Les migrants travaillent plus que les non-migrants, selon l’OIT

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Des travailleurs migrants travaillent dans un champ de tomates dans les Pouilles, région du sud-est de l’Italie (photo d’illustration). Claus Bunks aka Afrobrasil/CC/Wikimedia Commons

C’est le premier rapport sur les travailleurs migrants publié par l’Organisation mondiale du travail. Sur 100 pages, l’OIT analyse la répartition et les secteurs d’activités des migrants. Du cadre américain parti s’installer à Shanghaï au Sénégalais qui entreprend une nouvelle carrière en Europe, plusieurs faits inattendus y sont révélés.

Depuis plus d’un an, l’OIT, basée à Genève, collecte, recoupe, analyse des milliers de données venues de 179 pays. Première information, sur 232 millions de migrants, 150 millions sont considérés comme travailleurs migrants. N’entrent dans cette catégorie que ceux qui exercent un emploi ou en recherchent activement un, dans un pays différent de celui où ils sont nés. Sur l’ensemble de cette population, on compte un peu plus de femmes (55,7%) que d’hommes (44,3%). Mais ce n’est pas le phénomène le plus marquant.

Les pays riches en tête

Pourtant précis, le rapport de l’OIT n’indique pas les pays d’origine des travailleurs migrants mais uniquement les pays où ils résident. Sans surprise, plus de 74% se trouvent dans des pays à hauts revenus, contre 2,4% dans les pays à bas revenus. En tête, les Etats-Unis et l’Europe de l’Ouest et du Sud accueillent à eux seuls plus de 50% des travailleurs migrants. Mais le phénomène est sensible sur une vaste partie du globe. L’Asie du Sud, les pays du Golfe ou encore l’Europe de l’Est attirent eux aussi beaucoup.

Les migrants plus actifs

Le taux d’activité chez les migrants est plus élevé que dans le reste des populations nationales. Ainsi, si 72,7% des migrants exercent une activité, le pourcentage tombe à 63,9% chez les non-migrants. Plusieurs raisons expliquent le phénomène. D’abord, certains migrants exercent des professions parfois boudées par les nationaux. C’est le cas des postes dans l’industrie ou l’agriculture. Souvent moins rémunérateurs et plus pénibles, ils intéressent moins les non-migrants des pays à hauts-revenus. L’autre explication, c’est la part des femmes dans les activités exercées. 67% des femmes migrantes travaillent contre 50,8% des femmes non-migrantes. Un écart considérable mais quasiment imperceptible chez les hommes. 78% de migrants actifs, contre 77,2% d’actifs chez les non-migrants. Là encore, ce sont surtout à travers des activités moins rémunératrices comme les travaux domestiques que se joue la différence chez les femmes.

71% travaillent dans les services

C’est peut-être l’information du rapport de l’OIT la plus inattendue. Mais elle demande à être contrastée. Bien sûr l’étude prend en compte l’exemple d’un cadre Britannique qui partirait travailler à Washington. Mais sur 150 millions de migrants travailleurs, tous ne sont pas cadres. Et pourtant, 71,1% sont considérés par l’OIT comme travaillant dans les services. Secteur tertiaire à forte valeur ajoutée. Un chiffre qu’il est nécessaire d’analyser. D’abord l’OIT a choisi de regrouper sous le même intitulé un spectre de services assez large. Cela va du garagiste au trader financier en passant par le médecin humanitaire. Or, le niveau de formation entre ces différents métiers varie énormément. Autre élément, le travail domestique est lui aussi comptabilisé comme un service. Autrement dit, une Philippine, par exemple, qui exerce comme femme de chambre en Asie du Sud ou dans les pays du Golfe, sera considérée comme travaillant dans les services. Des facteurs qui expliquent la part si importante qu’occupent les migrants dans les services. Contre seulement 26% pour industrie et la construction.

Un rapport doublement utile

L’Organisation mondiale du travail note que ce rapport, le premier du genre aussi complet, permettra de prendre « des décisions utiles et éclairées pour améliorer la condition des migrants partout dans le monde, notamment dans le cadre du Programme de développement durable pour 2030 ». Un enjeu important à l’heure où les flux migratoires et les dynamiques sont de plus en plus complexes et importants. Enfin, alors que certains pays traversent une phase de questionnement politique intense et quand les questions d’immigration clivent la société, le recours à des données indépendantes et fiables pourrait permettre un débat apaisé et productif.

Par Pierre Olivier