L’Agriculture, Levier Performant du Plan Sénégal Emergent par Dr Omar NDIAYE, Économiste – CCR/France

L’agriculture sénégalaise a connu dans le passé un problème structurel lié à la baisse régulière de sa contribution au produit intérieur brut (PIB) alors qu’elle regroupe la majorité de la population.

Le Plan Sénégal Emergent (PSE), unique cadre de référence des politiques publiques, est la solution à ce problème structurel. Les statistiques de la Banque Mondiale sur les composantes du PIB et les excellentes performances du secteur agricole en 2015 le confirment, faisant du Sénégal un pays en route vers un modèle de transition agricole comparable à celui des pays émergents.

La hausse record de 57% de la production agricole en 2015 certifie que les initiatives du Président Macky Sall pour transformer l’agriculture sont judicieuses.

Est donc avérée la pertinence du choix de l’agriculture, devenue plus productive et orientée vers une logique d’accumulation, comme moteur de la croissance en vue d’assurer la transformation structurelle de l’économie, l’autosuffisance alimentaire, le décollage industriel et l’émergence du Sénégal.

Situation de l’agriculture sénégalaise

L’agriculture ou secteur agricole ou encore secteur primaire est composée du sous-secteur agricole, des sous-secteurs de l’élevage, de la pêche et de l’aquaculture, de la foresterie.

Elle a des effets induits sur l’ensemble de l’économie.

Principales productions du sous-secteur agricole: arachide, riz, mil, sorgho, coton, mais, fonio, niébé, canne à sucre, manioc, produits horticoles.

Elle est essentiellement de type familial avec 95% des agriculteurs du pays et 5% seulement constitués de gros producteurs disposant de superficies plus importantes et des moyens de plus en plus modernes.

Elle était caractérisée par sa faible productivité et demeure fortement sensible à la volatilité des cours mondiaux des matières premières. En outre, le sous-secteur agricole et celui de l’élevage se caractérisent par une forte vulnérabilité face aux aléas climatiques et à la menace acridienne. Les chocs exogènes et endogènes sont donc des paramètres pesants, source de détérioration de la position extérieure de l’agriculture sénégalaise.

Sa croissance annuelle était plus faible que celle de la population mais elle est projetée à 5,2% en 2015, supérieure au croît démographique égal à 2,5%.

Parmi les autres difficultés, il y a, entres autres, la vétusté des équipements, l’état de dégradation des infrastructures, la qualité des semences, les problèmes foncier et de financement, la raréfaction et l’épuisement des ressources (problème des biens communs), la surpopulation, le suremploi.

Face aux disfonctionnements et difficultés du système agricole, diverses politiques et réformes structurelles ont alors été mises en place : intervention de l’État (années 1960), Nouvelle Politique Agricole (NPA), Politique d’Ajustement du Secteur Agricole (PASA) et Lettre de Politique du Développement Agricole (LPDA) dans les années 1980 et 1990 respectivement, Loi d’Orientation Agro-Sylvo-Pastorale (LOASP) en 2004 couplée avec la Politique Agricole de l’Union (PAU) définie au sein de l’Union Economique et Monétaire de l’Ouest Africain (UEMOA), plan REVA (Retour Vers l’Agriculture) en 2006, Grande Offensive Agricole pour la Nourriture et l’Abondance (GOANA) en 2008, la Stratégie de Croissance Accélérée (SCA) à travers sa grappe « agriculture et agro-industrie » en 2008.

Toutes ces politiques et réformes structurelles n’ont pas réussi à rendre l’agriculture performante et à accroître durablement sa part dans le PIB. En effet, en considérant les données de la Banque Mondiale relatives aux composantes du PIB sur toute la période 1979-2014, cette part a atteint le niveau historiquement bas, en valeur absolue, de 13,8% en 2007 avec l’ancien régime libéral qui a abîmé l’agriculture.

Cette part atteint seulement 16,1% en moyenne en 2002-2004, période de passage de Monsieur Idrissa Seck à la primature, d’après les statistiques de la Banque Mondiale (15,5% en 2002 ; 17,2% en 2003 ; 15,7% en 2004). La gestion de l’ancien Premier ministre Monsieur Idrissa Seck s’est donc traduite par une contreperformance désastreuse, plongeant paysans, pasteurs et pêcheurs dans une profonde détresse.

Par contre, cette institution soutient que la contribution de l’agriculture à la formation du PIB a sensiblement augmenté sous la gouvernance du Président Macky Sall avec un taux moyen de 17,3% en 2013-2014 soit un différentiel de 1,2% par rapport à la gestion de l’ancien Premier ministre Monsieur Idrissa Seck contre 16,2% en 2011-2012 soit un différentiel de 1,1% par rapport à la gestion l’ancien régime libéral.

