nommée au poste de Responsable du Bureau Information Jeunesse avec comme mission le développement de l’accès, sur l’ensemble du territoire,  des orientations stratégiques en matière d’information Jeunesse en direction des 16-25 ans, la coordination et l’ animation des relations avec les partenaires institutionnels et locaux  dans le cadre du réseau Yvelines Information Jeunesse, l’accompagnement  de porteurs de projets dans leurs démarches, la gestion de la structure Jeunesse (B.I.J) mais aussi le montage de dossiers de subventions ainsi que la gestion de marchés publics.

Depuis 2015, j’occupe le poste de Responsable du pôle Insertion et Accès à l’Emploi dont les missions principales sont la mise en place, le suivi et l’évaluation de projet, d’animation et management de mon secteur, le développement et animation des partenariats, des réseaux d’opérateurs et d’acteurs socio-économiques, l’accompagnement et l’assistance au montage des projets éligibles au titre des aides de la collectivité, le développement de projets liés à la formation professionnelle, d’insertion professionnelle et d’emploi, le suivi et contrôle de la gestion administrative et financière des marchés publics, des conventionnements et des dispositifs, l’élaboration de contrats d’engagement et d’un plan d’action avec le jeune.

Dès mes débuts dans l’univers de l’animation, j’ai compris mon rôle d’animateur socioculturel comme celui qui conçoit, organise et conduit des projets d’animation pour des publics très différents : enfants, adolescents, adultes et personnes âgées. Les activités éducatives, sociales, culturelles et récréatives mises en place visent la socialisation, la participation, la responsabilisation, l’autonomie et d’une façon plus générale, l’épanouissement des populations.

L’ensemble de mes expériences m’ont confortée dans mon choix de départ, à savoir de vouloir avant tout travailler avec les autres et surtout au service des autres.

C’est pourquoi, parallèlement à mon expérience professionnelle, je suis très engagée dans le monde associatif. Cet engagement puise sa source depuis ma plus tendre enfance dans la mesure où mes parents étaient des militants associatifs. En effet, en 1983, ils ont créé, avec des amis, l’association KJPF (Association pour la promotion de la langue et la culture peulh) qui a pour objectif de garder le lien avec les pays d’origine et de promouvoir la langue peulh. C’est ainsi que nous avons pu bénéficier de cours de peulh qui nous ont beaucoup aidé pour pouvoir dialoguer avec nos familles ici et là-bas. D’ailleurs  par la suite en passant mon baccalauréat, j’ai choisis une option peulh qui m’a permis d’obtenir des points supplémentaires pour mon baccalauréat Economiques et Sociales.

Un autre objectif de l’association était l’accompagnement des familles de manière administrative pour une intégration « réussie » en France avec un rassemblement annuel des familles dans le cadre de journées culturelles ou de sorties  de familles à la découverte du patrimoine français.

Mes parents font également partie de l’association des ressortissants de notre village et s’investissent depuis 40 ans pour le développement du village en construisant des infrastructures (école, dispensaires, collège, lycée, marché). Ils m’emmenaient donc aux réunions depuis mon jeune âge, d’où mon engagement bénévole depuis mes 15 ans.

Cela a commencé en 1999 par un poste de Secrétaire générale, lorsque l’association des ressortissants de Ndouloumadji Dembé a décidé de créer une cellule jeune pour justement assurer la relève et que l’on puisse s’impliquer autrement avec nos compétences et nos connaissances.

De 2007 à 2010, j’ai également été secrétaire Générale de l’Alliance Sports Loisirs avec l’idée de travailler sur une école de football et des activités périscolaires pour utiliser le sport comme outil d’éducation. Notre association a été primée, en 2009, par l’agence Nationale pour l’éducation par le sport.

De 2007 à 2012, j’ai aussi occupé les postes de Vice-présidente puis présidente de l’association  Ndouloum au Féminin. Cette association qui réunit les jeunes filles et femmes originaires de notre village, a pour objectifs de développer des actions pour l’autonomisation des femmes et aussi de travailler sur la problématique de la santé. Nous avons ainsi organisé au village, une campagne de dépistage du diabète et mis en place des ateliers de cuisine par un échange culinaire avec les mamans. 

En mai 2013, j’ai  fondé l’association Cœur du FOUTA pour non seulement apporter un appui à nos parents qui se sont engagés depuis plus de 40 ans, mais surtout prendre la relève de leurs engagements.

L’association Cœur du Fouta est essentiellement composée de membres français d’origine d’étrangère, conscients que cette notion de double culture est une richessequi amène parfois à des questionnements. En effet, le jeune issu de l’immigration reçoit ou possède de nombreuses références identitaires des parents de nationalités étrangères, un nom étranger et à la maison une autre culture que française dans un environnement de culture française. Il doit donc gérer sa dualité culturelle.

Les projets menés par l’association nous ont permis de recevoir le 2ème prix dans le cadre du prix jeunesse et migration organisé par le GRDR, ce qui nous a permis de participer à un forum en Italie où nous avons pu présenter un plaidoyer sur l’engagement des jeunes au sein des associations de solidarités issus des migrations.

