Moussa Ibn Yacoub, cet humanitaire français arrêté et détenu au Bangladesh

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« Je suis plus ou moins en prison. Je suis enfermé depuis hier matin. » Mardi 22 décembre, un humanitaire français, membre de l’ONG Baraka City, confirmait dans un message audio son incarcération à Teknaf, dans le sud du Bangladesh. Parti dans le cadre d’une mission humanitaire pour venir en aide aux Rohingya, une minorité musulmane persécutée en Asie du sud-est, Moussa Ibn Yacoub comparait depuis le 31 décembre pour « activités suspectes ».

Le ministère français des affaires étrangères l’a déclaré « sous protection consulaire habituelle ». Deux semaines après le début de son emprisonnement, le juge a annoncé mardi 5 janvier que Moussa Ibn Yacoub serait maintenu en détention à cause de la gravité des faits qui lui sont reprochés.

Depuis sa conversion à l’islam, Puemo Maxime Tchantchuing préfère qu’on l’appelle par son nom musulman, Moussa Ibn Yacoub. Responsable du continent asiatique au sein de l’association caritative islamique Baraka City, ce Français devait rejoindre les camps de fortune bangladais pour venir en aide aux Rohingya : « Une cause pour laquelle il serait prêt à tout risquer », selon Salah, un ami proche interrogé par Le Monde, avec qui il a effectué ses premiers voyages humanitaires en Birmanie.

La mission de Moussa se limitait à faire un bilan de la situation sur place. Alors qu’il n’avait pas encore atteint les camps où il souhaitait se rendre, Moussa a été interpellé dans le district de Cox’s Bazar, dans le sud du pays. Il raconte dans le message audio envoyé à l’association le 22 décembre : « Les faits qui me sont reprochés, c’est que j’ai visité des écoles à Cox’s Bazar. (…) La deuxième chose, c’est mon prénom. »

Les autorités bangladaises ne comprennent pas pourquoi le nom de « Moussa Ibn Yacoub », inscrit sur des lettres qu’il transportait avec lui, ne figure pas également sur sa carte d’identité. Elles le soupçonnent, semble-t-il, de préparer des opérations terroristes.

Perquisitions en France

Des suspicions similaires, provenant cette fois de l’Etat français à l’encontre de l’association, avaient donné lieu à des perquisitions menées fin novembre dans le cadre de l’état d’urgence, en vigueur depuis les attentats du 13 novembre. L’ONG avait alors publié l’arrêté de perquisition sur sa page Facebook. Le préfet y déclarait que Baraka City était « connue pour être une ONG islamique dont les membres musulmans fondamentalistes effectuent régulièrement dans le cadre de leur activité humanitaire des voyages en Syrie ».

Née en 2010, Baraka City se définit comme une « association humanitaire islamique », avec pour but de « réunir et fédérer l’oumma [communauté des musulmans] autour d’une cause juste, aider les populations les plus démunies autour des valeurs humaines et islamiques, avec l’agrément d’Allah ». Face aux suspicions, le président de l’association, Idriss Sihamedi, se défend : « Je ne me revendique pas comme salafiste. C’est un mouvement plus idéologique que théologique. Moi, je suis musulman. » S’il déclare « comprendre » les perquisitions perpétrées dans le contexte des attentats, il se désole pourtant aujourd’hui de « beaucoup d’amalgames » au sujet de l’ONG, notamment du fait d’élus locaux français

Si Baraka City développe principalement ses actions à Gaza, en Syrie, et dans plusieurs pays africains comme le Togo, Idriss Sihamedi insiste sur le seul but « humanitaire et militant pour les droits de l’homme » de son organisation. En 2012, le témoignage de Moussa sur les Rohingya en Birmanie convainc l’association de s’investir alors en Asie du Sud-Est. « C’est lorsqu’on apprend que les conditions les plus dures sont au Bangladesh que Moussa décide de s’y rendre », déclare Salah.

Camps de fortune surpeuplés

Près de 200 000 Rohingya seraient installés au Bangladesh selon le Service d’aide humanitaire et de protection civile de la Commission européenne (ECHO). Fuyant en masse les exactions commises en Birmanie, cette communauté musulmane vit pour sa grande majorité dans des conditions alarmantes, où les commodités de base telles que la nourriture et l’eau manquent cruellement.

Deux camps d’accueil sont aujourd’hui gérés par le Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR) à Kutupalong et Nayapara, près de la frontière birmano-bangladaise. Seuls 32 713 des Rohingya y sont enregistrés et bénéficient du statut particulier de réfugié. Ce faible nombre s’explique par une politique restrictive du gouvernement bangladais, qui craint une arrivée massive des Rohingya venant de Birmanie. La grande majorité des réfugiés rohingya sont considérés au Bangladesh comme des « migrants clandestins » et se regroupent dans des camps de fortune surpeuplés, dans le district de Cox’s Bazar. 

En 2010, Médecins sans frontières (MSF) estimait que, « dans un pays densément peuplé où le travail, l’espace vital et les ressources sont disputés par la population au niveau local, les Rohingya apatrides demeurent extrêmement vulnérables ». La situation n’a que très peu évolué depuis, et le manque d’espace vital, de structures et de ressources sont les motifs de nouvelles violences perpétrées contre ce peuple en exil, bien que le Bangladesh soit un pays à majorité musulmane.