Réfugiés, migrants, sans-abri : refuser la concurrence entre les précaires

On entend qu’avant d’aider ceux qui arrivent, il faut d’abord aider ceux qui sont déjà là, voire ceux qui sont nés ici. Ce positionnement est dangereux et contraire à la dignité humaine et aux droits fondamentaux.

810797-000_par8204764Réfugiés, migrants, sans-abri : refuser la concurrence entre les précaires

Depuis que le gouvernement français s’est engagé à accueillir 30 700 migrants Syriens, Irakiens et Erythréens menacés par la guerre et la dictature d’ici 2017, nous voyons monter une polémique nationale sur une prétendue concurrence entre les précaires dans leur accès au logement et à l’hébergement.

L’élan de solidarité porté par les citoyens, élus et associations face au drame vécu par ceux qui fuient les combats et l’extrême pauvreté était d’une urgente nécessité. Il faudra sans doute l’amplifier dans les semaines à venir, pour proposer des conditions d’accueil et d’intégration à la hauteur des flux de populations et des espoirs des migrants qui sollicitent la protection de l’Europe.
Une pénurie dramatique d’hébergements

Cet accueil intervient dans un contexte de pénurie dramatique d’hébergements et de logements accessibles aux plus pauvres, faute d’un développement suffisant de réponses nouvelles que nous appelons pourtant de nos vœux depuis plusieurs années. La situation reste dramatique sur de nombreux territoires à l’approche de l’hiver. Plus de 140 000 personnes n’ont pas de domicile fixe. Seulement une personne sur deux obtient un hébergement via un «115» structurellement débordé. Et seulement un tiers des demandeurs d’asile sont accueillis et accompagnés en centres spécialisés, les CADA, comme le prévoit pourtant la loi. Parallèlement, le développement de l’offre de logements abordables est à la traîne que ce soit dans le parc social ou privé, alimentant ainsi la liste de demandeurs de logements sociaux tout en réduisant les perspectives de sortie de l’hébergement vers des solutions durables.

Les inquiétudes qu’expriment les travailleurs sociaux, les bénévoles, parfois les personnes en situation de précarité elles-mêmes, face aux risques de concurrence entre «pauvres» sont donc compréhensibles. Mais nous entendons ici et là qu’avant d’aider ceux qui arrivent, il faut d’abord aider ceux qui sont déjà là, voire ceux qui sont nés ici. Ce positionnement est dangereux et contraire à la dignité humaine et aux droits fondamentaux. Notre pays, 6e puissance économique mondiale, peut – et doit – tendre la main à toutes les personnes à la rue, quelle que soit leur situation administrative. L’accueil inconditionnel des personnes en situation de détresse, inscrit dans les textes de notre République, interdit le tri des personnes en fonction de leur statut ou de leur nationalité. Ce principe intangible guide depuis des décennies l’action des associations de lutte contre l’exclusion. Le remettre en cause serait une grave menace à notre pacte social, une entorse aux valeurs républicaines de solidarité et de fraternité.

C’est surtout au manque de moyens que sont confrontées les associations pour garantir cet accueil et donner à tous des perspectives de relogement, d’insertion voire d’intégration. L’annonce par le Premier ministre, devant le Parlement le 16 septembre, d’une enveloppe financière supplémentaire dédiée tant à l’accueil de réfugiés qu’à l’hébergement d’urgence de tous les sans-abri est un signe positif. Il importe cependant que les réponses soient à la hauteur des besoins, et qu’un vaste plan d’ensemble soit anticipé, de manière à éviter l’ouverture de structures sous la pression de l’actualité sans réelle prise en compte de l’ensemble des besoins dans la durée.
Rendre durable l’élan de solidarité

Prolongeons la prise de conscience et l’élan de solidarité qui traverse aujourd’hui la société française pour agir sur tous les maillons de la chaîne et lancer un grand programme de création de dizaines de milliers de places d’hébergement pérennes et de CADA, de mobilisation significative du parc social et privé vacant en faveur des plus précaires et de relance de la production de logements sociaux aujourd’hui en berne.

Si l’Etat se donne cette ambition, l’hébergement d’urgence sera recentré sur son rôle premier : répondre à l’urgence ! Nous serons ainsi en capacité de tendre la main aux migrants qui arrivent en France, mais aussi à tous ceux qui doivent, dans l’urgence, trouver une solution le temps d’accéder à un logement adapté à leur situation.

Trop de personnes sans domicile sont bloquées des mois, voire des années dans des parcours d’errance destructeurs. Elles alternent vie à la rue et hébergement d’urgence, alors qu’elles peuvent théoriquement accéder à un logement privé ou social, à un CADA ou à un hébergement stable. Comment se reconstruire et s’insérer lorsque l’on dort dans un gymnase, dans un centre précaire, que l’on est remis à la rue tous les matins, ballotté d’hôtel en hôtel, loin de tout et sans accompagnement ? Comment se reconstruire et s’insérer lorsque passée la compassion hivernale, on doit retourner vivre sur le trottoir ?

Aujourd’hui, toutes les propositions faites par les citoyens, associations, et les solutions dégagées par les pouvoirs publics prouvent que «quand on veut, on peut». Alors, plus que jamais, rendons durable cet élan de solidarité pour combattre toutes les formes de pauvreté, d’ici et d’ailleurs.

Les 33 organisations du Collectif des Associations Unies :

Advocacy France

Association des Cités du Secours Catholique

Association Nationale des Compagnons Bâtisseurs

ATD Quart-Monde

Aurore

Centre d’action sociale protestant (CASP)

Collectif Jeudi noir

Collectif Les Morts de la Rue

Comité des Sans Logis

Croix-Rouge française

Emmaüs France

Emmaüs Solidarité

Enfants de Don Quichotte

Fédération d’aide à la santé mentale Croix marine

Fédération des Associations et des Acteurs pour la Promotion et l’Insertion par le Logement (FAPIL)

Fédération de l’Entraide Protestante

Fédération Française des Equipes Saint-Vincent

Fédération Nationale des Associations d’Accueil et de Réinsertion Sociale (FNARS)

Fédération Nationale des Associations Solidaires d’Action avec les Tsiganes et les Gens du voyage (FNASAT-Gens du voyage)

Fondation Abbé Pierre

Fondation de l’Armée du Salut

France Terre d’Asile

Habitat et Humanisme

Les petits frères des Pauvres

Ligue des Droits de l’Homme

Médecins du Monde

Secours Catholique

SoliHa – Solidaires pour l’habitat

Union Nationale des Amis et des Familles de Malades Psychiques (UNAFAM)

Union professionnelle du logement accompagné (UNAFO)

Union Nationale des Comités Locaux pour le Logement Autonome des Jeunes (UNCLLAJ)

Union Nationale pour l’Habitat des Jeunes (UNHAJ)

Union Nationale Interfédérale des Œuvres et Organismes Privés Sanitaires et Sociaux (UNIOPSS)