Tchad et Sénégal : Une nouvelle désillusion pour Paris dans sa stratégie militaire en Afrique

En moins de 24 heures, le Sénégal et le Tchad ont officialisé leur demande de retrait des forces militaires françaises de leur territoire, révélant une « réorganisation » que Paris préparait, mais dont la mise en œuvre s’avère désastreuse. Ce double départ marque un nouvel épisode d’érosion de l’influence française en Afrique, au profit d’autres puissances, notamment la Russie.

Des annonces chocs pour une coopération remise en question

Le Sénégal a ouvert le bal par la voix de son président, Bassirou Diomaye Faye, affirmant que la souveraineté de son pays ne pouvait tolérer la présence de bases militaires étrangères, et appelant à un partenariat strictement civil. Quelques heures plus tard, le Tchad a suivi, mettant un terme à son accord de coopération militaire avec Paris, une décision annoncée par le ministre tchadien des Affaires étrangères, Abderaman Koulamallah.

Pris de court, le gouvernement français a sobrement déclaré « prendre acte » de ces décisions, tout en exprimant sa volonté de poursuivre le dialogue avec N’Djamena.

Une débâcle stratégique

Le départ de l’armée française du Tchad constitue un coup dur pour Paris, qui comptait sur ce pays comme ultime allié au Sahel, après des retraits forcés du Mali, du Burkina Faso et du Niger, où des régimes militaires hostiles ont pris le pouvoir. Ce désaveu intervient alors qu’un rapport commandé par l’Élysée préconisait une refonte du dispositif militaire français en Afrique, sous la forme de partenariats « renouvelés » et « co-construits ».

Pourtant, cette nouvelle approche ne semble pas avoir convaincu les autorités locales. « Les Français font l’autruche », commente Elie Tenenbaum, de l’Institut français des relations internationales (Ifri). Selon lui, les décisions des partenaires africains, frustrés par un manque de consultation réelle, visent à reprendre l’initiative et à affirmer leur autonomie.

L’ombre de Moscou

Ces départs successifs s’inscrivent dans un contexte de montée en puissance de l’influence russe en Afrique. Depuis plusieurs mois, le Tchad et le Sénégal renforcent leurs échanges avec Moscou. « La Russie, même sans intérêts stratégiques majeurs dans ces pays, utilise ces situations pour affaiblir l’influence française », analyse Elie Tenenbaum.

Cette tendance est également soulignée par l’opposant tchadien Succès Masra, qui évoque une présence croissante du groupe de mercenaires russes Wagner sur le territoire tchadien. Selon lui, cette influence russe pourrait également servir d’outil politique pour le président Mahamat Idriss Déby Itno, qui cherche à consolider sa position à l’approche des premières élections législatives depuis 2015.

Un revers pour la France

Ces départs successifs traduisent l’échec persistant de la politique française en Afrique. Malgré l’annonce de la fin de l’opération Barkhane en 2022 et les promesses de réformes, Paris peine à redorer son image. Le chef d’état-major des armées françaises, Thierry Burkhard, reconnaissait récemment que la présence militaire française produisait des « effets négatifs » dans les perceptions locales, souvent plus pesants que les bénéfices réels.

Avec ces nouvelles ruptures, la France est confrontée à une gifle diplomatique retentissante. Selon Wolfram Lacher, analyste au SWP, « le Sénégal et le Tchad ont, en l’espace de 24 heures, démontré l’impasse dans laquelle se trouve Paris en Afrique ». Ce revers souligne la nécessité d’une remise en question profonde de la stratégie française sur le continent, face à des partenaires de plus en plus affirmés et à une compétition internationale croissante