L’association regroupe différents jeunes de différents pays venant d’horizons divers. C’est ce brassage culturel qui représente notre force. Nous sommes présents sur la région Ile-de-France et animons des ateliers sur la migration et le développement et aussi sur la place des jeunes au sein des associations.

Nous avons aussi été lauréats du 3e prix de l’édition du Prix  MADIBA qui avait pour thème «  le vivre ensemble ne se décrète pas il se construit » décerné par le FORIM pour l’initiative « Générations solidaires ». La reconnaissance de l’association se traduit également par le fait que je la représente comme membre du jury Yvelines coopération Internationale et développement (YCID) au niveau du département à la commission d’attribution au niveau du soutien aux associations (financements).

En octobre 2016, nous avons organisé la 2e édition de notre forum solidaire qui consiste à favoriser l’engagement des jeunes dans des associations de solidarité internationale avec des ateliers sur le thème de la citoyenneté, du vivre ensemble, de la place des jeunes. Et lors de ce forum, nous avions eu l’immense plaisir d’accueillir des artistes notamment  BAABA MAAL qui est un artiste peulh de renommée internationale et qui est également ambassadeur auprès du Programme des Nations Unies.  La présence et le soutien  de ces personnalités permettent de valoriser nos activités et nos actions et d’avoir une réelle visibilité. D’ailleurs, l’association a été nommée Ambassadeur de son Mouvement nommé NANN-K pour favoriser l’aide au développement de l’Afrique par le biais de l’élevage, la culture, la pêche et le numérique. Les objectifs de notre association sont en cohérence avec les objectifs du mouvement.

Depuis l’année dernière, nous travaillons beaucoup sur l’autonomisation des femmes au Sénégal dans le cadre de la dimension genre que nous mettons au centre de nos actions.

Nous aurons cette année, à la fin du mois d’octobre, la 3e édition de notre forum sur le thème de l’engagement et l’insertion des jeunes par la solidarité internationale. Nous avons également pour projet phare de créer une promotion de jeunes issus de la diaspora sénégalaise qui souhaitent s’investir dans le développement économique de leur pays en leur permettant de créer une activité génératrice de revenus.

Depuis 2016, je suis membre du bureau et du conseil d’administration du  RACIVS (Réseau des Associations de Coopération Internationale du Val de Seine) qui est un réseau qui réunit 80 associations que nous accompagnons dans la création et la mise en place de projets, par l’organisation de conférences citoyennes sur le thème du vivre ensemble ou l’organisation de formations pour la montée en compétences des bénévoles de ces associations de solidarités.

Je suis également représentante de parents d’élèves et participe aux conseils d’administration, aux conseils de classe, aux conseils de discipline et aux commissions spécifiques.

A la lecture de mon parcours, on pourrait croire que je n’ai pas vécu des moments difficiles. Pourtant, cela n’a pas toujours été facile pour les concours de la fonction publique où lorsque j’échouais, je me motivais pour le repasser l’année suivante. C’est par l’obtention de ces concours et de diplômes que j’ai pu obtenir des postes à responsabilités, ce n’est pas toujours simple, surtout lorsque l’on est une femme.

Conjuguer la vie familiale, professionnelle et extra professionnelle n’a pas toujours été simple. Je remercie mes parents de nous avoir transmis les valeurs du travail, de l’amour et de la persévérance. Dans la vie quand on veut quelque chose, il faut s’en donner les moyens. Et ce sont ces valeurs qui ont été mon leitmotiv.

Je considère ma double culture comme une richesse. Sénégalaise de par mes parents et française parce que j’ai grandi, étudié et travaille ici en France. Mon équilibre se trouve dans le respect de ces deux cultures.  J’ai toujours gardé les liens forts avec la famille en Afrique avec les cousins, oncles et tantes. J’y vais tous les deux ans avec mes enfants.

Nos parents nous ont toujours poussés dans notre parcours, parce qu’il était important d’avoir une place dans la société, car ils n’ont pas eu cette chance. Soutien, qui s’est traduit dans le parcours d’étude de mes frères et sœurs qui ont tous poursuivis de grandes études. Mon père était ouvrier spécialisé chez Renault et ma mère femme au foyer. Ils aspiraient que nous ayons un meilleur vécu.

Le mot persévérance résume bien mon parcours parce qu’à un moment de ma vie, j’ai eu des périodes de doute en ayant une année blanche ou une année de réflexion sur moi-même. Je me suis raccrochée dans les valeurs de la famille.

Comme on peut le voir dans le monde, nous avons des femmes leader et, dans la société africaine, la femme à toute sa place, mieux elle est la base de la société africaine.

Je trouve cette campagne très importante parce qu’elle permet la valorisation des femmes et l’encouragement par des parcours qui peuvent être une vitrine pour d’autres. Je remercie donc le FORIM pour cette initiative.

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