Un étudiant en sociologie, Loïc Pignolo, assistant à l’Institut de recherches sociologiques de l’Université de Genève a passé cinq mois avec des vendeurs de drogue sénégalais dans le cadre de son mémoire de master. Ces hommes sont pour la plupart des migrants clandestins ou des demandeurs d’asile déboutés.
Après cinq mois d’enquête, Loïc Pignolo peut affirmer une chose: il n’y a pas de profil type du dealer de rue. «C’est très difficile de tirer des généralités tant les trajectoires de ces gens sont différentes», précise l’assistant.
Au total, le chercheur a rencontré une quinzaine de dealers, essentiellement concentrés dans une rue de la ville. La plupart étaient issus d’Afrique de l’Ouest principalement du Sénégal et de la Gambie âgés entre 20 et 30 ans.
Une des étapes les plus délicates du travail a été de gagner leur confiance: «Ils étaient méfiants, ils avaient peur que je sois de la police ou que notre échange attire des agents soupçonnant une transaction, explique Loïc Pignolo. Cela a pris plusieurs semaines pour que certains osent me parler.»
Une fois ces craintes passées, les discussions ont rapidement cassé quelques clichés sur les dealers. Notamment celui du réseau mafieux. «Tous les hommes que j’ai rencontrés travaillent en indépendant. Leurs situations et leurs revenus dépendent alors beaucoup des choix qu’ils effectuent.» Selon les substances vendues – principalement cannabis, ecstasy et cocaïne – le temps de présence dans la rue et leur réseau de clients, les gains journaliers peuvent ainsi varier entre 20 et plusieurs centaines de francs.
Une activité temporaire
La plupart des vendeurs sondés voient toutefois cette activité comme temporaire. «Ces hommes sont pour la plupart des migrants clandestins ou des demandeurs d’asile déboutés, précise Loïc Pignolo. Ils considèrent le deal comme le seul moyen de gagner de l’argent ici et de mettre une petite somme de côté pour espérer faire autre chose plus tard.»
Contrairement aux idées reçues, la plupart des dealers sondés ne sont pas des consommateurs et ne tirent aucune fierté de cette activité. «Certains vendeurs semblent même avoir un rapport conflictuel avec les drogues», rapporte le chercheur. En particulier avec la cocaïne, qu’ils jugent la plus dangereuse pour les consommateurs. Plusieurs refusent de travailler avec cette substance bien que ce soit la plus rentable. Et beaucoup ressentent un certain malaise lorsqu’ils doivent mentir à leur famille sur leur source de revenu. «Cette réalité contraste avec d’autres milieux sociaux, notamment aux Etats-Unis ou dans certaines banlieues françaises, où le deal apparaît comme une identité revendiquée qui permet d’acquérir un certain respect dans un contexte d’exclusion et de marginalisation», analyse Loïc Pignolo.
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