Tunisie: Il y a cinq ans, Mohamed Bouazizi s’immolait par le feu

Il y a cinq ans, Mohammed Bouazizi s’immolait par le feu à Sidi Bouzid. Un acte de désespoir qui provoqua la chute du dictateur Ben Ali et le déclenchement du « printemps arabe ». Cinq ans après, où en est la Tunisie ?

Cinq ans. Le 17 décembre 2010, Mohamed Bouazizi, un vendeur ambulant tunisien de 26 ans exaspéré par la précarité et les brimades policières, s’immolait par le feu à Sidi Bouzid. Un geste désespéré à l’origine du soulèvement qui allait renverser en quatre semaines le régime autoritaire du président Zine el-Abidine Ben Ali, puis susciter une vague de révoltes qui a déferlé sur le monde arabe.

Jeudi 17 décembre 2015, cinq ans plus tard jour pour jour, les autorités tunisiennes doivent poser la première pierre d’un « musée de la révolution » à Sidi Bouzid, où trône un portrait géant de Mohamed Bouazizi, décédé le 4 janvier 2011 et icône malgré lui de la révolution tunisienne.

bouazizi-tunisieUne révolution qui a abouti à une transition démocratique réussie, permettant à la Tunisie de faire figure de rescapée dans une région tourmentée. Une transition qui a été récompensée au plus haut niveau avec l’attribution du prix Nobel de la Paix au dialogue national tunisien. Le pays s’est doté d’une nouvelle Constitution et a organisé des élections libres, qui ont notamment porté à la présidence Béji Caïd Essebsi en décembre 2014.

Malgré ce succès sur le plan politique, la Tunisie peine à décoller sur le plan économique. En effet, le taux de chômage dépasse les 15 % et culmine à 32 % chez les jeunes diplômés. Un chiffre qui grimpe à plus de 46 % dans le gouvernorat de Sidi Bouzid, une région de 400 000 habitants au centre du pays, de longue date défavorisée.

À ce marasme économique s’ajoute aussi la menace sécuritaire, dans un pays frappé en 2015 par trois attentats majeurs revendiqués par l’organisation de l’État islamique (EI), ancré en Libye voisine. Le 18 mars, 21 touristes étrangers et un policier tunisien sont tués dans un attentat contre le musée du Bardo, à Tunis. Le 26 juin, une attaque contre l’hôtel Riu Imperial Marhaba près de Sousse (centre-est) fait 38 morts, dont 30 Britanniques. Et le 24 novembre, un attentat suicide en plein Tunis coûte la vie à 12 membres de la garde présidentielle.

« Rien n’a changé »

La liberté acquise avec la révolution, « c’est bien mais ça ne nous donne pas de quoi manger », confie à l’AFP une quinquagénaire qui vend des vêtements usagés au marché de Sidi Bouzid. « Ma fille est diplômée en chimie fine, elle ne trouve pas de travail. Et moi je me retrouve parfois obligé de vendre une brebis pour payer la note de l’épicier. (…) Rien n’a changé, les prix ont juste augmenté », déplore de son côté Mohamed Azri, un agriculteur frappé par la crise économique. Comme beaucoup, il regrette l’ère Ben Ali. « Je ne glorifie pas la personne mais on est obligé de le constater : c’était mieux avant », juge-t-il.

Mourad Mahjoubi, gouverneur de Sidi Bouzid, assure comprendre la déception de ses compatriotes. « Le citoyen a raison. Il se dit ‘j’ai fait la révolution (…) essentiellement à cause de l’inégalité entre les régions’, et il ne voit toujours pas » de changement ». Mais il faut aussi prendre en compte les circonstances exceptionnelles de l’après-révolution, fait-il valoir.

Jusqu’à récemment, « on gérait le quotidien. Il était impossible de planifier et le niveau des revendications était très haut. (…) Cette année, on a recommencé à prévoir sur le court, moyen et long terme », plaide le responsable.

Il évoque plusieurs grands projets, dont des autoroutes reliant la région de Sidi Bouzid à Tunis et Sfax, la deuxième ville du pays. « D’ici deux à trois ans, nous sentirons le début d’un changement dans le gouvernorat », espère-t-il.

Avec AFP