L’incontestable succès diplomatique de la médiation du président Macky Sall sur la crise au Burkina Faso. Par son excellence Cheickh Sadibou Diallo

« Dans un continent où les putschistes se multiplient, la paix est mise à mal. Comment la maintenir ? Le symbole de la colombe tente de résister sous les bombes et autres assauts de balles. Et pourtant la paix est l’objectif fondamental de tout Homme d’Etat. (Eloge de la paix).

ch.-sadibou
L’Afrique est sans conteste le continent qui détient le record des coups d’Etat au monde. Peu après la vague des indépendances dans les années 1960, les conflits sociopolitiques nés de la création des Etats postcoloniaux a engendré l’ingérence obsédante des armées nationales dans le jeu politique. Au subterfuge que les militaires sont les seuls répondants de l’unité et de la stabilité en période de crise. Mais ce ne sont pas toujours ces conjonctures qui entraînent ces coups d’Etat en Afrique. Il y a aussi la tentation effrénée du pouvoir, comme c’est le cas au Burkina Faso où pendant près de 30 ans les militaires ont dirigé le pays, ce sont assurément les intérêts, privilèges et les honneurs qu’ils procurent. Certains pays, comme le Bénin se sont même rendus célèbres par le passé, en devenant le «champion des coups d’Etat militaires, toutes catégories confondues» en Afrique. Il y a, certes, coup d’Etat et coup d’Etat, cependant bon nombre d’entre eux, et non des moindres, ont été vraiment foireux.
A l’issue favorable de la crise que vient, une fois de plus, de traverser le Burkina Faso par un coup d’Etat, provoquant la mort de quinze burkinabés et une centaine de blessés, on peut aisément énoncer, qu’après la médiation harmonisée par le Président Macky Sall, venu au lendemain du putsch, au nom de la Cedeao, assisté de son homologue béninois pour, d’un premier temps, apaiser la tension, calmer les esprits, ensuite instaurer le dialogue et procéder avec solennité à des consultations avec les militaires, les hommes politiques et la société civile durant trois jours à Ouagadougou, les tractations se sont soldées par un projet d’accord de sortie de crise en 13 points et acceptés par toutes les parties.
C’est ainsi que les deux Chefs d’Etat se sont rendus au siège de la CEDEAO à Abuja, pour soumettre à leurs homologues le projet d’accord politique. Ce «shéma de sortie de crise préconise le retour au pouvoir du Président de la transition entamée en novembre 2014 Michel Kafando, la participation aux prochaines élections de tous les partisans l’ancien président exclus, et le retrait des militaires du gouvernement burkinabé. Il propose la tenue, au plus tard, le 22 novembre, des élections présidentielles et législatives prévues initialement le 11 octobre. Le texte préconise aussi la cessation immédiate de toutes les violences au Burkina Faso et l’adoption d’une loi d’amnistie, au plus tard le 30 septembre, en faveur des auteurs du putsch. Il convient de souligner que cette recommandation du vote d’une loi d’amnistie pour les auteurs du putsch, a été fortement critiquée par les hommes politiques et les leaders de la société civile burkinabé. C’est ce qui a certainement motivé le Président en exercice de la Cedeao mercredi à Abuja, devant ses pairs de devoir exposer les raisons pour lesquelles la proposition d’une loi d’amnistie figure sur le projet d’accord : « Cette proposition n’a pas pour but d’encourager l’impunité, mais de promouvoir la réconciliation nationale. Toutes considérations faites, il reste la question vitale de la réconciliation nationale, sans laquelle aucune cohabitation n’est possible au sein d’une nation indivisible. On peut humainement comprendre et accepter les frustrations et les rancœurs, mais quand on est condamné à bâtir un destin commun, arrive un moment de l’histoire où il est tout aussi commun vouloir de vie commune. C’est cela l’objet de la proposition d’amnistie contenue dans le projet d’accord que j’ai présentée dimanche aux protagonistes de la crise née du coup d’Etat du 17 septembre au Burkina Faso». Et d’ajouter en conclusion : «Il s’agit de contribuer à l’apaisement des cœurs, de favoriser la concorde nationale et d’ouvrir la voie à une dynamique de paix. De l’avis du Président de la République du Sénégal, « ce que d’autres peuples ont réussi, y compris pour vaincre l’odieux système d’apartheid en Afrique du Sud, nous considérons que le peuple burkinabé a la même grandeur d’âme et le même esprit de dépassement, pour le réussir et surmonter cette phase critique de son histoire». Voilà en toute conscience ce qui fonde la proposition d’amnistie.
La rationalité et la bonne foi exhortent de convenir que le Président Macky Sall, Président en exercice de la Cedeao et son homologue béninois Thomas Boni Yayi ont réussi leur incontournable médiation. Car, s’ils n’y si étaient pas rendu assez tôt pour enrayer la spirale de violence qui commençait à déchirer le Burkina Faso depuis Jeudi 17 septembre et qui avait déjà fait au moins 15 morts, la situation aurait été plus difficile à trouver une solution aussi rapide. On peut donc aisément affirmer que la présence bénéfique des deux Chefs d’Etat aura, au nom de la Cedeao, permis au Chef de file du putsch le Général Gilbert Diendéré d’avoir une porte de sortie honorable : rendre le pouvoir et Michel Kafando de reprendre ses fonctions et attributions sans difficultés. Quant aux recommandations énoncées dans le « projet d’accord », après que le fracas des armes se soit tu, pour le pardon et la réconciliation nationale, c’est au peuple souverain burkinabé d’en décider.
Comme l’a si bien formulé Maître Alassane Dioma Ndiaye, Avocat au Barreau de Dakar : «L’Union africaine n’a pas fléchi de sa contenance à l’endroit des putschistes, la Cedeao qui a tenté des négociations a fini par se ranger de la position de l’Institution africaine. La communauté internationale ferme dans sa condamnation, s’est conformée jusqu’au bout à sa décision, la résistance qui s’est organisée au niveau de la société civile du Burkina Faso n’a pas vacillée d’un pouce ; d’où la démarche cohérente de toutes ces parties qui ont fait céder les militaires. Ce sera un test grandeur nature, parce qu’il faut qu’à partir de ce qui se passe au Burkina Faso, qu’on ait désormais une jurisprudence qui ne pourra plus jamais être remise en cause. Et de la gestion que nous ferons de cette crise, dépendra l’avenir de ces coups de force anticonstitutionnels en Afrique».

Son Excellence Monsieur Cheickh Sadibou DIALLO
Conseiller Spécial du Président de l’APR
Administrateur de la DSE APR Francea