En valeur absolue, la part de l’agriculture dans le PIB est de 17,2% en 2014 (15,7% en 2011) contre 24,0% pour l’industrie et 58,8% pour les services avec les télécommunications et les services financiers surtout.

Emploi par secteur d’activité en 2014 (en % de l’emploi total//chiffres arrondis) : agriculture : 33,7% ; industrie : 14,8% ; services : 36,1%.

Ces résultats positifs font suite aux initiatives du Président Macky Sall avec en particulier le Plan Sénégal Emergent mis en œuvre depuis 2014.

D’après l’enquête de Afrobaromère publiée le 11 décembre 2015 portant sur la perception des Sénégalais sur le PSE, « les ruraux sont les plus enclins à soutenir que le PSE peut contribuer à promouvoir le développement économique du pays et à créer des emplois pour les jeunes ».

Quelques objectifs et actions du PSE 

Autosuffisance en riz en 2017, mise en place de 100 à 150 fermes agricoles et de 150 à 200 microprojets, de corridors céréaliers, établissement de trois (03) pôles de transformation agroalimentaire (agropoles intégrées) pour le développement d’une agro-industrie à haute valeur ajoutée dans le domaine de la transformation des fruits et légumes, des huiles, des produits laitiers, des céréales et de l’aviculture, relance de la production nationale d’arachide (objectif de production de 1 million de tonnes d’ici 2017, développement de la production d’arachide de bouche et substitution de 20-30% de la consommation d’huiles importées par des huiles d’arachide produites localement, développement d’une aquaculture compétitive par la création de stations de production, érection de pôles industriels intégrés de transformation industrielle et artisanale, diversification (100-130 projets) des sources de revenus agricoles pour les agriculteurs, développement accéléré des filières clés d’élevage (bétail-viande, lait, cuirs et peaux, aviculture), mise en place des infrastructures et équipements pastoraux, écoulement des produits, amélioration de la santé animale et des conditions sécuritaires ainsi que des financements appropriés, investissement dans la recherche et le développement de semences de qualité, promotion des PME/PMI, réforme foncière, création du FONGIS, du FONGIP, de la BNDE.

Autres réalisations du PSE

Modernisation et industrialisation du sous-secteur agricole avec la création de domaines agricoles et la fourniture de tracteurs, prix au producteur de l’arachide plus rémunérateur (200 FCFA/kilo), subvention des semences et des engrais, annulation de la dette des acteurs ruraux, distribution de vivres de soudures et d’aliments de bétail, fonds de soutien à l’élevage, aménagement de pistes de production, promotion du Fonds National de Recherches Agricoles et Agroalimentaires (FNRAA), opérationnalité du Programme des Domaines Agricoles Communautaires (PRODAC) qui ambitionne de créer 300 000 emplois sur cinq ans, mobilisation effective de 306,8 milliards de francs CFA en faveur de l’agriculture dans le cadre du Programme d’Actions Prioritaires (PAP) du PSE, vote du projet de loi No 03/2015 modifiant certaines dispositions du code général des impôts afin d’améliorer l’environnement des affaires et de faciliter l’accès à la terre des investisseurs.

En 2015, augmentation de la production agricole de 57% en volume par rapport à 2014 dans le cadre du Programme de Relance et d’Accélération de la Cadence de l’Agriculture Sénégalaise (PRACAS) :

Céréales : 2 271 082 tonnes soit une hausse de 82% par rapport à 2014.

Riz : 917 371 tonnes de paddy soit une augmentation de 64%.

Le Sénégal est bien sur la voie de l’autosuffisance en riz dès 2017.

Arachide : 1 121 474 tonnes soit une hausse de 64%.

Production horticole : 1 133 430 tonnes.

Coton : 31 000 tonnes soit une augmentation de 8%.

Ces performances attestent que la transition agricole du Sénégal est en cours au vu de la hausse continue de la productivité et de la production agricoles. Cette transition agricole est comparable à celle des pays émergents. En effet, l’essor de l’économie urbaine et du secteur informel au Sénégal est de nature à absorber le surplus de main d’œuvre agricole et à offrir des marchés à l’agriculture. En outre, les progrès de l’agriculture familiale grâce au PSE permettent d’espérer le développement d’une économie non agricole en milieu rural pour employer le surplus de main d’œuvre agricole.

Les performances susmentionnées vont se traduire par des effets induits positifs dans l’économie : croissance du PIB, création d’emplois, réduction de la pauvreté et des inégalités, amélioration de la sécurité alimentaire, hausse des exportations de produits agricoles et des recettes fiscales, réduction des déficits de la balance commerciale et de la balance des paiements, accroissement de la productivité globale de l’économie, développement de l’industrie.

Concernant l’industrie, notons que dans la vision orthodoxe des schémas du développement industriel, l’agriculture est une source de l’industrialisation. Parmi les facteurs nécessaires à une industrialisation équilibrée, il y a la hausse de la productivité dans l’agriculture. Tout d’abord, dans une économie à population essentiellement rurale comme celle du Sénégal, cette hausse permet une progression du revenu par tête, qui s’accompagne d’une diversification de la demande vers les produits manufacturés (lois d’Engel). En outre, les progrès agricoles permettent de noircir la matrice interindustrielle avec la multiplication des échanges entre les secteurs de l’économie : achat de produits industriels par le secteur primaire, vente de produits agricoles au secteur secondaire qui va les transformer. Les exportations agricoles fournissent des devises nécessaires à l’industrie (achats de biens d’équipement et de matières premières) ; à l’inverse les exportations industrielles peuvent aider l’agriculture.

Une épargne croissante en provenance de l’agriculture autorisera davantage d’investissements industriels, tandis que les transferts de main d’œuvre, grâce à l’amélioration de la productivité dans le primaire, permettront la croissance du secteur secondaire.

Peu de pays échappent à ce préalable à l’industrialisation qu’est le progrès agricole, en dehors de quelques Etats très ouverts au commerce international (exemples : Hong Kong, Singapour) ou ceux qui peuvent investir le produit permanent d’une rente (économies pétrolières : Algérie, Arabie Saoudite, …).

Préconisations :

– Promouvoir une croissance plus inclusive en impliquant davantage le secteur privé national dans l’agriculture, lui faisant bénéficier éventuellement de la préférence nationale dans la mise en œuvre du PSE. En outre, il faudrait une économie mixte où l’Etat crée un cadre stratégique et favorise une dynamique privée entrepreneuriale. Il y a moyen de se servir de l’exemple du modèle asiatique, lequel repose sur un secteur exportateur subventionné, une industrie destinée au marché intérieur protégé, une grande flexibilité du système productif et une libéralisation interne permettant la constitution d’un vrai marché sous l’impulsion d’un Etat fort.

Il importe de souligner qu’aujourd’hui la croissance sénégalaise est forte : 5,1% au moins en 2015 et 6% environ en 2016 de croissance réelle du PIB d’après le FMI. Mais cette croissance profite plus au reste du monde qu’aux agents économiques nationaux. Elle n’est pas encore suffisamment inclusive pour satisfaire pleinement la demande sociale. Pour cela, il faudrait notamment exploiter l’opportunité qu’offre le renversement de tendance, très favorable, observé dans l’agriculture depuis 2013 et faisant du Sénégal un pays en transition agricole.

– Concéder des droits de propriété (existence de lois protégeant la propriété privée et application de ces lois) de nature à encourager l’investissement privé et à faciliter l’accès au crédit pour les occupants du domaine national. Par ailleurs, les organismes de financement doivent cesser de surévaluer le risque associé aux acteurs et d’exiger des primes de risque élevés. La commission chargée de la réforme foncière et les autorités compétentes devraient veiller à cela. Rappelons que les systèmes politiques ayant conduit à des droits de propriété sûrs et clairement définis ont été la source de la prospérité de l’Occident.

– Accélérer la maîtrise de l’eau.

– Créer des mécanismes de stabilisation capables de faire le lissage des fluctuations des cours mondiaux de produits agricoles puisque les lois du marché ne peuvent fonctionner sans « garde fou » et sans organisation.

– Améliorer la compétitivité extérieure du Sénégal par des réformes servant de fondement à l’expansion et à la diversification de la base d’exportation du Sénégal, à l’amélioration de la qualité des produits et à la baisse des coûts de production.

– Résoudre le problème des biens communs: Le PSE doit être attentif à la question de l’épuisement de ressources dans le sous-secteur agricole, le sous-secteur de la pêche et l’industrie. C’est la résolution du problème des biens communs, les « Commons », qui est ainsi posée. La tragédie des biens communs est considérée comme une classe de phénomène économique décrivant une compétition pour l’accès à une ressource limitée, menant à un conflit entre intérêt individuel et bien commun. Pistes de solutions : repos biologique pour la pêche, fourniture d’intrants agricoles adaptés.

– Utiliser avec efficiente les moyens institutionnels : La priorité devrait aller aux réformes de nature à réduire au maximum les interventions injustifiées de l’Etat sur le marché. Il faudrait par exemple remplacer les restrictions à l’importation de produits agricoles par des tarifs douaniers.

– Alléger la charge fiscale de l’agriculteur en libéralisant les prix, la commercialisation et en réduisant la protection dont bénéficie l’industrie.

– Affecter 30% des transferts de revenus faits par les émigrés dans l’économie agricole.

Dr Omar NDIAYE

Économiste

Convergence des Cadres Républicains / CCR-France

Coordonnateur Adjoint de la section APR de Tours